Nos regards
Rouge à lèvres « La bouche rouge », avec ou sans Maalox ?

> 17 novembre 2017

Rouge à lèvres « La bouche rouge », avec ou sans Maalox ? On connaissait le célèbre Rouge baiser qui, contrairement à son nom, ne laissait pas de traces rouges lors du baiser.

On connaissait l’importance de formuler un stick aux qualités organoleptiques parfaites. L’écrivain Colette lors de son « Voyage égoïste » (1922) nous a révélé l’importance de l’arôme qui parfume le rouge à lèvres et les lèvres de son utilisatrice. C’est grâce à une anecdote pleine de saveur que Colette nous persuade de cet aspect du travail du formulateur. Elle nous relate en effet le cas de Monsieur Z, un homme bizarre qui goûte, avec gourmandise, les rouges à lèvres, dans les parfumeries. Véritable expert, il est capable de discuter ingrédients avec les vendeuses et connaît par coeur la rose d’Orient et l’essence de girofle. Son attitude étrange, pour ne pas dire suspecte - il se tartine les lèvres avec application et semble ne s’intéresser qu’au goût et aucunement à la couleur du bâton - ne manque pas de susciter l’étonnement chez les observateurs de la scène. La justification de cette attitude particulière tient en huit lettres : Monsieur Z est AMOUREUX de sa femme. Lassé d’embrasser des lèvres dont le goût ne lui plait guère, il a décidé de constituer une réserve de rouges à lèvres de toutes couleurs et de toutes saveurs… enfin de saveurs à son goût ! « Puisque notre amour conjugal ne languit point, je veux choisir les verges qui me fouettent, et j’achète moi-même le rouge à lèvres de ma femme. » (C. Couteau & L. Coiffard, Dictionnaire égoïste des cosmétiques, Edilivre, 2016, 244 pages).

On découvre en 2017 des rouges à lèvres commercialisés sous le nom de « La bouche rouge ». Cette gamme de cosmétiques est une gamme de luxe. Le raisin (nom donné au bâton de rouge à lèvres en souvenir du temps où des pommes savoureuses entraient dans sa composition) est conditionné dans un étui de luxe en cuir de veau, pleine fleur.

La gamme revendique l’absence d’allergènes (entendons allergènes figurant sur la liste des 26 allergènes), de PE (perturbateurs endocriniens), de PMMA (polyméthylméthacrylate) et de parfum.

Les rouges à lèvres de la gamme existent en 8 coloris et les baumes en 2 couleurs (orange, pêche) et en une version blanche.

Ils sont composés de corps gras de textures différentes. Les alcools gras liquides s’associent aux cires, pour former un bâton dont le point de rupture correspond à une pression parfaitement ajustée.

Le rouge WR 01 Mat renferme un mélange d’hydroxyde d’aluminium et d’hydroxyde de magnésium, ces principes actifs anti-acidité que l’on retrouve dans des médicaments tels que le Maalox. Le menthol et le stévioside, un édulcorant naturel extrait des feuilles de Stevia rebaudiana, sont respectivement responsables de la saveur mentholée et sucrée. Le tocophérol et le gallate de propyle sont des conservateurs anti-oxydants. Il est étonnant de trouver un adaptateur de pH dans un milieu anhydre ! Aucun pigment n’est retrouvé dans cette formule. Curieux, quand même pour un rouge à lèvre… au moins aussi étrange que l’attitude de Monsieur Z ! Mais, comme pour Monsieur Z, il y a peut-être une explication…

Le baume orange associe corps gras de synthèse et corps gras naturels. Les principes actifs du Maalox s’invitent encore dans la formule. La teinture de benjoin et la vanille sont incorporées pour leur saveur. On rappellera que la teinture de benjoin possède des notes vanillées caractéristiques (Pauline Burger, Alexandre Casale, Audrey Kerdudo, Thomas Michel, Xavier Fernandez, New insights in the chemical composition of benzoin balsams, Food Chemistry, 210, 2016, Pages 613-622). Son autre caractéristique, beaucoup moins sympathique, est d’être allergisante. Cet élément, bien connu de l’industrie cosmétique, explique son abandon dans ce domaine d’application (William D. James, Stephen W. White, Barney Yanklowitz, Allergic contact dermatitis to compound tincture of benzoin, Journal of the American Academy of Dermatology, 11, 5, Part 1, 1984, Pages 847-850). Un peu d’alcool est à déplorer. Toujours aucun pigment à l’horizon !

Le baume blanc est composé de corps gras, comme tout rouge à lèvres qui se respecte. Beurre de karité et beurre de mangue émargent en fin de liste... à côté de la teinture de benjoin et de l’alcool. On s’étonnera de la présence de triéthylcitrate. Cet inhibiteur de lipases, enzymes responsables de la dégradation des lipides, est très souvent retrouvé dans les déodorants et en particulier ceux qui sont indiqués dans le cadre de la sudation liée au stress (c’est alors une sueur de nature hydrophobe qui est sécrétée par les glandes sudoripares apocrines) !

Il n’y a pas à dire, ces rouges à lèvres sont beaux... Ils sont conditionnés dans des étuis de belle facture... Côté formulation, on s’y perd un peu, puisqu’aucun colorant n’est présent dans les listes d’ingrédients…

Des actifs permettant de lutter contre l’acidité gastrique au triéthylcitrate, actif-phare des déodorants ciblant la sueur de stress, ces rouges à lèvres et baumes labiaux se sont donnés le mot pour rendre le plus zen possible la consommatrice !

Cela ne marche pas avec nous... Ces formules sont donc bien loin de nous convaincre !

Le rouge WR 01 Mat : Octydodecanol, dimethicone/vinyl dimethicone crosspolymer, isononyl isononanoate, synthetic wax, cera alba, polybutene, C10-30 cholesterol/lanosterol esters hydrogenated mictrocrystalline wax, butyrospermum parkii butter, polyglyceryl-2 triisostearate, stearic acid, trimethylpropana triisostearate, sorbitan oleate, aluminum hydroxide, magnesium hydroxide, menthol, stevioside, tocopherol, propyl gallate, citric acid (https://www.laboucherougeparis.com/le-rouge-9-16-wr01.html#composition).

Le baume orange : Squalane, helianthus annuus seed oil, jojoba esters, C10-30 cholesterol/lanosterol esters, polyglyceryl-2 triisostearate, synthetic wax, cera alba, dimer dilinoleyl dimer dinlinoleate, hydrogenated microcrystalline wax, dipentaerythrutyl hexahydroxystearate/hexastearate/hexarosinate, octydodecanol, butyrospermum parkii butter, calcium aluminum borosilicate, mangifera indica seed butter, diisostearyl malate, triethyl citrate, styrax tonkinensis resin extract, vanillin, stearic acid, stevioside, tocopherol, sorbitan oleate, aluminum hydroxide, magnesium hydroxide, alcohol, propyl gallate, citric acid (https://www.laboucherougeparis.com/le-baume-orange-72.html#composition)

Le baume blanc : Squalane, helianthus annuus seed oil, jojoba esters, C10-30 cholesterol/lanosterol esters, polyglyceryl-2 triisostearate, synthetic wax, cera alba, dimer dilinoleyl dimer dinlinoleate, hydrogenated microcrystalline wax, octyldodecanol, dipentaerythrutyl hexahydroxystearate/hexastearate/hexarosinate, butyrospermum parkii butter, calcium aluminum borosilicate, magifera indica seed butter, triethyl citrate, styrax tonkinensis resin extract, vanillin, stevioside, tocopherol, alcohol, citric acid (https://www.laboucherougeparis.com/le-baume-blanc-76.html#composition).

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