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Recettes pour chasser le diable...

> 03 septembre 2020

Recettes pour chasser le diable...

Le bon petit diable de la comtesse de Ségur est un jeune garçon de 13 ans, prénommé Charles.1 Il vit en Ecosse, chez sa cousine et tutrice, la terrible Mme Mac’Miche. Celle-ci manque terriblement de douceur pour le jeune orphelin dont elle a la charge. Non contente de le dépouiller de son héritage, elle le fouette à qui mieux mieux ; avare, acariâtre et colérique, la vieille femme ne constitue pas un bon exemple pour le jeune garçon. Heureusement, il y a la servante Betty qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour atténuer les punitions de la mère Mac’Miche. Il y a aussi la cousine Juliette, une jeune aveugle de 15 ans pleine de bonté, qui aime beaucoup Charles et va tenter de corriger ses défauts, non par le fouet, mais avec de la douceur et une éducation chrétienne. La vie du bon petit diable est parsemée d’embûches ; entre la mère Mac’Miche et la pension des frères Old Nick, pension infâme où les maîtres sont d’une dureté incroyable, il y a de quoi devenir vraiment mauvais. Heureusement, le juge d’instruction est là qui remet bon ordre à la situation et confie la garde de Charles à Marianne, la sœur aînée de Juliette.

Pour rédiger ce petit roman qui sort de France et nous emmène en Ecosse, la comtesse a eu besoin d’un pot de farine pour réaliser un fond de teint macabre, d’une chandelle pour fabriquer un cataplasme apaisant, de papier et de colle pour mettre au point un « médicament » qui prévient les coups, de l’or pour calmer les fous et agrémenter la vie des bonnes personnes. Les recettes fonctionnent une fois de plus et constituent un charmant recueil de recettes-maison !

Un petit portrait de Mme Mac’Miche

A l’occasion d’une bagarre entre Charles et Mme Mac’Miche, on apprend que celle-ci est dotée d’un dentier (qui finira dans la soupière, du fait du caractère facétieux de Charles) et d’une perruque qui ne tient pas fermement sur la tête.

De la farine pour faire le mort

Afin d’éviter le fouet, Charles met au point, avec l’aide de Betty, divers stratagèmes. Un jour, il tombe sur le sol, inanimé, avant même d’être touché par la baguette de son ennemie intime. Betty lui a enfariné le visage afin de le rendre « blanc comme un marbre ». Petit à petit, la farine s’envole et il ne reste plus, comme seul témoin de cette mascarade, des sourcils « imprégnés de poudre blanche » !

Un cataplasme à la chandelle pour apaiser les coups

Lorsque Mme Mac’Miche corrige son jeune cousin, elle y va de bon cœur et jusqu’à en souffrir de ses propres rhumatismes. Les fesses du pauvre diable en conservent des marques pendant longtemps, le faisant souffrir en position assise. Pour apaiser la douleur, Betty confectionne des cataplasmes à la bougie fondue (Betty étale sur « un linge une couche de chandelle fondue » et fait attacher ce « cataplasme » à l’aide d’une épingle au fond de la culotte de Charles). Le soulagement est, paraît-il, immédiat.

Des cornes de diable pour éviter les coups

Afin d’éviter de nouvelles fessées, Charles confectionne, avec l’aide de Betty, des têtes de diables cornues en papier. Celles-ci sont collées à la peau des fesses et permettront d’épouvanter la cousine qui a peur des esprits maléfiques. Une petite mise en scène avec des vapeurs soufrées vient parfaire la comédie. Mme Mac’Miche sait bien que le soufre est « le parfum favori des fées et du diable ».

De l’or pour traiter une attaque de nerfs

Lorsque Mme Mac’Miche est sommée de rendre l’argent qui appartient à son cousin, sa vie s’effondre. Elle est l’objet d’une « violente attaque de nerfs accompagnée de délire ». Charles et Betty se relaient à son chevet pour tenter de l’apaiser. Seule la vue de ses rouleaux d’or parvient à la calmer. Elle les caresse, les embrasse, les passe d’une main dans l’autre, tel un certain Louis de Funès dans « La folie des grandeurs » ... La pauvre folle ne se rétablira pas ; la « forte saignée » pratiquée par le médecin ne lui permettra pas de retrouver la raison. Mais l’avait-elle jamais eue ?

Un grand diable qui n’aime pas les coquettes

Pour conclure, la comtesse fait fonctionner la machine à faire avancer le temps. Charles et Juliette, devenus grands, se marient et ont des enfants. Charles a refusé un certain nombre de bons partis, des jeunes filles coquettes, « qui portent des cages, des jupes empesées » « de 5 mètres de tour », pour consacrer sa vie à sa bonne cousine.

Pour chasser le petit diable qui sommeillait en Charles, pas besoin de fouet, de privations, de brimades... la voix tendre de Juliette a suffi pour remettre de l’ordre dans la vie d’un brave garçon, poussé au mal par le grand diable Mac’Miche !

Bibliographie

1 Comtesse de Ségur, Un bon petit diable, Hachette, 1980, 255 pages

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