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Raison et sentiments selon Balzac

> 26 octobre 2019

Raison et sentiments selon Balzac

Le Chat-qui-pelote est l’enseigne d’une boutique de confection, située rue Saint-Denis, à Paris. La maison est ancienne et a vu passer plus d’un locataire entre ses murs. « Une formidable pièce de bois, horizontalement appuyée sur quatre piliers qui paraissaient courbés par le poids de cette maison décrépite, avait été rechampie d’autant de couches de diverses peintures que la joue d’une vieille duchesse en a reçu de rouge. »

Le court roman de Balzac intitulé La maison du Chat-qui-pelote commence par une farce réalisée par trois apprentis qui déversent, sur un amoureux transi, le contenu d’un clysopompe.1 « Ils aspergèrent » l’inconnu « d’une pluie fine et blanchâtre dont le parfum prouvait que les trois » farceurs avaient eu recours à ce type d’appareil à lavement. Le jeune homme qui se tient posté devant l’antique demeure se trouve, nous dit-on, ainsi coiffé à la Caracalla.

La boutique qui retient toute l’attention du jeune guetteur - le jeune homme en question est un peintre talentueux du nom de Théodore de Sommervieux - est la propriété de Monsieur et Madame Guillaume, deux honnêtes commerçants qui ont mis toute leur énergie à faire prospérer un commerce qui, pour l’heure, se porte à merveille. Monsieur Guillaume est un homme de devoir qui se fait la barbe « dès six heures ». Ne fréquentent la famille que des artisans besogneux qui ont réussi dans leur métier. On peut par exemple rencontrer chez eux « monsieur César Birotteau, riche parfumeur, et sa femme appelée madame César [...] ».2 Leurs deux filles, Virginie, l’aînée, âgée de 28 ans et la cadette, Augustine, de 18 ans, ne se sont pas partagées les grâces de manière équitable. Virginie est aussi austère qu’Augustine est charmante. Il n’est besoin que d’évoquer sa « peau de jasmin » et ses « yeux bleus ». Elle fait d’ailleurs l’admiration du premier commis de la maison, Joseph Lebas, qui en est secrètement amoureux. Du fait d’une éducation austère, les deux sœurs ne sont pas autorisées à être coquettes. « Toujours modestement vêtues, les deux sœurs ne pouvaient satisfaire la coquetterie innée chez la femme que par un luxe de propreté qui leur allait à merveille [...] ».

Bien qu’ils désapprouvent l’amour d’Augustine et de Théodore - que peut-on attendre d’un homme qui se « fait friser les cheveux comme un païen » ?, les parents Guillaume vont accéder au désir de leur fille qui veut à tout prix faire un mariage d’amour. Le pauvre Joseph n’aura plus qu’à se rabattre sur Virginie. Après une lune de miel fabuleuse, le quotidien rattrape rapidement le jeune couple. Le peintre ne trouve pas dans sa jeune femme une partenaire à sa hauteur du point de vue de l’esprit. Il s’en détache donc rapidement et court les salons où il fait la joie de quelques femmes peu scrupuleuses. A 21 ans, la belle Augustine est détrônée par la duchesse de Carigliano, « une femme de 36 ans ». Celle-ci est aussi habile que belle. Tout est de bon goût dans son appartement. « Les parfums répandus dans cette douce atmosphère flattaient l’odorat sans l’offenser. » « Tout était séduction ». Venue prendre conseil auprès de sa rivale, la belle Augustine tirera de sa visite une leçon cosmétique, à savoir qu’une jolie femme ne doit jamais pleurer car « les larmes enlaidissent », leçon qu’elle n’arrivera, malheureusement, pas à mettre en pratique.

Pendant que Virginie, mariée par raison, mène une vie paisible et heureuse marquée au coin du devoir, la pauvre Augustine, mariée par amour, se dessèche auprès d’un homme qui ne cesse de la mépriser. Cela la conduira à la tombe dans sa vingt-septième année.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui nous invite aujourd'hui à pousser la porte du Chat-qui-pelote !

Bibliographie

1 Balzac H. La maison du Chat-qui-pelote suivi de Le bal de Sceaux suivi de La vendetta suivi de La bourse, Gallimard, 1970, 380 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/cesar-birotteau-ou-l-art-de-valoriser-une-simple-huile-de-noisettes-832/

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