> 28 août 2021
Avec Contes à Ninon d’Emile Zola,1 le lecteur rentre de plain-pied dans l’univers poétique et féérique d’un jeune Milou qui ne s’est pas encore risqué à se plonger dans la ténébreuse généalogie des Rougon-Macquart ! La jolie Ninon, assise à ses pieds, Emile commence une promenade rafraîchissante, dans le pays des rêves bleus, occasion de croiser un jeune homme épris d’une forêt (Simplice), une jeune fille captivée par son carnet de bal (Georgette), un amoureux qui cherche l’objet de ses désirs dans une fête foraine (Celle qui m’aime), une jeune châtelaine qui attend l’âme sœur impatiemment (Le fée amoureuse), un jeune désabusé qui ne croît pas en l’amour et qui se laisse tout de même embarquer par un doux sourire (Les voleurs et l’âne), une petite fille élevée à la dure par de méchants oncle et tante qui répand le bien autour d’elle à pleines brassées (Sœur-des-pauvres)...
Simplice est tombé amoureux de la forêt à 16 ans. Quittant le château de ses parents, quittant une mère fardée (« La reine était une belle reine : elle usait tant de fard qu’elle n’avait guère plus de 40 ans. »), pommadée, et un père emporté et guerroyeur, Simplice s’installe sous « les feuillages aimés ». « Sa chambre de bain » bénéficie d’une « source d’eau vive, d’une baignoire de cristal perdue dans un bouquet de fleurs ». Nul palais ne peut égaler la splendeur des lieux !
Sur le carnet de bal de Georgette, une jeune fille aux joues brunes et aux longs cils noirs, à peine sortie du couvent, les prénoms (Charles, Louis, Robert, Paul, Edouard, Lucien, Georges, Albert... Edmond) se bousculent, apportant, chacun, leur note parfumée bien spécifique. Les feuilles de ce carnet exhalent un parfum de coquetterie » et sont « pleines de doux secrets ». Ce précieux carnet sera conservé pieusement, ouvert de temps en temps, contemplé histoire de s’enivrer encore, lorsque l’hiver sera venu du « lointain parfum de jeunesse », resté emprisonné du vélin des pages.
Léon, un jeune étudiant du quartier latin, élégant et de mise soignée, a fait le tour de l’Amour ; laissé pour compte par sa jeune amie d’enfance (elle n’avait que 10 ans alors !), Léon s’est juré depuis lors de ne plus tomber dans ses filets. Les caprices de femmes, les « joujoux qui brillent », les « amants peignés et fardés »... ne lui en parlez pas. Léon est en quête de vérité vraie, d’amour réciproque, de serments pour la vie. L’histoire finira dans un « nid couleur de ciel », aux côtés de la belle Antoinette.
Au rayon cosmétiques, les Contes à Ninon n’ont que peu de références à nous proposer, des fards pour tricher sur son âge, des fards pour tricher sur ses sentiments, des parfums qui font rêver les jeunes filles à marier et les vieilles épouses depuis longtemps casées. Au rayon rêves à emporter, les Contes à Ninon ont de bonnes références à nous proposer, une forêt est ensorcelante, de bonnes fées, toujours sur le qui-vive, une rose coquette et des libellules infidèles...
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour !
1 Zola E., Contes à Ninon, Le livre de Poche, 1973, 278 pages
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