Nos regards
Quand un collyre se veut cosmétique…

> 29 août 2017

Quand un collyre se veut cosmétique… Les cils ont une double fonction : une fonction protectrice et une fonction esthétique. Dans le domaine cosmétique, c’est ce deuxième aspect de leur personnalité qui va nous intéresser.

Depuis que les fourmis pondent des œufs et que la carbonisation des végétaux produit un résidu noir, la femme cherche à embellir son regard en le déposant dans un écrin de couleur sombre.

Depuis que Maybel s’est brûlée les sourcils et a cherché à les reconstituer avec les moyens du bord, les cosmétologues de tous pays se sont ingéniés à mettre au point les mascaras les plus efficaces, c’est-à-dire les plus performants en ce qui concerne leur capacité à projeter les cils le plus loin possible de leur base de lancement…

Depuis des temps lointains, les yeux, les cils et les sourcils sont l’objet de soins attentifs. On enduit cils et sourcils de préparations colorées. Certaines mêmes n’hésitent pas à relier à l’aide de fards leurs sourcils volontairement touffus en une ligne continue. Après avoir tourné autour de l’œil, les plus hardies n’hésitent pas à y introduire des collyres à des fins esthétiques. Durant l’Antiquité, des gouttes préparées à base de belladone sont instillées dans les yeux des belles Romaines afin de dilater leur pupille et de leur donner un regard de braise. Ils sont décidemment fous ces Romains !

Depuis que la Gaule s’est romanisée et que l’on n’a plus peur que le ciel nous tombe sur la tête, on n’hésite pas à piquer les « bonnes » idées de l’envahisseur ! L’idée du détournement d’un médicament pourrait plaire à certains.

Avouons tout de même que l’idée ne vient pas des Romains mais des Américains. Le bimatoprost, principe actif de la famille des prostamides capable de réduire la pression intra-oculaire, possède la propriété de faire pousser les cils. Cet effet, observé chez les personnes traitées pour un glaucome, que l’on ne peut pas qualifier d’effet indésirable (puisqu’il est, ma foi, assez appréciable) est dû au fait que cette molécule influence le cycle pilaire. Sous son action, le passage en phase anagène (phase de pousse du poil) est favorisé. Par ailleurs, la durée de cette phase est prolongée, ce qui entraîne logiquement une augmentation de la taille du cil. Une étude publiée en 2017 chante les louanges du bimatoprost. Une compilation de 33 études… 6000 sujets sur la sellette… Le bimatoprost à 0,03% en collyre permet d’observer une augmentation modérée de la longueur des cils (différence significative par rapport aux témoins non traités) à partir de 12 semaines de traitement. Au bout de 20 semaines, 67,2% des sujets traités observent une augmentation marquée ou très marquée de leur croissance pilaire. Il est à noter que 12,1% des sujets n’ayant reçu que l’excipient se montrent également satisfaits de la longueur et de l’épaisseur de leurs cils ! Les effets indésirables sont balayés d’un revers de main. Eczéma, sécheresse oculaire, conjonctivite… semblent rarissimes. Il faut, toutefois signaler des hyperémies et un assombrissement de l’iris (Stacy Smith, Steven Fagien, Scott M. Whitcup, Fred Ledon, Christine Somogyi, Emily Weng, Frederick C. Beddingfield, Eyelash growth in subjects treated with bimatoprost: A multicenter, randomized, double-masked, vehicle-controlled, parallel-group study, Journal of the American Academy of Dermatology, 66, 5, 2012, 801-806). Faire pousser les cils et assombrir l’iris, voici deux raisons pour certaines de chercher à tout prix à développer un glaucome ! (https://theconversation.com/du-miel-dans-les-yeux-et-autres-absurdites-cosmetiques-53134)

S’il paraît concevable d’avoir recours au bimatoprost pour favoriser la pousse des cils dans le cas particulier des situations d’hypotrichose liées à des chimiothérapies, par exemple (Gurpreet S. Ahluwalia, Safety and Efficacy of Bimatoprost Solution 0.03% Topical Application in Patients with Chemotherapy-Induced Eyelash Loss Journal of Investigative Dermatology Symposium Proceedings, 16, 1, 2013, S73-S76), il n’en est pas de même dans tous les cas.

Pour des cils XXL, non aux collyres médicamenteux… pour lesquels on ne dispose pas d’un recul suffisant quant à un effet néfaste à long terme…

Pour des cils XXL, oui, en revanche aux mascaras et aux brossettes adéquates…

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