> 06 octobre 2024
San Antonio est un commissaire sur lequel on peut compter.1 Quand son supérieur lui demande d’aller, déguisé en prêtre, recueillir les dernières paroles du fils de l’un de ses meilleurs amis, condamné à mort… il y va… même si le déguisement lui va aussi mal que possible. Et en quatre jours, San Antonio arrive à remonter la piste et aboutit à ce même M. Rolle qui a pleuré auprès de son supérieur pour qu’un Français accompagne son rejeton au pied de la potence.
Frédéric Dard n’aime guère les végétariens, si l’on en croit son insulte suprême : « bouille de supervégétarien » ! Une main molle, un œil larmoyant, zéro gramme de virilité. Pas vraiment le genre du bouillant San Antonio ! Pourtant, sur ordre du chef, il se met au service de ce drôle d’individu à la main molle comme « une livre et demie de foie de veau » !
Emmanuel, le fils de M. Rolle s’est présenté à la police britannique, de son plein gré, s’accusant d’être le chauffard à l’origine d’un accident de la route, avec délit de fuite, suivi du meurtre d’un témoin de la scène ! Résultat : la peine capitale par pendaison !
On apprendra plus tard qu’en réalité Emmanuel Rolle s’est sacrifié pour son père !
Le boss est chauve, on le savait déjà. Dans de nombreux opus, Frédéric Dard se plait à qualifier ce crâne lisse de diverses façons. Ici, « ce bath crâne », « couleur ivoire », est présenté comme un « ravissant skating à mouches » ! Avec l’accent, please !
Dans l’avion qui l’emmène à Londres, l’abbé Antonio (il est affublé d’une soutane) est assis à côté d’une « jolie souris platinée », possédant des « cils façon ramasse-miettes » et parfumée à outrance. « Ce qu’elle s’est collé comme parfum pourrait camoufler les abattoirs de la Villette ».
San Antonio, qui a oublié son état temporaire (Oui, monsieur l’abbé), lui décoche son « sourire le plus pur, style superdentifrice Colgate » !
Cette voisine lui fait, pour le moins, de l’effet. « De sentir sa chaleur, son parfum, ça me chavire et je fonds comme un comprimé d’aspirine dans un verre d’eau bouillante. »
Martha Auburtin, préparatrice en pharmacie, à Northampton, est la petite amie du fils Rolle. Impossible de la retrouver… Seul son sac à main, un « vieux » sac à main, finit par tomber entre les mains du commissaire. Un sac qui contient tout un bric-à-brac dont des « papiers démaquillants » !
Une fille qui se démaquille, et donc qui se maquille. Une fille après qui court San Antonio, qui se demande bien, par moment, ce qu’il « maquille », en se mettant sur la piste de cette souris.
Une fille, dont on retrouve d’abord le mouchoir. Un mouchoir qui porte des « traces de rouge à lèvres » (« C’est un mouchoir de gonzesse. ») Un mouchoir « non parfumé » !
Une fille, retrouvée dans un potager, un peu pas vraiment en bon état !
Le pharmacien, ce « marchand de purges », Mr Standley, chez qui travaille Martha, est un type d’allure louche dont la bouche renferme « des chicots noirs qui ne font pas honneur à sa profession de marchand de pâte dentifrice. » Son officine est aussi sale que sa bouche, la poussière et les « chiures de mouche » y occupent une place prépondérante.
Grace est rencontrée au cours de l’enquête. Elle est « mince, blonde », séduisante. Elle va servir de traductrice à un San Antonio un tantinet anglophobe. « Son discret parfum, son odeur de blonde », « son tendre parfum », « l’odeur de son rouge à lèvres » réconcilient pourtant le commissaire avec le peuple anglais.
Pas longtemps, car…
Grace périra sous l’effet d’un curare… Sans commentaire ! Du curare dans son apéro… c’est évidemment le commissaire qui était visé !
San Antonio n’apprécie guère le brouillard. « Vivre dans la pommade », n’est pas son fort !
Avant de mourir, Emmanuel a murmuré à l’oreille de San Antonio : je suis innocent. Les paroles d’un condamné à mort, ça ne se discute pas. Du coup, le commissaire est prêt à parier « douze cachets d’aspirine contre une place de président de la République » que le jeune homme est aussi innocent que l’agneau qui vient de naître ! Lui, peut-être… mais, en ce qui concerne son père, c’est tout autre chose !
Côté vocabulaire, on est servi… Il emploie des mots « calés » et aussi souvent « décalés ». Il s’amuse à faire un « exercice de style comme dirait M. Raymond Queneau » ! C’est lui qui le dit !
C’est un remède à tout à faire, pour le commissaire, qui s’en sert aussi bien de remontant que de désinfectant. Après un passage à tabac, San Antonio s’en renverse un « flacon » « sur le cassis » ! Et cela lui fait un bien fou, avant de le brûler comme un fou. « Je dois avoir une plaie à la tête car l’eau de Cologne me brûle maintenant comme du vitriol. Son odeur accentue mon mal de cœur. »
On n’est guère surpris en apprenant que le rêve récurrent de San Antonio est celui qui concerne « une belle gonzesse » « parfumée » !
Tout ceci cache un trafic de cocaïne, impliquant un pharmacien et divers intermédiaires. Tout cela pour le compte du père Rolle. Faut le faire… être mis sur la piste du coupable par le coupable lui-même ! Y a que Frédéric Dard pour nous mitonner des romans aussi tordus en nous faisant, tout le long de l’enquête, de superbes sourires, ultra-bright ! Eblouissant !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Dard F., Sérénade pour une souris défunte in San Antonio tome 2, Bouquins, Robert Laffont, 2022, 1258 pages