> 31 juillet 2021
Meurtre en Mésopotamie d’Agatha Christie,1 c’est l’histoire tragique de « Mona Louisa », autrement dit de Louise Leidner, la femme du professeur Leidner, un archéologue de renom. La Mona Lisa des tesselles et des tells remplis de trouvailles précieuses n’a pas la douce tranquillité de la Mona Lisa de Léonard de Vinci. Lorsque l’on écoute les femmes qui la connaissent, on a plutôt l’impression d’avoir affaire avec une égocentrique de première, qui veut faire tourner tout le monde autour de sa petite personne. Après avoir trahi son premier mari, Louise est désormais victime d’un corbeau qui la terrorise... L’ambiance dans le camp de fouilles est tendue ; tout le monde fait assaut de politesse, se passe de la pommade en permanence, pourtant il y a quelque chose qui cloche ! Effectivement, ça cloche même beaucoup... la mort est au rendez-vous !
C’est l’infirmière recrutée pour veiller sur Louise (celle-ci est persuadée qu’elle est en danger de mort - la suite des évènements montreront que Louise voyait juste à ce sujet) qui va se charger de relater les évènements survenus au Tell Yarimjah. Amy Leatheran, 32 ans, « un visage avenant », des yeux bleus, des cheveux « d’un brun soyeux », est une infirmière qui connait son métier sur le bout des doigts. Adepte de la propreté, Amy est ravie de séjourner à Hassanieh, chez le Dr Reilly, dans une villa tout confort, dotée de salles de bains rutilantes. Il n’en sera pas de même au camp de fouilles où elle devra se contenter d’une salle de bain réduite à sa plus simple expression. « Un baquet en fer blanc » et de l’eau « fangeuse », stockée dans un bidon de pétrole. C’est bon pour la peau ça ?
Plutôt vieux jeu, Amy aime la sobriété cosmétique et jette un regard critique sur toutes les excentricités esthétiques. La fille du Dr Reilly, Sheila, et son rouge à lèvres tapageur, en particulier, attire ses foudres (« Brune aux yeux bleus, teint pâle et inévitable rouge à lèvres »).
Mrs Leidner est une femme très intelligente et très cultivée, à la beauté « fascinante », qui posséde un « je-ne-sais-quoi » terrible. Une manipulatrice, selon Sheila, qui la soupçonne de se façonner des cernes sous les yeux, afin d’attirer la pitié. « Louise chérie a des cernes sous les yeux. Grâce au crayon à maquillage, oui ! N’importe quoi pour attirer l’attention, pour que tout le monde la dorlote, pour qu’on en fasse un plat ! » Surnommée Mona Louisa, bien que « blonde comme les blés », Mrs Leidner a entre 30 et 40 ans, des yeux « magnifiques », « violets », soulignés d’un « léger cerne ». « Une flopée de flacons et de pots de crème » trône sur sa table de toilette, témoignant d’un intérêt certain pour tout ce qui est susceptible de magnifier une beauté par ailleurs innée.
La secrétaire du professeur Leidner, Mrs Johnson, a 50 ans ou plus et les « cheveux gris et coupés court ». Une secrétaire très professionnelle et très attachée au professeur. Un peu trop même peut-être !
Mrs Mercado est une très jeune femme vulgaire, au « teint de pruneau », « olivâtre », qui use et abuse de cosmétiques qui font mauvais genre. « La couleur de son vernis à ongles était assortie à celle de son pull-over criard ». (« Quand nous regagnâmes la véranda, nous y trouvâmes Mme Mercado qui se faisait les ongles. Elle tenait les mains à hauteur de regard pour admirer l’effet. Je me dis en moi-même qu’il était difficile d’imaginer rien de plus atroce qu’un rouge-orangé ».). Précisons qu’au moment du meurtre de Mrs Leider, Mrs Mercado est en train de se faire un shampooing. Alibi de taille !
Faut-il se méfier de M. Mercado et de sa « barbe tout ce qu’il y a de bizarre. » ? Une « drôle de barbe, à la fois rare et hirsute » ! Son « teint cireux » n’est pas signe d’une santé florissante. Des traces de piqûres sur ses bras laissent entendre un certain goût pour les drogues illicites.
Richard Carey est un très bel homme, très séduisant... à « tête de mort » ! Sa peau est, en effet, plaquée sur ses os telle une momie. Un visage « boucané », un teint de « bronze antique » le font ressembler à une statue antique à la froide beauté.
Le père Lavigny, un moine inquiétant, possède une barbe noire. Une vraie ? Oui, sa barbe semble « authentique », aux yeux d’un Poirot connaisseur. « [...] sachez qu’un assassin qui a de la classe ne s’affuble jamais d’une fausse barbe ». Mais ce moine est-il un vrai moine ?
Un individu à « l’affreux teint caca d’oie » a été aperçu autour du camp. L’assassin ?
avec toujours son « mètre soixante et des poussières ». Un « drôle de petit bonhomme grassouillet », à la « moustache inimaginable et au crâne en forme d’œuf ». Des « moustaches » « énormes », « en croc » ! On dirait un « coiffeur dans une pièce de boulevard ».
Une femme au « charme ensorceleur », qui aime à dresser les uns contre les autres, un crime en lieu clos (enfin presque !), des membres d’expédition plus étranges les uns que les autres, un Hercule Poirot en grande forme... Ce drame aux pays des femmes « aux cheveux teints au henné et aux visages tatoués » nous fait découvrir le quotidien d’une expédition archéologique et les tourments d’une femme d’archéologue. Tiens, tiens, bizarre, bizarre !
1 Christie A., Meurtre en Mésopotamie, Le livre de Poche, Librairie des Champs-Elysées, 223 pages
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