> 07 septembre 2024
Quel fumier ce Fumal ! Un ex-camarade de classe de Jules Maigret qui, une fois sa fortune faite, vient pigner dans un bureau de la PJ, afin d’obtenir une protection policière. Appuyé par un ministre, Fumal toise Maigret de sa superbe… Fumal reçoit des lettres anonymes. On en veut à sa peau ! Et des ennemis, ce boucher qui a monté un trust dans son domaine et engendré la faillite de plein de concurrents n’en manque pas.1
A peine un policier en bas de chez lui… notre homme est assassiné. Mais que faisait la police ? Elle ignorait, tout simplement, que l’assassin était un familier de la maison.
Une enquête qui se passe par un mois de mars pluvieux et venteux où la grippe fait des ravages au sein de la population en général, et au sein de la police en particulier. Une enquête pour laquelle Simenon passe son temps à regarder les joues des protagonistes, rasé ou pas rasé ?
Odieux, méprisant, foncièrement méchant… Fumal est un odieux personnage, « énorme et mou », appelé, autrefois, par ses camarades de classe « Boum-Boum » !
Jeanne Lentin, la femme de Ferdinand Fumal, est conservée dans l’alcool ! « Ni peignée, ni lavée », elle passe le plus clair de son temps au lit, une bouteille à la main. Son « teint blafard » témoigne de sa réclusion… à perpétuité ! Ferdinand a brisé sa femme… il n’en reste plus rien !
Emile Lentin est un pauvre bougre, qui vient régulièrement squatter l’hôtel particulier de son beau-frère. A côté de la chambre de sa sœur, dans une chambre isolée, il peut se reposer et se raser, comme en témoigne son nécessaire de toilette, planqué sur le haut d’une armoire. « Ce qui se trouvait là-haut, sur une couche épaisse de poussière, c’était un rasoir, un paquet de lames et un tube de crème à raser. »
Emile passe sa journée dehors, dans les bistrots ; il y noie son mal-être. Un suspect de plus pour Maigret, qui a détecté des traces de son passage, en sentant une odeur de tabac dans une pièce visiblement inhabitée.
Rasé… il l’est ! En revanche, côté capillaire, Emile porte des cheveux « trop longs, surtout dans le cou » ! Rassurons-nous, Emile est hors de cause !
Martine Gilloux a entre 25 et 28 ans. Ce n’est pas une beauté, ce qui ne dérange pas Fumal, qui recherche avant tout une oreille complaisante, capable de l’écouter sans murmurer !
Louise Bourges donne des renseignements aux concurrents de Fumal, contre rétributions ; elle ne rêve que de campagne et de retraite bien méritée.
Joseph Goldman, l’homme de confiance, tripatouille les comptes en faveur de son maître et sans doute un peu pour lui aussi !
M. Gaillardin a été ruiné par Fumal ; il s’est tiré une balle dans la tête. C’est sa maitresse qui est prévenue par Maigret, avant l’épouse légitime. Une jeune femme « jolie », au « corps savoureux », selon la description d’un spécialiste en la matière !
Victor Ricou n’est pas un valet de chambre très stylé ; on le croise, souvent, dans ce roman, pas rasé. « Le valet de chambre n’avait pas eu le temps de se raser, mais il portait déjà son gilet rayé de jaune et de noir. » ; « Maigret remarqua qu’il ne s’était pas rasé (il, c’est Victor !!!), ce qui lui donnait un air beaucoup plus braconnier que valet de chambre ou concierge. »
Et effectivement, cet ex-braconnier, qui a tué un garde-champêtre et doit d’avoir sauvé sa tête à Fumal (celui-ci lui a payé un très bon avocat, afin d’en faire son homme de main), n’a pas pu supporter la vie cloitrée qu’il menait à Paris.
Et boum, un coup de Lüger ! Et boum, un trou dans le coffre-fort. Et Boum-Boum est d’un seul et unique coup tué et dépouillé de son argent !
Un Maigret lourd, massif, qui se pose des questions sur la mort de son ancien camarade de classe. Un Maigret qui se sent « mauvaise conscience », « tout en se rasant »… Finalement, si Maigret avait pris Ferdinand au sérieux, celui-ci ne serait pas, désormais, entre quatre planches !
Petit à petit, Maigret commence à y voir plus clair. Une fois qu’il est dans son lit, tous les éléments du puzzle trouvent leur place… En dormant, Jules trouve le fin mot de l’histoire et en ressent un bien-être apaisant. « Maigret éprouvait un soulagement aussi pénétrant, aussi voluptueux que celui que procure, par exemple, un bain chaud après trois jours et trois nuits de train. »
L’inspecteur Janin est chargé de rester de planton dans la maison de Fumal. Au petit matin, on le retrouve harassé et « non rasé » !
Des Anglais venus en car découvrir la capitale ; dans ce groupe, un homme, « un petit monsieur à moustaches cirées » et une femme, « maigre, sèche, le visage et le corps fatigués d’une femme qui a travaillé toute sa vie » disparaissent subitement. L’homme réapparait très vite après une nuit d’ivresse ; la femme, quant à elle, sera retrouvée, deux ans plus tard, en Nouvelle-Zélande. Elle refusera toute explication…
Tout le monde est plus ou moins grippé, d’où une « odeur de médicament » qui se dégage des uns et des autres.
Jules Maigret, qui se rêve « raccommodeur de destinées », n’a pas pu empêcher que la vie de son ancien camarade de classe soit brisée. Il en gardera des remords toute sa vie.
En attendant, Simenon nous parle de la « belle Fernande », qui ne portait jamais de pantalon, par peur de « perdre une occasion » !
En attendant, Simenon fait une fixette sur les joues de ses personnages, vérifiant, pour l’un ou pour l’autre, la qualité du rasage effectué !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Simenon G., Un échec de Maigret, Presses de la cité, Paris, 1984, 189 pages