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Quand Hérodote mène une enquête... cosmétique

> 11 mai 2019

Quand Hérodote mène une enquête... cosmétique

Lorsque l’on suit les enquêtes d’Hérodote d’Halicarnasse,1 on se trouve transporté dans un univers fantasmagorique où la cannelle est gardée jalousement par des chauves-souris très agressives, où le crocodile est pêché avec un morceau de porc accroché à un hameçon, où l’on peut croiser la « mastichore », un curieux animal à « face humaine, taille de lion et peau rouge comme le cinabre ». Les devins de Scythie jouent au Mikado avec des baguettes de saule et prédisent l’avenir en fonction de la façon dont celles-ci retombent sur le sol. Hérodote recueille des témoignages, recoupe des dépositions. Il se donne un mal de fou et nous laisse au final un dossier épais qui nous montre que la nature humaine reste la même à des millénaires d’intervalle.

Le médecin, c’est le malade !

Sur les places publiques, à Babylone, les malades se rassemblent pour comparer leurs symptômes. Les passants qui veulent bien prodiguer des conseils sont les bienvenus. Chacun raconte son expérience et la manière dont il a été guéri. Les forum internet ne sont vraiment pas loin ! Dans les régions les plus fertiles d’Egypte, les gens instruits ont de « curieuses habitudes ». Ils se purgent trois jours de suite, chaque mois. Vomitifs et lavements permettent de réaliser ce que l’on appelle actuellement des « cures détox ». On pense, en effet, que « notre alimentation est à l’origine de toutes nos maladies ».

Le cheveu se porte rasé, en coupe bol ou long

Les Scythes, hommes et femmes, sont « chauves de naissance », ce qui leur économise de nombreux passages chez le coiffeur. Les Arabes apprécient la coupe à la Bacchus, une coupe « ronde qui laisse les tempes dégagées ». Les Egyptiens, qui respectent les animaux d’une manière exceptionnelle, « rasent la tête de leurs enfants, mettent les cheveux sur une balance, les pèsent avec de l’argent et remettent la somme » aux personnes chargées de les nourrir - les animaux, pas les enfants -, en manière d’offrandes. En Egypte, on ne fait rien comme ailleurs. « Dans tous les pays, les prêtres portent les cheveux longs, en Egypte, ils se les rasent. » Alors que l’on se rase la tête, partout ailleurs, en signe de deuil, en Egypte, on laisse pousser cheveux et barbes au moment d’un décès. Les Babyloniens « portent les cheveux longs et les ceignent d’une tiare ».

Les règles d’hygiène

La propreté est le souci constant chez les Egyptiens. « Les prêtres se rasent le corps entier tous les deux jours pour qu’aucune vermine ne les souille dans l’exercice de leurs fonctions. » « Ils se lavent deux fois par jour à l’eau froide et deux fois chaque nuit [...] ». Le fait de frôler un animal impur, tel que le porc, entraîne l’obligation de se plonger « aussitôt tout habillé dans le fleuve ». Les Scythes se purifient après un décès, en « se frictionnant et en se lavant la tête. » Ils apprécient, tout particulièrement, les bains de vapeur pratiqués sous des tentes. Des graines de chanvre sont jetées sur des « pierres chauffées à blanc. »

Les habitudes parfumées

Le parfum s’applique largement sur l’ensemble du corps pour les Babyloniens. Il est brûlé, à des fins de purification, dès lors qu’un homme a couché avec une femme. Les Ethiopiens, « les hommes les plus grands et les plus beaux du monde », se baignent dans une source qui rend « le corps brillant, comme si elle était d’huile et qui répand une odeur de violette. » Les femmes scythes préparent une pâte, en mélangeant des poudres obtenues en râpant des « morceaux de cyprès, de cèdre et d’arbre à encens » avec de l’eau. Le masque ainsi obtenu est appliqué sur le visage et sur le corps. Il n’est enlevé qu’après une nuit de contact ; les femmes sentent alors « admirablement bon » ; leur peau est « nette et fraîche ».

La pratique du tatouage

Le tatouage est considéré comme une marque « d’extrême distinction » chez les Thraces.

Le recours aux teintures

Les teintures sont l’apanage des Indiens qui utilisent un grand nombre de substances pour blanchir leur barbe ou bien, au contraire, lui conférer une couleur plus foncée ou bien encore la rendre « écarlate, pourpre ou verte ».

Quand Hérodote mène l’enquête, il n’a pas besoin d’un chien pour flairer la piste des cosmétiques. Entre bain de vapeur suffoquant, bain d’huile parfumé à la violette et masque qui fait la peau douce, il sait se glisser avec bonheur dans les salles de bains antiques afin de nous livrer les petits secrets de beauté des peuples qui se partagent notre belle planète.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour nous prouver, en image, qu'Hérodote d''Halicarnasse avait des analogies avec Columbo...

Bibliographie

1 Hérodote d’Halicarnasse, Découverte du monde antique - voyages et relations, Club des libraires de France, Paris, 1957, 305 pages

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