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Qu’est-ce qui se cache sous le fard ?

> 15 février 2020

Qu’est-ce qui se cache sous le fard ?

Qu’est-ce qui se cache sous le fard qui orne les joues des belles dames décrites par Balzac ? Qu’est-ce qui se cache sous le vernis de respectabilité qui recouvre les intérieurs pauvres ? C’est la question que se pose un jeune peintre renommé, Hippolyte Schinner, lorsqu’il entre en contact avec les deux femmes qui demeurent dans un logement situé sous son atelier d’artiste.1 Dans l’appartement de celle qui se présente comme la baronne Leseigneur de Rouville tout suinte la misère. « Pour un observateur, il y avait je ne sais quoi de désolant dans le spectacle de cette misère fardée comme une vieille femme qui veut faire mentir son visage. » Il faut bien reconnaître que ce qui attire le jeune homme chez la baronne n’est pas tant son hôtesse que sa charmante fille, Adélaïde.

Le salon de Madame Leseigneur et de sa fille est fréquenté par deux vieillards de 50 à 60 ans (!). L’un d’eux, le comte de Kergarouët, doit être aussi sensible de la tête que Napoléon,2 car il ne pose jamais son tricorne sur celle-ci, mais se contente de le porter à la main. « [...] les ailes neigeuses de ses cheveux poudrés n’offraient pas trace de la pression du chapeau ». Cet homme à tête sensible a tout du libertin... Il est constamment suivi de son double en négatif, le chevalier du Halga. « Son reflet », « son ombre » (« La poudre des cheveux semblaient moins blanche chez le second [...] »), est un vieillard terne et pauvre qui fut pendant longtemps l’amant de sa femme. Les deux amis soudés par la mort de leur amour commun survenu il y a une vingtaine d’années forment un étrange tandem que l’on ne s’étonnerait pas de retrouver sous la plume de Barbey d’Aurevilly. Ce binôme désuet vient tous les soirs s’installer à la table de jeu de la baronne et y perd des sommes considérables pour les beaux yeux de la belle Adélaïde.

Qu’est-ce qui se cache donc dans ce salon qui semble figé dans le passé ? La baronne et sa fille sont-elles des personnes fréquentables ou bien des aventurières redoutables ?

Que trouve-t-on sous le fard qui maquille les joues des femmes, sous la poudre qui pleut de la chevelure des hommes, sous le vernis qui recouvre les meubles ? Tout simplement une famille de vieille noblesse désargentée vivant de l’aumône d’un vieux comte qui a trouvé une manière bien sympathique de pratiquer la charité sans froisser l’amour-propre de celles qui en bénéficient.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l'illustration du jour.

Bibliographie

1 Balzac H., La bourse in La maison du Chat-qui-pelote suivi de Le bal de Sceaux, de la Vendetta, et de La bourse, Gallimard, 1970, 380 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/et-si-l-on-se-glissait-dans-la-salle-de-bains-de-napoleon-682/

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