> 20 août 2017
Les crèmes pour les mains ne datent pas d’hier. Pendant fort longtemps, les mains doivent être blanches, comme le reste du corps. Afin d’atteindre cet idéal, un certain nombre de cosmétiques sont recommandés. Le poète Ovide ne se contente pas d’être un littérateur, il se pique également de cosmétologie et propose des formules pour obtenir une blancheur éclatante. Orge mondé, lentilles, œufs, corne de cerf broyé, oignons de narcisse, gomme végétale, épeautre de Toscane et miel seront mélangés afin d’obtenir une préparation dont vous nous direz des nouvelles (C. Couteau & L. Coiffard, Beauté mon beau souci - Une histoire de la beauté et des cosmétiques, Edilivre, 2015, 285 pages).
Durant l’Antiquité, le cérat de Galien, formule à tout faire par excellence (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-cold-cream-la-froide-creme-qui-fait-recette-depuis-l-antiquite-58/) a certainement été utilisé pour préserver la douceur des mains de plus d’une patricienne. Après bien des modifications de sa formule et à l’arrivée d’une appellation plus conforme à notre (malheureux) goût pour les anglicismes, le cold cream ou « froide crème » (https://theconversation.com/cold-cream-que-contient-ce-cosmetique-a-succes-60339) continue une belle carrière cosmétique et déclenche bien souvent un acte d’achat par les consommatrices d’aujourd’hui. On aime à y incorporer des fleurs blanches, car on pense qu’elles seront susceptibles de transmettre leur teinte à l’épiderme qu’elles caresseront.
Au XVIe siècle, Pierre de Bourdeille reprend à son compte une énumération alors en vogue chez les poètes. Celle-ci vise à circonscrire la beauté féminine grâce à une trentaine d’items. On apprend ainsi que la peau doit être blanche et que les mains doivent être longues. On évoque, bien sûr, ici, la beauté aristocratique, la femme du peuple n’ayant ni le temps ni les moyens de préserver la qualité de son teint (C. Couteau & L. Coiffard, Beauté mon beau souci - Une histoire de la beauté et des cosmétiques, Edilivre, 2015, 285 pages). Ces mains longues et blanches, on les retrouvera dans un très grand nombre d’œuvres picturales et par exemple dans ce tableau du Parmesan qui constitue l’illustration de ce Regard.
Anne d’Autriche (1601 - 1666) apporte en France son goût des parfums et des recettes cosmétiques destinées à blanchir le teint. « La pâte d’amandes et les crèmes au cacao, importées d’Espagne, servaient à blanchir les mains et les épaules des belles dames de la cour [...]. ». Elle lance également la mode des gants parfumés… trop parfumés pour certains odorats (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-grande-mademoiselle-ou-les-coulisses-de-la-cour-de-louis-xiv-183/). Ces gants exercent, outre leur action principale - celle de masquer les odeurs désagréables par des senteurs plus fortes encore -, une action protectrice.
Ernest Monin (1856 - 1928), médecin parisien, Secrétaire général de la Société française d’Hygiène, Chevalier de la Légion d’Honneur, consacra une grande partie de sa vie à œuvrer pour la beauté féminine. Pédagogue, il rédige un ouvrage de vulgarisation accessible à tous qui sera réédité un très grand nombre de fois, du fait du succès rencontré ; après avoir rappelé des généralités, le médecin, soucieux de ses belles clientes, met à leur disposition un formulaire fort utile. Au chapitre des mains, le Dr Monin déplore le fait que « les mains sont souvent rouges parce qu’on les met trop facilement à l’eau ou que les manches des vêtements serrées aux entournures entravent la circulation régulière du sang ». Pour conserver des mains blanches, la solution est très simple : « Il faut éviter de les mouiller trop fréquemment, de les faire séjourner dans l’eau, et craindre les transitions brusques de température ». S’il revenait de nos jours, le Dr Monin serait bien surpris de nous voir nous laver les mains à longueur de journée ; il désapprouverait certainement l’usage à outrance des dispositifs médicaux à visée antiseptique ! Les gants sont considérés comme les accessoires de choix pour qui souhaite posséder des mains blanches, douces, soyeuses... Les gants de soie sont à privilégier, les gants de peau, teintés à l’aide de colorants plus ou moins bien tolérés, s’avèrent plus dangereux qu’efficaces. On pourra enduire ses mains d’un glycérolé d’amidon avant de les introduire dans les gants protecteurs. Effet occlusif garanti, mains de velours assurées. Rappelons-nous du pharmacien Joseph Simon, qui, vers 1860, se soucie des mains des lavandières et lance la crème Simon (un glycérolé d’amidon) pour toutes celles qui souhaitent éviter d’avoir des mains de lavandières (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/creme-simon-un-simple-glycerole-d-amidon-169/). On peut être sûr que les premières intéressées n’avaient pas les moyens d’investir dans de telles frivolités cosmétiques ! Pour celles qui aiment à tester dans leurs petits laboratoires personnels (elles ne doivent pas être légion au XIXe siècle) les formule du célèbre médecin, il est possible de réaliser une pommade pour « mains rouges » (lanoline, paraffine liquide, vanilline, essence de rose vraie) à utiliser matin et soir « en onctions », une « pâte imitant le coloris de la peau pour applications topiques dans les cas d’eczémas des mains et des doigts » (formule du célèbre dermatologue Unna à mettre en pratique lorsque l’on a échoué à rendre sa peau aussi blanche que le marbre !) (poudre de riz, litharge, glycérine, vinaigre), une lotion « contre la transpiration des mains » (eau de Cologne et teinture de belladone), une autre contre les démangeaisons (lait d’amandes, hydrate de chloral, teinture de coquelicots). Enfin, une pâte d’amande pour mains (amandes douces et amères pilées, jus de citron, lait, huile d’amandes douces et eau de vie à 20°) vient parachever la liste des produits recommandables. Tout un arsenal pour obtenir des mains dignes des peintres les plus exigeants !
En 1887, Paul Devaux, dans un charmant ouvrage au titre aussi long que désuet (Secrets de femmes célèbres, de mondaines, de demi-mondaines et d’actrices contemporaines - les auxiliaires de la beauté), confirme l’intérêt de renforcer l’action des cosmétiques par le biais de pansements occlusifs réalisés grâce à des gants. Pâtes à base de miel, de glycérine, de lait d’amandes sont glissées dans les gants afin de « développer la délicatesse du toucher d’une façon sensible ». Paul Devaux raconte alors l’histoire abracadabrantesque d’un Grec, « très connu du monde où l’on triche », qui ne quittait « ses gants gras que pour les échanger contre ses gants de ville » et qui avait acquis de cette manière « une telle sensibilité de doigté » qu’il reconnaissait « une carte au toucher » !
En 1906, le chanteur Félix Mayol chante « Les mains de femmes ». Qu’elles cousent, piquent, tricotent, pianotent, mettent de la poudre de riz, préparent la cuisine, retroussent leurs jupons, baissent leurs voilettes, mettent leurs lunettes... les mains de femmes sont des bijoux... dont Félix Mayol est complètement fou ! (http://dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/paroles/mains_de_femme_les.htm). Pour séduire Félix Mayol, il ne semble pas utile de mettre en œuvre tous ces cosmétiques. Il suffit d’être une femme !
Toutefois, si l’on veut mettre toutes les chances de son côté, on peut se replonger dans le formulaire de notre maître René Cerbelaud (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/rene-cerbelaud-1871-1939-notre-maitre-35/). Celui-ci confirme le bien-fondé des poudres et des pâtes d’amande pour les mains. En revanche, il s’oppose violemment à son confère en ce qui concerne l’usage du miel qui provoque, selon lui, « des efflorescences très marquées et rend la peau rouge et brillante. Si l’on n’est pas convaincu de son action, il suffit de remarquer les mains des ouvriers qui travaillent les gâteaux de miel d’abeilles ». Les pâtes et les poudres peuvent être utilisées pour nettoyer, blanchir, adoucir les mains. Eau oxygénée, sels de bismuth, céruse et sels de mercure sont rejetés péremptoirement pour des raisons de sécurité.
Bien des années plus tard, Marcelle Auclair (La beauté de A à Z, S.E.P.E, 1949, 393 pages) donnera à ses lectrices des conseils assez similaires. « De temps en temps la pâte d’amandes est recommandée au lieu du savon. Elle permet un léger massage et adoucit la peau ». On s’obligera à « s’enduire de crème immédiatement après tous lavages ». Marcelle Auclair ne se mouille pas trop en ajoutant qu’il « existe une quantité infinie de très bonnes crèmes pour les mains » et que chacun choisira la sienne en fonction de son goût !
Nous sommes maintenant dans l’Après-guerre (la Seconde) : suite aux aventures norvégiennes d’un pédiatre qui d’émerveille de la douceur des mains des pêcheurs qu’il rencontre, la formule Norvégienne Neutrogena voit le jour (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/neutrogena-encore-une-histoire-de-poisson-186/). Elle forme une barrière protectrice contre le froid mordant et évite tous les problèmes cutanés à type d’engelures...
Huile de foie de poissons, dérivés de pétrole, corps gras végétaux... autant d’ingrédients qui constituent la base de ce que l’on nomme des « crèmes barrières » (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-cremes-barriere-des-produits-fort-utiles-85/).
Comme le constatait Marcelle Auclair, il y a 70 ans, il existe une « infinité » de très bonnes crèmes pour les mains. Pour faire son choix, vous ne serez pas étonnés, si nous vous indiquons qu’il est utile de se pencher sur leur composition.