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Paul Féval, une vocation manquée de coiffeur !

> 07 juin 2020

Paul Féval, une vocation manquée de coiffeur !

L’auteur de romans-feuilletons Paul Féval est surtout célèbre pour l'histoire de son énigmatique bossu, publiée en 1858.1,2 A la lecture de ce roman qui s’achète au poids on constate une véritable fascination de l’auteur pour la fibre capillaire. Avant de se lancer à l’attaque du follicule pileux, un petit résumé s’impose. L’intrigue de ce roman palpitant se situe à la fin du XVIIe siècle. Philippe de Lorraine, duc de Nevers, est assassiné, le 24 novembre 1697, au pied du château de Caylus, par Philippe de Gonzague, celui qui se dit pourtant son ami et qui souhaite ainsi lui ravir sa femme (le duc de Nevers a épousé en secret la fille du marquis de Caylus, Aurore, et en a eu une fille, nommée également Aurore) et sa fortune. Le marquis de Caylus, veuf deux fois, n’a rien de bien sympathique. Il a tué ses deux femmes, en les cloîtrant successivement du fait d’une jalousie maladive ; il s’apprête, maintenant, à donner sa fille en mariage à un homme qu’elle n’aime pas, Philippe de Mantoue, prince de Gonzague... Alors que le duc de Nevers est en passe d’être tué au pied du château de sa belle, Lagardère surgit dans la nuit, met son épée en action, enlève le bébé et marque l’assassin de la pointe de son épée. Au masque près, du Zorro tout craché !

Paul Féval, au fil des pages, nous tisse une intrigue qui mollit par moment... C’est un peu tiré par les cheveux, mais ça met de bon poil quand on a réussi à ingurgiter l’ensemble du volume.

Philippe de Gonzague

Philippe de Gonzague a 30 ans au début de cette aventure. Il porte beau. Il porte perruque... Sa « coiffure ample et lourde », à la mode sous Louis XIV, est obtenue par empilement de « 2 ou 3 chevelures » artificielles qui viennent prêter main forte à sa chevelure naturelle. Cette « chevelure admirable » et savamment parfumée (elle est « lourde d’essence ») distille un « parfum de noble et opulent plaisir ». En vieillissant, Gonzague perdra ce fastueux capillaire et se trouvera obligé de ramener ses cheveux sur ses tempes, de manière habile.

Philippe fait partie du trio des « trois Philippe » représenté par le duc de Chartres, neveu de Louis XIV et futur régent et le duc de Nevers. Afin d’obtenir la main d’Aurore, Gonzague se résout à tuer son meilleur ami. Il sera par la suite, toujours entouré de deux acolytes, Chaverny et Navailles, deux hommes portant « poudre et mouches ». Gonzague est un fieffé coquin sous ses allures de grand seigneur. Il est passé maître dans l’art d’empoisonner tout ceux qui le gênent. Des pêches empoisonnées, des bouquets de fleurs dont le calice renferme « la mortelle acqua toffana », une préparation à base d’arsenic mise au point, à l’époque, par une Italienne désireuse de délivrer les femmes de maris gênants...3 font partie de sa trousse médicale d’un genre un peu spécial.

Philippe d’Orléans, duc de Chartres, Régent de France

Le duc de Chartres (le Régent) est le fils de la princesse Palatine. Il est aussi coquet que son père - ce n’est pas peu dire. Il boucle ses cheveux à l’aide de papillotes et porte des gants pour préserver la blancheur de ses mains. Peut-être enduit-il même ses gants de pâte d’amande afin de donner à ses mains un velouté incomparable ?

Aurore de Caylus

La fille du marquis de Caylus et d’Inès de Soto-Mayor est une belle jeune fille, aux « longs cils », doux comme la « soie ». De son amour avec le duc de Nevers est né une petite fille prénommée... Aurore.

Aurore, fille d’Aurore de Caylus et de Philippe de Nevers

Aurore, confiée aux bons soins de Lagardère, grandit en grâces et en beauté, en Espagne, loin de l’assassin de son père. Aurore possède les cils soyeux de sa mère et des dents de nacre. « Ses cheveux, noirs aussi, à chaud reflet d’or fauve ; ses cheveux longs et riches, si longs qu’on eût dit parfois que sa tête s’inclinait sous leur poids, ondulaient en masses larges sur son cou et sur ses épaules, faisant à son adorable beauté un cadre et une auréole. »

Dona Cruz

L’amie d’Aurore de Caylus (Aurore, seconde du nom, fille d’Aurore et de Philippe) est une jeune gitane, aux « cheveux abondants, soyeux et plus noirs que le jais ».

Cocardasse et Passepoil

Cocardasse et Passepoil sont deux personnages inquiétants qui ont été recrutés pour attenter à la vie du duc de Nevers. Unis comme les doigts de la main, les deux compères présentent des pilosités totalement opposées. Cocardasse, un maître d’armes parisien qui vend son épée au plus offrant, arbore une « riche chevelure crépue », d’un noir corbeau et de larges moustaches. Passepoil, quant à lui, a le cheveu rare de couleur « blond déteint ». Quelques poils rares viennent ourler sa lèvre supérieure. Ce « valet de barbier », ancien « rat d’officine chimique », ne semble pas porter beaucoup d’attention à son capillaire. Il aime pourtant séduire les femmes, toutes les femmes. « Il ne détestait même pas que la personne du sexe eût des moustaches plus fournies que les siennes. »

Lagardère

Lagardère est un jeune homme dont on sait peu de choses. Orphelin, il a dû, très tôt, se débrouiller pour subvenir à ses moyens. Plongeur au Pont-Neuf ou « désossé », c’est-à-dire contorsionniste pour amuser les badauds au prix de quelques pièces, ce jeune garçon semble être de haute naissance. Lorsque Paul Féval nous le présente, c’est un jeune homme aguerri aux armes par Cocardasse ; son physique ne peut laisser indifférent. Les « cheveux blonds » comme l’or de sa « chevelure bouclée » contrastent avec des yeux et des sourcils bruns. C’est un « Gaulois » !

Sa célèbre réplique « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi. » témoigne de la fougue de ce valeureux justicier qui ne recule devant rien. Dans la soirée du 24 novembre, il laisse une « large entaille » à la main du prince de Gonzague comme signe du crime auquel il vient de participer et se charge de protéger la petite Aurore, née des amours de Melle de Caylus et de Philippe de Nevers.

Lagardère c’est aussi le bossu, un homme à l’œil vif, au « nez aquilin » et à la bosse spectaculaire qui tourne autour du prince de Gonzague, 20 ans après le crime du château de Caylus. Lagardère n’est pas contorsionniste pour rien.

Le bossu de Paul Féval, c’est aussi...

... des fêtes somptueuses dans des jardins enchanteurs, avec « des cascades qui écumaient comme si l’on eût mis du savon dans leur eau. »

On attendait une description précise des produits de grimage nécessaire à Lagardère pour entrer dans la peau du bossu, on se retrouve dans la salle d’attente d’un coiffeur, au beau milieu de revues professionnelles présentant les modèles capillaires les plus « tendance ».

Dans ce roman, rassurez-vous, tout est bien qui finit bien. Ouf ! Ce roman est au poil, pour qui aime les histoires d’amour mouvementées et les coups d’épée entre les deux yeux (la célèbre botte de Nevers) !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour ce Lagardère, plein de fougue !

Bibliographie

1 Féval P. Le bossu, Collection 1000 soleils d’or, Gallimard, 1980, 599 pages

2 https://www.universalis.fr/encyclopedie/paul-feval/

3 https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/acqua-toffana/182258

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