> 10 août 2024
Echangerait copie de tableau de maître contre nuit d’amour passionnée. Tel est le thème de cette courte nouvelle de Françoise Sagan, intitulé L’échange.1 Un voleur, caché dans une penderie. Une belle lady qui perd le nord. Des parfums qui se mêlent. Il n’y a pas un dindon dans cette farce mais… deux ! Doublement jubilatoire, donc !
Lord Fontleroy est un mari jaloux à l’extrême. Lorsqu’il invite des amis à chasser sur ses terres, il enferme sa femme à double tour dans sa chambre, par prudence, par jalousie. Pas de bol pour cette fois-ci, car il enferme le loup dans la bergerie en enfermant sa femme avec un séduisant voleur d’œuvres d’art.
Arthur Scotfield, un « jeune homme mince, roux, au visage avenant et gai » s’est faufilé parmi les touristes qui visitent le château de Lord Fontleroy, dans le but précis de dérober le Franz Hals qui orne un des murs de la demeure.
Mauvaise pioche : Arthur s’est caché dans la penderie de la maitresse de maison, ignorant que, certains soirs, la pauvre femme est bouclée chez elle à double tour.
Mauvaise pioche encore : le Franz Hals n’est qu’une vulgaire copie, sans valeur. Cela fait longtemps, en effet, que la lady a vendu l’œuvre à son profit ; sans en avertir personne soit dit en passant.
L’épouse de Geoffrey Fontleroy est une belle femme rousse de 40 à 50 ans. « […] elle avait passé allègrement la quarantaine, voire la cinquantaine disaient ses meilleures amies. »
Une femme, dont les cheveux restent toujours parfaitement roux, malgré les années qui passent.
Une femme libre, qui s’offre une nuit d’amour avec un séduisant voleur, venu s’échouer au milieu des couettes et des couvertures dans un placard. Atchoum…
La belle et séduisante lady Fontleroy a mêlé « son parfum » à celui de son amant de passage. Un « parfum de soleil, de vieux tweed, de jeune homme », qui revigore la femme mature et lui donne l’illusion, l’espace d’une nuit, d’avoir encore 20 ans ! Mieux que n’importe quelle crème anti-âge !
Floué le Geoffrey. Floué le Arthur. Une farce à deux dindons. Une excellente farce, doublement jubilatoire, qui nous montre qu’il ne faut pas toujours chercher la recette de la jeunesse dans le placard de la salle de bains. Celle-ci se trouve, en effet, parfois, tout simplement, dans le placard de la chambre.
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Sagan F., L’échange in Certains sourires, quatre nouvelles, Ernst Klett Verlag, 44 pages