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Néologisme poudreux

> 09 février 2019

Néologisme poudreux

La poudre de riz est le cosmétique-roi au XIXe siècle ; parce qu’elle permet de masquer les imperfections cutanées, elle accompagne la grande majorité des femmes tout au long de leur vie.1 On continue encore à l’appliquer généreusement au début du XXe siècle ; le poudrier a élu domicile dans le sac à main féminin et rend possible la réalisation de retouches-maquillage à tout moment de la journée.

Certains personnages masculins mis en scène par Marcel Proust en font un usage immodéré. C’est le cas, par exemple, de Monsieur de Charlus.2

Certains personnages féminins imaginés par Guy de Maupassant en abusent totalement.3 Cette débauche de poudre de riz sur la gorge des femmes peut faire tourner certaines têtes rendues fragiles par l’abus d’alcool. C’est ce qui arrive au maréchal des logis, Varajou. Venu passer une permission chez sa sœur, Madame Padoie, ce brave soldat, pris de vin, se met à confondre Madame la Présidente avec la tenancière d’une maison close. Erreur fatale pour celui qui comptait se renflouer financièrement !

Cette joyeuse farce est l’occasion pour Guy de Maupassant d’inventer un adjectif scintillant à partir d’un cosmétique unanimement utilisé au XIXe siècle.

« Il monta, ouvrit une porte et aperçut, dans une pièce bien éclairée par deux lampes, un lustre et deux candélabres à bougies, quatre dames décolletées qui semblaient attendre quelqu’un. Trois d’entre elles, les plus jeunes, demeuraient assises d’un air un peu guindé, sur des sièges de velours grenat, tandis que la quatrième, âgée de quarante-cinq ans environ, arrangeait des fleurs dans un vase ; elle était très grosse, vêtue d’une robe de soie verte, qui laissait passer, pareille à l’enveloppe d’une fleur monstrueuse, ses bras énormes et son énorme gorge, d’un rouge poudrederizé. »

On attend l’auteur du XXIe siècle qui se risquera à nous raconter l’histoire d’une jeune fille « BB crèmeisée » afin de masquer ses imperfections cutanées, d’une jeune femme au teint « nudisé », adepte des cosmétiques naturels ou encore d’une femme mature « blurisée », cherchant à flouter ses rides...

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui se demande, aujourd'hui, ce qu'aurait bien pu penser un Maître Capello du mot "poudrederizé"...

Bibliographie

1 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/poudre-de-perle-a-l-intention-des-snobinettes-histoire-d-une-poudre-de-riz-particuliere-843/

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/sodome-et-gomorrhe-droles-d-endroits-pour-discuter-cosmetiques-190/

3 de Maupassant G. Une soirée in « Le rosier de Mme Husson », Flammarion, 1976, Paris, 247 pages

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