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Mousse à raser Nobacter, nouvelle formule, sans triclosan, comme une choucroute… sans choux !

> 11 septembre 2024

Mousse à raser Nobacter, nouvelle formule, sans triclosan, comme une choucroute… sans choux !

Une mousse à raser antibactérienne est indiquée chez les hommes ayant tendance à développer des folliculites (inflammation cutanée avec surinfection). Pour formuler ce type de cosmétique, il est nécessaire d’avoir recours à des antiseptiques. Le triclosan a été pendant longtemps le chouchou de ce genre de produits, jusqu’à ce que la patrouille le rattrape et lui en interdise l’entrée (le triclosan ne peut, désormais, plus être incorporé dans les produits de rasage) !

Que faire alors ? Reformuler les produits en question bien évidemment.

Une cible bien précise, l’homme qui souffre de folliculite

La pseudofolliculite de la barbe n’a pas manqué d’intéresser Albert Kligman qui, dans les années 1950, s’interroge sur le peu d’intérêt soulevé par ce trouble handicapant, touchant préférentiellement le sujet noir.1 Cette pathologie, désignée sous des noms variés comme « pili incarnati », « folliculitis barbae traumatica » et pseudofolliculite cicatricielle chronique de la barbe noire ou encore « sycosis barbae », bien que décrite par Dubreuilh dès 1922,2 ne semble pas, alors, intéresser grand monde. Ces poils de barbe qui s’incarnent et engendrent une inflammation cutanée sont particulièrement gênants pour les militaires qui se doivent d’être rasés de près.3 Il en résulte des troubles au sein des armées !

En 1973, le roi de la trétinoïne (on parle évidemment d’Albert Kligman) dégaine son principe actif fétiche et l’applique à des sujets souffrant de pseudofolliculite de la barbe dans des formes modérées. La solution à 0,05 % utilisée semble faire effet en cas d’utilisation précoce.4

Dans les années 1980, on commence à envisager toutes les solutions possibles afin d’éviter ce phénomène d’incarnation des poils de barbe. On préconise l’arrêt du rasage pendant une certaine période (30 jours),5 en conseillant plutôt l’utilisation de préparations dépilatoires qui dénaturent chimiquement le poil6 et l’aseptisation de la peau avec un antibiotique.7

Dans les années 1990, des mousses à raser type Nobacter sont indiquées pour prévenir la pseudofolliculite. C’est le triclosan qui est souvent utilisé comme actif.

Un actif-phare, le triclosan

Dans les années 1970 à 1990, les cosmétiques à base de triclosan étaient très présents sur le marché. Cet antiseptique, commercialisé à partir de 1965 sous les noms de Cloxifenol®, d’Irgasan® CH3564 et d’Irgasan® DP 300, s’invite, alors, aussi bien dans les liquides vaisselle que dans les cosmétiques.8

La gamme « Nobacter », dont le nom témoigne d’un effet antiseptique poussé, en contenait de fait. Savons, déodorants, dentifrices, mousses à raser… autant de cosmétiques susceptibles d’en contenir, jusqu’à ce que l’on pointe du doigt un effet perturbateur endocrinien gênant (effet androgénique, oestrogénique, thyroïdien).9,10

Dans les années 2000, on commence, en effet, à tirer une sonnette d’alarme en trouvant que cet antiseptique est utilisé à tort et à travers. Certains chercheurs tentent de recadrer les choses, en expliquant qu’il serait temps de ne conserver le triclosan que dans les produits où il s’avère indispensable.11

De ce fait, des gammes cosmétiques se mettent à bannir le triclosan de leurs formules.12

Et l’actif-phare de la mousse à raser Nobacter tombe à l’eau. Le groupe Beiersdorf n'a alors plus qu’à reformuler ses produits.

Les nouvelles formules Nobacter

La mousse à raser est constituée de savons mous obtenus par estérification d’acides gras (acides mytistique, stéarique et palmitique) par de la potasse. De la glycérine et de l’huile de coco, surgraissante, viennent apporter leurs propriétés humectante et émolliente à ce produit d’hygiène destiné à être rincé. Il est étonnant de trouver dans la formule, en plus des savons déjà présents, des tensioactifs irritants comme les sels de sodium et d’ammonium du laurylsulfate.13 Le caractère antiseptique de la préparation est lié à la présence de tropolone (un ingrédient sur lequel on aimerait bien avoir plus d’informations en matière de sécurité d’emploi).14 Une formule pas si douce que cela, pas franchement adaptée aux peaux sensibles.

Côté gel à raser… un savon (le palmitate de triéthanolamine), mélangé à deux tensioactifs doux (Oleth-20 et Glycereth-26). Deux agents surgraissants (paraffine liquide et acide stéarique). Des humectants (ethylhexylglycerin, PEG-14 M) et des colorants. Une formule bien ordinaire, qui ne semble pas franchement adaptée à la peau sensible non plus !

Nobacter, nouvelle formule, en bref

Nobacter sans triclosan, c’est une mousse à raser antiseptique allégée. Quid de son efficacité ? Le gel, quant à lui, est une préparation sur base savon, qui ne semble pas bien différente des autres mousses à raser du commerce.

On est d’accord, il vaut mieux éviter le triclosan, mais, finalement, Nobacter sans son actif-phare, c’est un peu comme une choucroute sans choux ou une paella sans riz !

Bibliographie

1 Kligman AM, Struass JS. Pseudofolliculitis of the beard. AMA Arch Derm. 1956 Nov;74(5):533-42

2 https://books.google.fr/books?id=4Xn1CAAAQBAJ&pg=PA163&lpg=PA163&dq=dubreuilh+pili+incarnati&source=bl&ots=3t3yRyAAm3&sig=ACfU3U1oN1miuHXh_vXQFlgU84LHrcfSPA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjUpLjWotWCAxX3VaQEHWLFC2IQ6AF6BAgjEAM#v=onepage&q=dubreuilh%20pili%20incarnati&f=false

3 Braunder GJ, Flandermeyer KL. Pseudofolliculitis barbae. 2. Treatment. Int J Dermatol. 1977 Jul-Aug;16(6):520-5

4 Kligman AM, Mills OH Jr. Pseudofolliculitis of the beard and topically applied tretinoin. Arch Dermatol. 1973 Apr;107(4):551-2

5 Conte MS, Lawrence JE. Pseudofolliculitis barbae. No 'pseudoproblem'. JAMA. 1979 Jan 5;241(1):53-4

6 Brauner GJ, Flandermeyer KL. Pseudofolliculitis barbae. Medical consequences of interracial friction in the US Army. Cutis. 1979 Jan;23(1):61-6

7 Dunn JF Jr. Pseudofolliculitis barbae. Am Fam Physician. 1988 Sep;38(3):169-74

8 Campbell L, Zirwas MJ. Triclosan. Dermatitis. 2006 Dec;17(4):204-7

9 Anderson SE, Franko J, Kashon ML, Anderson KL, Hubbs AF, Lukomska E, Meade BJ. Exposure to triclosan augments the allergic response to ovalbumin in a mouse model of asthma. Toxicol Sci. 2013 Mar;132(1):96-106

10 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/triclosan-triclocarban-deux-antiseptiques-dans-la-tourmente-911/

11 Russell AD. Whither triclosan? J Antimicrob Chemother. 2004 May;53(5):693-5

12 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1351421014701702

13 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-laurylsulfate-de-sodium-le-tensioactif-qui-gratte-un-peu-2690/

14 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-tropolone-un-ingredient-a-eviter-44/

Composition

Mousse à raser peaux sensibles : Aqua (water), butane, myristic acid, stearic acid, palmitic acid, cocos nucifera (coconut) oil, glycerin, potassium hydroxide, octyldodecanol, tea-lauryl sulfate, sodium lauryl sulfate, propane, triethanolamine, laureth-23, zinc pca, phenoxyethanol, 1,2-hexanediol, caprylyl glycol, isobutane, tropolone.

Gel à raser peaux sensibles Nobacter : Aqua, Palmitic Acid, Triethanolamine, Oleth-20, Isopentane, Glycereth-26, Paraffinum Liquidum, Isobutane, Ethylhexylglycerin, Stearic Acid, Hydroxyethylcellulose, Chlorphenesin, PEG-14M, Hydroxypropylcellulose, CI 47005, CI 42090.

 

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