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Mixa ou l’histoire d’un sourire

> 20 mars 2017

Mixa ou l’histoire d’un sourire C’est en 1924 que le Dr Roger met sur le marché un cosmétique de son invention, la crème Mixa, résultat d’un heureux mélange : « une crème et une poudre ». Il est vrai que les femmes utilisent, alors, la poudre de riz de façon systématique. « La poudre de riz sert non seulement à masquer certains défauts du visage, comme les points noirs, les taches de rousseur, les petits boutons, le hâle, différentes petites traces de cicatrices ; mais elle adoucit et absorbe l’humidité de la peau. Les préparations vendues sous ce nom sont inoffensives pour l’hygiène de la peau, à la condition qu’elles ne renferment pas de substances toxiques, telles que le carbonate de plomb, le zinc, qui irritent l’épiderme. » « Les meilleures poudres sont celles dans la composition desquelles entrent l’amidon, le lycopode, le riz, la craie de Briançon et quelques plantes dont les fleurs desséchées sont utilisées, comme la fleur de cassis, de roses blanches. L’oxyde de zinc et le carbonate de magnésie provoquent à la longue une irritation de la peau.» (La femme moderne – Son hygiène, sa beauté, ses enfants – Dr de Lusi – Tours – 1905)

Concrètement, cette nouvelle crème vient faire concurrence à un certain nombre d’autres « produits de beauté » alors présents sur le marché. On pensera, tout naturellement, à la crème Simon (voir Regard « Crème Simon, un simple glycérolé d’amidon »), qui connaît alors un grand succès et ce depuis sa date de création (1860) et qui n’est pourtant qu’un simple glycérolé d’amidon additionné d’oxyde de zinc. Elle concurrence également la crème Diadermine (voir Regard « Diadermine, la crème à tout faire »), une crème au stéarate, crème protectrice, nettoyante, anti-âge qui constitue, au début du XXe siècle, un poids lourd de sa catégorie.

Dans ce contexte, le Dr Roger ne doute pourtant de rien. Il se propose de faire économiser du temps (« en 5 minutes ») et de l’argent (« et à peu de frais ») à ses clientes en remplaçant deux produits (la crème et la poudre de riz) par un seul et unique (une crème dans laquelle on a incorporé des poudres). Il semble oublier que la crème Simon qui a plus de 60 ans d’existence renferme de l’oxyde de zinc (c’est-à-dire une poudre aux propriétés absorbantes). Le Dr Roger se veut confiant, sa toute jeune crème Mixa va venir à bout de celle qui se dit « sans rivale ». La suite va lui donner raison…
« Toute femme qui a la peau rouge ou qui est mécontente de son teint blafard peut désormais avoir et garder un teint idéal », nous dit une publicité d’époque. On a donc affaire à un produit-miracle qui estompe les rougeurs et semble redonner vie au teint le plus terreux. Ce n’est pas tout, cette crème est différente des autres. Elle se distingue, nous dit-on encore, des « crèmes sèches : à base de stéarine comme de vulgaires bougies qui dessèchent l’épiderme » et des « crèmes grasses qui forment avec la poudre une pâte lourde qui bouche les pores et congestionne la peau » ; (https://www.mixa.fr/la-marque)

Après avoir taclé la crème Simon, Mixa bouscule la crème Diadermine, une vulgaire crème au stéarate (comparée dans la publicité à une crème à la vulgaire bougie !!).

Après les femmes, les bébés. En 1970, une gamme de produits destinés à la toilette des bébés (un talc, une eau de Cologne, une crème isolante pour le change, un lait de toilette et un shampooing doux) vendus en pharmacie est lancée. Elle est « 100% hypoallergénique et formulée sous contrôle médical ». Les premières publicités font état d’une « toilette sourire ». Le très discret logo Mixa bébé (un sourire jaune tonique sur fond bleu) (https://www.mixa.fr/la-marque) est l’héritier de cette volonté de mettre sur le marché des cosmétiques pour bébés, pleins de douceur, qui ne peuvent que déclencher le sourire des nourrissons. Notons au passage que l’expression « un sourire jaune » peut porter à confusion ; elle rappelle furieusement l’expression « rire jaune » qui traduit un état de mécontentement masqué grossièrement par un sourire de façade. Mamans et enfants (les bébés posent joyeusement fesses nues) partagent l’affiche, démontrant, baisers à l’appui, que le moment de la toilette ne rime pas, comme avant, avec l’idée de corvée.

1975. Mixa bébé est désormais une marque bien connue. Il est bon de se rappeler que la crème Mixa était au départ destinée aux femmes. Mixa bébé va donc amorcer un virage publicitaire et s’adresser de nouveau aux femmes avec le slogan bien connu : « Ce qui est doux pour un bébé l’est aussi pour sa maman » ; « Le lait de toilette a été spécialement étudié pour nettoyer en douceur la peau de votre bébé qui est, comme vous le savez, particulièrement fragile. » « Tous les jours, votre peau, aussi, a besoin de cette douceur. Pour démaquiller et nettoyer votre visage, en lui gardant toute sa souplesse, toute sa douceur. Aujourd’hui, votre bébé vous offre cette douceur. Il vous prête son lait de toilette Mixa bébé. » Le raisonnement est simple. Formuler un produit destiné aux bébés est exigent du point de vue toxicologique et si l’on fait confiance à Mixa bébé pour son enfant, il n’y a aucune raison de ne pas utiliser ce produit pour soi-même. La douceur va désormais se conjuguer à tous les âges, à tous les temps, et ce sur une fort longue période. Les inconnues d’antan vont laisser la place à des égéries plus connues comme Estelle Lefébure ou Sonia Rolland. Outre leur attachement aux produits pour bébés, elles vont œuvrer également pour la gamme Mixa (tout court !!).


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