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Mimitika, la crème solaire du Président : alors, info ou intox ?

> 10 juillet 2017

Mimitika, la crème solaire du Président : alors, info ou intox ?

A l’origine de Mimitika, on trouve une jeune femme de 28 ans, Audrey Delort-Laval, qui a démissionné de chez Chanel pour créer sa « petite entreprise ». Dans une interview en date du 28 octobre dernier, la jeune entrepreneuse déclarait que cette décision en avait étonné plus d’un dans son entourage. On peut aisément les comprendre ! Diplômée d’une école de commerce, elle décroche, en 2012, un poste de Chef de Produit Parfum chez Chanel, en CDI (s’il vous plaît), ce qui montre que sa bonne étoile veille sur elle consciencieusement. 24 ans, Chanel, CDI, la fée qui s’occupe du cas de Mme Delort-Laval n’est pas restée les deux baguettes dans le même carquois ! Deux ans plus tard, une étude montrant la progression constante du nombre de cancers cutanés dans la population européenne déclenche le réflexe créateur qui sommeille chez Audrey. La jeune femme qui est insatisfaite des produits de protection solaire présents sur le marché n’a plus qu’une idée en tête : mettre au point la formule idéale, à la fois protectrice et agréable à appliquer. Audrey sait ce qu’elle ne veut pas : « Textures grasses et collantes, traces blanches... on a plus souvent l’impression de s‘étaler du dentifrice sur la peau qu’un lait protecteur. » et encore mieux ce qu’elle veut : « Je voulais créer une crème solaire que les gens auraient pour une fois envie d’utiliser. L’idée de MIMITIKA était née. » Alors que tout se passe au mieux chez Chanel (dixit l’intéressée), c’est par une lettre de démission que se termine la relation établie avec l’une des plus belles sociétés françaises. S’ensuivent 9 mois de pérégrinations cosmétiques, aboutissant à la mise sur le marché du produit qui fait aujourd’hui l’objet de ce Regard : « Le 27 mai : la crème solaire pour le visage MIMITIKA était dans les bacs ! » Lesquels ? On ne sait pas trop car la sortie du produit est restée finalement assez confidentielle.
(https://start.lesechos.fr/entreprendre/temoignages-entrepreneurs/pourquoi-j-ai-quitte-chanel-pour-monter-ma-startup-6318.php?b4fmR5fMYRvGIejQ.99)

Lorsque nous découvrons sur Facebook, le 30 juin 2017, le Président Macron, un pot de crème solaire Mimitika à la main, nous ne résistons pas… La crème qui va protéger le Président de la république française durant ses vacances doit être à la hauteur. C’est une question de principe… « Mimitika, fournisseur officiel de l’Elysée » mérite que l’on se penche sur sa composition.

Nous nous sommes donc empressées de commander un pot de crème solaire Mimitika. Première constatation à la vue du produit : le conditionnement primaire choisi est peu judicieux. Un tube serait préférable à ce pot (dont l’étiquette est collée de travers (enfin ça c’est au passage, parce ça reste finalement véniel…). En effet, il n’est pas certain (!) que l’utilisateur aura de quoi se laver les mains, à la plage (ou ailleurs !) avant de replonger ses petites mimines dans le dit emballage, au moment des ré-applications…

A la lecture de la liste des ingrédients, nous sommes étonnées de trouver le parfum en 5e position. De l’eau, des silicones volatiles (cyclopentasiloxane) ou non (dimethicone) (pour une application agréable et aisée), un filtre UVB (ethylhexylmethoxycinnamate) sont en tête de liste. Vient ensuite le parfum ! On en déduit (en parfaites connaisseuses de la réglementation cosmétique et en non moins parfaites légalistes que nous sommes – cela ne fait pas de mal de se congratuler de temps et temps et on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même) que les ingrédients qui se trouvent présentés après celui-ci sont en faibles quantités. Un filtre UVB (ethylhexyl triazone) et un filtre UVA (ethylhexyl triazone) seraient donc ainsi, ici, incorporés à doses homéopathiques. Humectant (glycerin), émollients (ethyl hexyl stearate, behenyl alcohol), gélifiants (sodium polyacrylate, sodium acrylate/sodium acryloyldimethyl taurate copolymer) et tensioactifs (sodium stearoyl glutamate, glyceryl stearate, polysorbate-80, sorbitan oleate) sont également rejetés en fin de liste, ce qui est, tout à fait inhabituel… mais à produit « exceptionnel », formule « exceptionnelle »… Il en est de même de l’extrait d’algue (Undaria pinnatifida extract) mis pourtant en avant sur le site de la marque (« La crème visage MIMITIKA contient un actif naturel d’origine marine qui stimule votre production de mélanine pour un bronzage plus rapide, durable et respectueux de votre carnation ») (https://www.mimitika.com/pages/ingredients). On suspecte donc plutôt une erreur dans la présentation des ingrédients ! Nul n’est pas parfait, enfin nous… (là, il faut qu’on arrête, quand même !!!). La littérature fait état d’un effet anti-inflammatoire de certains extraits de wakamé (Undaria pinnatifida) (Hui-Min David Wang, Xiao-Chun Li, Duu-Jong Lee, Jo-Shu Chang, Potential biomedical applications of marine algae, Bioresource Technology, 2017). Aucun effet accélérateur de bronzage n’est, en revanche, rapporté. Enfin, on note la présence d’un caroténoïde, la fucoxanthine (toujours apporté par l'extrait algal) ; celle-ci sera susceptible de colorer la peau (Hui-Min David Wang, Ching-Chun Chen, Pauline Huynh, Jo-Shu Chang, Exploring the potential of using algae in cosmetics, Bioresource Technology, 184, 2015, 355-362). Son usage dans les produits de protection solaire n’est pourtant pas opportun.

Avec si peu de filtres dans la formule, il nous semblait difficile d’atteindre un SPF de 50. La bonne fée protectrice d’Audrey Delort-Laval peut beaucoup, mais toutefois ses limites ont été, cette fois, atteintes et elle n’a pu interférer avec les mécanismes de protection des filtres UV. Au laboratoire, les résultats tombent comme un couperet : un SPF de 36 et un Facteur de protection UVA de 16 ne sont pas du tout en accord avec le SPF 50 affiché !

On l’a constaté au fil des Regards consacrés aux produits de protection solaire, l’effet protecteur est d’autant plus important que les filtres sont nombreux et en concentration importante.

Du point de vue de son positionnement, cette crème est présentée comme une crème solaire – crème de jour : « Avec sa texture non-grasse qui pénètre rapidement dans la peau, la crème solaire visage MIMITIKA est aussi une excellente base de maquillage. », concept contre lequel nous luttons fermement !

Notons, enfin, que l’emballage du produit solaire ne comporte aucune des indications de Santé Publique attendues. Ni la ré-application nécessaire toutes les 2 heures, ni l’application du produit en quantité généreuse, ni un rappel sur la nocivité des UV… ne sont mentionnés sur ce produit « made in France by happy people ». On trouve, en revanche 4 signes cabalistiques difficilement interprétables ! Ils doivent avoir été proposés par la fée…

Ce produit né de l’imagination d’une jeune femme ayant un profil marketing n’est pas abouti. Il reprend les codes de certains produits biologiques, sans en être un. « Nos ingrédients sont minutieusement choisis pour leur efficacité et leur inoffensivité ». (sic) « Et bien sûr, elle n’a jamais été testée sur les animaux. #miaoumiaou. » « Notre formule est clean et ne contient pas d’ingrédients réputés dangereux comme les parabène, nanoparticule, sulfate et PEG. » (re-sic)

Le public que la marque veut atteindre est un public jeune qui mérite mieux qu’un produit qui peine visiblement à atteindre le niveau de protection annoncé !

On l’aura compris ce produit à tout pour nous déplaire ! La formulation des PPS est un domaine qui nécessite une réelle expertise…

Les « amoureux du soleil », cibles marketing de ce produit, seront bien inspirés de se protéger efficacement à l’aide de PPS autrement plus protecteurs…

Une dernière chose, si la photo mise sur Facebook n’est pas une photo-montage, il serait bon de prévenir l’Elysée : Mimitika n’est pas un produit qui mérite qu’on lui fasse une telle publicité !

Crème solaire Mimitika SPF 50 : aqua, cyclopentasiloxane, ethylhexylmethoxycinnamate, dimethicone, fragrance, ethylhexyl triazone, butyl methoxydibenzoylmethane, glycerin, ethyl hexyl stearate, behenyl alcohol, undaria pinnatifida extract, hydrolyzed algin, magnesium sulfate, manganese sulfate, helianthus annuus seed oil, sodium stearoyl glutamate, silica, glyceryl stearate, sodium polyacrylate, sodium acrylate/sodium acryloyldimethyl taurate copolymer, isohexadecane, polysorbate-80, sorbitan oleate, BHT, dehydroacetic acid, benzyl alcohol, tocopherol, beta-sitosterol, squalene.

Un grand merci à Mme Eva Paparis, qui, une fois de plus, a permis de connaître le niveau d’efficacité de ce produit.

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