> 12 avril 2020
Marie Madeleine, cette femme qui vivait il y a 2000 ans, est une femme qui a servi de modèle à un très grand nombre d’artistes. Ses cheveux célèbres pour leur longueur et leur beauté constituent un moyen simple et efficace de la reconnaître dans les différentes représentations qui en sont faites.
S’il est facile de la reconnaître sur les tableaux et les sculptures qui lui sont dédiées, il est plus difficile de la retrouver dans les Evangiles, tant le nombre de femmes portant le prénom de Marie sont nombreuses. Il y a, entre autres, Marie (la sœur de Marthe et de Lazare), il y a Marie de Magdala (ou Marie la Magdaléenne) et il y a Marie de Béthanie. Est-ce une seule et unique femme ou bien trois différentes ? Deux, à notre avis.
Afin d’y voir plus clair, il est indispensable de comparer les écrits des quatre évangélistes.
Pour Saint Matthieu, la femme qui se tient au pied de la Croix est Marie de Magdala ; elle est accompagnée de Marie, la mère de Joseph et de la mère des fils de Zébédée (Mt 27, 56). Elle est également présente au moment du dépôt du corps du Christ dans le sépulcre que s’était fait creuser à son intention Joseph d’Arimathie (Mt 27, 61). Elle revient au jour de Pâques avec une autre Marie (Mt, 28, 1-8). Les deux femmes y rencontrent l’ange du Seigneur qui leur fait part de la résurrection du Christ. « Quittant vite le tombeau, tout émues et pleines de joies », elles courent annoncer la bonne nouvelle aux disciples. Ces femmes n’ont pas peur, contrairement aux gardes chargés de surveiller le tombeau, qui sont littéralement pétrifiés, au point de devenir « comme morts ». En se dirigeant vers Jérusalem, les femmes rejoignent Jésus ; elles se prosternent devant lui et « étreignent ses pieds ». Saint Matthieu relate également dans son évangile « L’onction de Béthanie ». La scène se passe chez Simon le lépreux. « Une femme s’approcha de lui (Jésus), avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très précieux, et elle le versa sur sa tête, tandis qu’il était à table » (Mt 26, 6). Les disciples présents lui en font d’ailleurs reproche ; pourquoi gaspiller un tel trésor ?
Pour Saint Marc, le groupe de femmes qui se tient au pied de la Croix est composé de Marie de Magdala, de Marie mère de Jacques le petit et de Joset et de Salomé (Marc 15, 40). Au matin de Pâques, les trois femmes « achetèrent des aromates pour aller oindre le corps » (Marc 16, 1). Lorsqu’elles arrivent au tombeau, elles sont étonnées de trouver la lourde pierre qui obture l’entrée roulée sur le côté. Un jeune homme vêtu d’une robe blanche tente de les rassurer ; Jésus est ressuscité. Effrayées, les femmes partent en courant. Le soir même (Marc 16, 9), Jésus apparaît à Marie de Magdala « dont il avait chassé sept démons ». Chez Saint Marc, l’onction de Béthanie (Marc 14, 3) prend également place chez Simon le lépreux. Il y évoque une femme avec un « flacon d’albâtre contenant un nard pur de grand prix » ; le flacon une fois brisé livre son contenu qui se répand sur la tête de Jésus qui voit dans cet acte une action prémonitoire : « Elle a parfumé mon corps pour l’ensevelissement ».
Pour Saint Luc, Marie la Magdaléenne (celle de laquelle était sortie sept démons) (Luc 8,1) est l’une des femmes qui sont venues de Galilée avec Jésus. Au jour de Pâques, ces femmes portèrent des aromates au tombeau, afin d’embaumer le corps de leur Seigneur. Le tombeau ne contient plus le corps du crucifié ; deux hommes aux vêtements éblouissants - elles ne peuvent pas les regarder en face tant elles sont aveuglées - leur expliquent que les Ecritures sont accomplies (Luc 24,9). Bien avant ces évènements, se situe l’histoire de « La pécheresse pardonnée et aimante » (Luc 7, 36). Lors d’un repas organisé par Simon, une femme dont le nom n’est pas précisé se glisse derrière Jésus qui est assis à table. « Elle se mit à arroser les pieds de ses larmes ; et elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers, les oignait de parfum. » Cette femme, dont le passé n’est certainement pas irréprochable, s’est convertie en profondeur dès lors qu’elle a croisé le regard de son Maître. Devant cette confiance et cette humilité, Jésus lui remet « ses péchés, ses nombreux péchés », « parce qu’elle a montré beaucoup d’amour » à l’égard du Fils de Dieu.
Pour Saint Jean, la femme qui « oignit le Seigneur de parfum et lui essuya les pieds avec ses cheveux » est Marie, la sœur de Marthe et de Lazare de Béthanie (Jean 11,1). Cette onction s’est faite lors d’un repas (on ne sait pas précisément chez qui) durant lequel Marthe est de service. « Alors Marie, prenant une livre d’un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s’emplit de la senteur du parfum. » Judas, celui-là même qui trahira Jésus pour de l’argent, lui en fait reproche, arguant du fait que cet argent aurait été plus utile pour les pauvres (Jean 12,1). Au pied de la Croix (Jean 19, 25), se tient un groupe de femmes composé de Marie, la mère de Jésus, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. Saint Jean sait exactement de quoi il parle puisqu’il se trouve lui aussi au pied du Crucifié et qu’il recueille l’une de ses dernières paroles ; « Femme, voici ton fils » « Voici ta mère ». Il nous indique que l’embaumement s’est déroulé en toute hâte par Nicodème et Joseph d’Arimathie, avec un « mélange de myrrhe et d’aloès » (Jean 19, 39). Au matin de Pâques, Marie de Magdala constate que la pierre du tombeau a été enlevée. Elle est « tout en pleurs ». Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc dans le tombeau et un homme qu’elle prend pour le jardinier. Elle court aussitôt avertir Pierre (le disciple qui deviendra le premier pape de l’histoire) et Jean, le disciple que Jésus aimait comme il se définit lui-même (Jean 20, 11). Marie de Magdala a reconnu Jésus, à la manière dont Celui-ci a prononcé son nom.
Ce qui est certain puisque les quatre évangélistes en font mention, c’est que Marie Madeleine est l’une des Saintes Femmes qui se tient au pied de la Croix et qui vit, la première, Jésus ressuscité. Pour Saint Marc, Marie de Magdala est la femme qui fut délivrée par Jésus des sept démons qui la possédaient. Marie Madeleine peut parfaitement être la femme pécheresse pardonnée et aimante de Saint Luc dans la mesure où celui-ci ne nous donne pas de précision sur son identité. C’est ce que la tradition a d’ailleurs retenu. Les pleurs qu’elle verse au tombeau et les aromates qu’elle porte dans ses mains rappellent la scène vécue quelque temps auparavant. Les pleurs qui baignent les pieds de Jésus, le parfum aux vertus conservatrices... ces signes sont en faveur d’une même et unique personne.
En revanche, en ce qui concerne Marie de Béthanie (la femme au flacon d’albâtre qui oint selon les témoins soit la tête soit les pieds du Christ), si Saint Matthieu et Saint Marc sont silencieux quant à son identité, Saint Jean est catégorique, il s'agit de la sœur de Marthe et de Lazare. Une Marie contemplative qui aime à se tenir aux pieds de Jésus pour l’écouter parler, même lorsque tout n’est que brouhaha autour d’eux.
A la lecture des Evangiles (La bible de Jérusalem), la figure de Marie Madeleine (avec ou sans une longue chevelure reconnaissable) se détache nettement ; une femme fidèle et courageuse qui suit Jésus au pied de la Croix et est présente au matin de la Résurrection pour constater le phénomène surnaturel qui s'est produit et en être témoin auprès du plus grand nombre.
En illustration : Détail d’un tableau Déposition de la croix - Il Perugino ; Filippino Lippi (1503 - 1507)
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