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Maigret dans une brume… de poudre de riz !

> 25 août 2024

Maigret dans une brume… de poudre de riz !

C’est vraiment pas de chance… pour le capitaine Yves Joris qui s’est fait tirer dessus, qui s’est fait fendre le crâne, tondre le crâne, recoudre le crâne, mettre une perruque avant d’être abandonné en plein Paris… sur les grands Boulevards. Une fois la victime identifiée, Jules Maigret se charge, avec Julie Legrand (la bonne de l’inconnu qui désormais n’en est plus un) de raccompagner le capitaine chez lui, à Ouistreham.1

C’est vraiment pas de chance… pour le capitaine Yves Joris de finir empoisonné à la strychnine, dans son lit, après avoir été trépané !

Oui… mais il ne fallait pas que le capitaine Joris se mêle des affaires de cœur de l’épouse du maire !

L’histoire en deux mots

Elle est toute bête. C’est une histoire d’amour ratée entre deux amoureux que le destin a séparé brutalement. Un fils est né de cette union furtive. Et puis la jeune fille s’est mariée et la vie a coulé, jusqu’à ce que l’ancien amant refasse surface et tente de reprendre son dû, son enfant de 15 ans.

Entre les deux amoureux, un capitaine de frégate sentimental, qui prête main forte et se chope une balle perdue !

Entre les deux amoureux, un mari féroce qui décide de se débarrasser du capitaine à l’aide d’un bon verre de strychnine ! Et là pour le coup, ça fonctionne ! Pas besoin d’y revenir à trois fois !

Yves Joris, le dégât collatéral

Il est hébété et ne parle plus ! Il ne fait que passer…

Julie Legrand, des dégâts dans le maquillage

Julie Legrand est la bonne de Joris depuis 8 ans. C’est elle qui a identifié le capitaine et qui vient le « récupérer » à Paris.

Cette jeune personne possède un « visage chiffonné, mal barbouillé de rouge et de poudre » ! Durant le trajet en train, Julie ne cesse de pleurer… mettant la panique dans un maquillage déjà mal en point. Ce qui l’oblige à jouer de la houppette régulièrement (« Julie en a profité pour tapoter le bout de son nez de sa houpette (sic) ») !

Julie pleure sur Joris, sur son état, sa décrépitude. Il n’y a encore que quelques semaines, il s’agissait d’un homme dynamique, aux « cheveux drus, très bruns ». A chaque cahot du train, Julie réajuste la perruque sur le crâne de son patron. « Et, chaque fois que la perruque glisse, elle se hâte de la remettre en place… »

Arrivée à Ouistreham, Julie retrouve sa petite vie tranquille. Une cuvette d’eau savonneuse pour la toilette, un bol de chocolat pour le réconfort !

Un verre de strychnine plus tard… Julie se retrouve à la tête d’une petite fortune ! Le capitaine lui a, en effet, légué tous ses biens.

Grand-Louis, l’ex-forçat en quête de dégâts

Le frère de Julie est un ancien forçat, qui a tué un policier, il y a quelques années, lors d’une bagarre. Après une peine de 8 ans, Grand-Louis est revenu à son port d’attache. Pas un mauvais bougre pourtant. Toujours prêt à donner un coup de main… à Joris, par exemple !

Les Grandmaison, un beau gâchis !

Le maire de Ouistreham, M. Ernest Grandmaison a envoyé son cousin Raymond au diable, il y a une quinzaine d’années. On lui a mis sur le dos une histoire de comptes falsifiés et on l’a envoyé au loin… en Norvège (où il a d’ailleurs fait fortune en se mettant à la tête d’une usine de traitement des déchets de morue) ! De cette façon, Ernest a eu les mains libres pour épouser Hélène, la fiancée de Raymond. Ni vu, ni connu… jusqu’à ce que Raymond refasse surface. Et là, tout se complique et le vernis de respectabilité de M. le maire en prend un coup.

Et un bain raté

Dans ce roman, Jules Maigret se fait mener en bateau. Il prend l’eau, se fait ficeler comme un saucisson… et aimerait bien en rentrant à l’hôtel prendre un bain ! Oui, mais c’est toute une affaire, car, pour ce faire, il faut que le patron « allume le feu des chaudières » et cela n’a pas l’air simple du tout ! Du coup, le commissaire s’en passera ! Mais pas de gaieté de cœur. « Le jour s’était levé et maintenant le commissaire enrageait de ne pouvoir prendre un bain chaud […] ».

Et une histoire de demi-breton

A Ouistreham, les Nantais sont appelés des « demi-Bretons » !

Le port des brumes, en bref

Ce roman sent une « odeur de goudron », celle que l’on renifle sur les vieux rafiots. Une odeur de chocolat chaud, aussi, celui que se prépare Julie ! Il y a des odeurs de haine, de rancune, des fragrances d’amour éternel… Tout cela forme un joli cocktail, dans lequel notre bon commissaire Maigret barbote jusqu’au cou. Petit à petit, pourtant, tout s’éclaire et la lumière se fait dans ce « port des brumes » !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Simenon G., Le port des brumes, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958, 250 pages

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