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Louis XVI, un homme bon qui savait se moquer gentiment des modes capillaires de son temps

> 21 janvier 2018

Louis XVI, un homme bon qui savait se moquer gentiment des modes capillaires de son temps Dans son ouvrage « Les fugitives – précis anecdotique et historique de la coiffure féminine à travers les âges de l’Antiquité à 1954 » (Société d’éditions modernes parisienne, Paris, 1955, 420 pages), René Rambaud, escorté de trois illustrateurs, nous livre un très beau panorama de la beauté féminine. Des cheveux nattés de Cléopâtre (« cheveux portant un ornement : « l’ureus », insigne de la souveraineté, et le « pschent », couronne surmontée de cornes de bélier entourant la lune »), à la coiffure « à la dandy » de 1954 (« Partant du dessus de la tête dans un mouvement enveloppant, les cheveux sont projetés en avant en fines mèches sur le visage et plus effilés encore sur les tempes d’où les cheveux sont rejetés en arrière en mouvements légers et sont ondés en biais, d’une oreille à l’autre, donnant à la nuque une forme « petite tête » lui gardant toute sa féminité »), le célèbre coiffeur décrit, avec passion, poésie et précision, toutes les modes qui ont prévalu en matière de beauté capillaire. Au chapitre XI, c’est Louis XVI qui est sous le feu des projecteurs ou, plus exactement, son épouse, la reine Marie-Antoinette. Cette époque est considérée comme le règne du « véritable triomphe de la coiffure », avec l’avènement d’un certain Léonard, qui crée de véritables « hennins en cheveux ». Cet artiste vit au rythme des « évènements politiques, littéraires, philosophiques, scientifiques, sociaux » et incorpore dans ses créations (coiffure à la Minerve, poufs…) des plumes, des fruits, des légumes, des oiseaux empaillés, des poupées, des bergers, des bergères… bref tout ce qui lui tombe sous la main…

La reine Marie-Antoinette fut, comme on le sait, pendant une courte période, très occupée par sa toilette et sa coiffure. Madame Campan, sa femme de chambre (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/journal-d-une-femme-de-chambre-ou-marie-antoinette-intime-340/), les historiens qui ont dressé son portrait (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/rose-bertin-une-marketeuse-avant-la-lettre-362/) et son peintre de prédilection, madame Vigée Le Brun (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/souvenirs-poudres-de-madame-vigee-le-brun-370/) nous la montrent sous les traits d’une femme au teint éclatant, inégalable, une femme pleine de charme, à laquelle il est difficile de résister, même deux siècles plus tard…

Et Louis XVI dans tout cela, nous direz-vous ? Louis XVI n’est pas, comme ses prédécesseurs, un être soucieux de son apparence. Perruque, poudre, fards… ne constituent pas ses accessoires préférés. Ses cheveux sont certes roulés en boucles (pour respecter les normes esthétiques de son époque) et attachés au niveau de la nuque par un catogan, mais son aspect ne le préoccupe pas plus que de raison.

Emile Anglade nous livre une anecdote prouvant la délicatesse du souverain. Souhaitant refréner les idées créatrices de Rose Bertin, Louis XVI passe à l’action en mai 1783. « Ces jours derniers, le roi, en revenant de la chasse, s’est fait faire un chignon à la manière des femmes, et est allé ainsi chez la reine. Sa Majesté s’est mise beaucoup à rire et lui a demandé ce que signifiait cette mascarade, si l’on était revenu au carnaval ? Est-ce que vous trouvez cela vilain, lui a dit son auguste époux ? C’est une mode que j’ai envie d’amener, je n’en ai encore institué aucune. Ah ! Sire, gardez-vous bien de celle-ci, elle est affreuse, a répliqué Sa Majesté. Cependant, Madame, a repris le monarque, il faut bien que les hommes aient quelques manière de se coiffer distinguée de celle du sexe, vous nous avez enlevé le plumet, le chapeau, la cadenette, la queue, aujourd’hui c’est le cadogan (sic) qui ne restoit (sic) et que je trouve fort vilain aux femmes. » La reine comprit fort bien le message et se fit défaire « sur le champ ses cadogans » et « reprit le chignon », plus classique !

Les portraits que nous possédons de Louis XVI nous montrent un roi, le plus souvent, souriant, qui semble plein de rondeur et de bienveillance. On peut donc le classer dans la catégorie des rois « gracieux », tout comme François Ier. Il s’oppose, en revanche, à la longue liste des rois impassibles, des rois graves tel son aïeul Louis XIV qui, pour un simple sourire flottant sur ses lèvres, voulut faire détruire sa statue équestre sculptée par Bernin (Lignereux Y., Le visage du roi, de François Ier à Louis XIV, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2010/4 n° 57-4).

L’érythème que l’on remarque au niveau des ailes du nez sur certains portraits nous laisse penser que Louis XVI souffrait de dermite séborrhéique, une dermatose bien souvent liée à un état de stress ou d’anxiété (L. Misery, S. Touboul, C. Vinçot, S. Dutray, S.-G.Consoli, Y.Farcet, N.Feton-Danou, F.Cardinaud, V.Callot, C. De La Chapelle, D.Pomey-Rey, S.-M.Consoli, S.-M.Consoli., Stress et dermatite séborrhéique, Annales de Dermatologie et de Vénéréologie, 134, 11, 2007, 833-837) ; ceci nous prouve que l’exercice du pouvoir n’est pas chose aisée pour cet homme qui, au décès de son grand-père, s’exclame : « Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! ». Il faut dire qu’il n’a que 20 ans !

C’est donc un roi plein de tact que nous découvrons, aujourd’hui, grâce à une anecdote de la vie courante, un homme qui a eu le « malheur de devenir roi » et qui engage son fils si celui-ci était amené à régner à « songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens ; qu'il doit oublier toute haine tout ressentiment, et nommément ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve ; qu'il ne peut faire le bonheur des peuples qu'en régnant suivant des lois : mais en même temps qu'un roi ne peut les faire respecter et faire le bien qui est dans son cœur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire ; et qu'autrement étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile. »

Un tel testament ne peut que forcer le respect…

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