L’excipient, le super-ingrédient qui mériterait une super-définition !

Le terme « excipient » dérivant du verbe latin excipere,1 est un terme générique qui désigne l’ensemble des ingrédients capables de porter le ou les ingrédient(s) actif(s), constitutifs du médicament ou du cosmétique. Longtemps considéré comme une substance « inerte »,2 c’est-à-dire peu encline à réagir chimiquement avec les autres ingrédients de la formule, l’excipient utilisé, souvent à fort pourcentage, est un ingrédient qui ne doit pas être négligé.

Un excipient majeur (en proportions) au rôle mineur (en matière d’action) ? C’est à voir !

L’excipient, ce qu’il n’est pas dans le domaine pharmaceutique !

Pour le Code de la Santé Publique, il est facile de définir la substance active entrant dans la composition du médicament à savoir « un composant actif », « exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques, ou d’établir un diagnostic médical ».

Pour le Code de la Santé Publique,3 il n’est pas facile de définir l’excipient… c’est pourquoi la définition qui nous en est donnée est-elle en creux. L’excipient ? « Tout composant d’un médicament autre qu’une substance active et que les matériaux d’emballage » !

L’excipient, l’ingrédient non actif, ou la notion d’exception

Et pourtant, on sait qu’il existe des ingrédients qui peuvent être considérés aussi bien comme des excipients (à effet diluant, liant, désintégrant, agent de granulation, agent de suspension) que comme des actifs (agent hémostatique, protecteur dermatologique, anti-inflammatoire par voie topique ou protecteur gastro-intestinal, antibactérien, antiviral, détoxifiant ou antidiarrhéique par voie orale)… c’est le cas, par exemple, des argiles dont un certain nombre de fonctions ont pu être citées précédemment.4

L’excipient, ce qu’il est dans le domaine pharmaceutique !

Dans le domaine pharmaceutique, l’excipient correspond à l’ensemble des ingrédients utilisés pour permettre au principe actif d’atteindre l’organe-cible, mais également des ingrédients qui ont pour rôle d’assurer la stabilité du produit ou d’agir sur son aspect, sa couleur ou son goût.5

Un excipient qui représente 80 à 90% de la formule !6

L’excipient, ce qu’il est dans le domaine cosmétique !

Il correspond, comme dans le domaine pharmaceutique, à l’ensemble des ingrédients susceptibles de porter les actifs. Toutefois, à la différence du domaine pharmaceutique, qui appelle globalement tout ce qui n’est pas actif, excipient, le domaine cosmétique raffine le système en distinguant l’excipient, la substance inerte qui véhicule l’actif des additifs (ces substances utilisées pour modifier les caractères organoleptiques de la formule et assurer sa conservation et sa stabilité dans le temps.7 Des additifs regardés avec sévérité du fait de leur capacité à engendrer des réactions indésirables à type d’allergie.8

Du coup… la liste des excipients se réduit comme peau de chagrin, puisqu’elle n’est plus composée que de l’eau, des corps gras…

Gélifiants, tensioactifs, conservateurs, parfums, colorants, édulcorants et aromatisants ayant été ôtés de cette catégorie.

L’excipient, le synonyme de la forme galénique

L’excipient utilisé pour véhiculer l’actif (dans le domaine cosmétique) ou le principe actif (dans le domaine du médicament) peut être de diverses natures. Il peut s’agir d’une forme galénique semi-solide (pommade, crème, gel) ou liquide (solutions). Ces formes peuvent être conditionnées dans des conditionnement variées permettant, par exemple, dans le cas des sprays de former des mousses.9

Pour mettre au point un excipient (entendez par là une forme galénique), il vous faudra donc associer entre eux des excipients (entendez par là des ingrédients à fonction d’excipient).

L’excipient, un peu plus qu’un placebo quand même

Oui… On sait que l’excipient porte l’actif. Mais il fait souvent bien plus que cela, en potentialisant, par exemple, l’effet hydratant (dans le cas où on utilise des ingrédients à caractère émollient) ou en modulant le phénomène de pénétration transdermique. L’excipient topique est donc un peu plus qu’un simple placebo.10

Il peut être élégant !

C’est ainsi qu’est désignée la glycérine dans une publication de 1885, qui met en avant cet ingrédient, déjà de plus en plus utilisé. Un excipient « élégant », qui s’oppose à la pénétration de certains actifs comme le prouve l’expérience menée par le Dr Vigier, qui, après application cutanée d’une solution d’iodure de potassium dans la glycérine, ne détecte pas la présence d’iode dans les urines, contrairement à ce qui se passe lorsque la glycérine est remplacée par des acides gras.11

On notera, toutefois, que la glycérine présente cette particularité de pouvoir émarger, avec grâce, dans les différentes catégories d’ingrédients composant le cosmétique. A la fois excipient (car la glycérine est un bon solvant permettant de solubiliser un grand nombre d’actifs), actif (la glycérine est un hydratant célèbre) et additif (cet humectant permet de retenir l’eau dans le cosmétique et permet à celui-ci conserver un bel aspect au cours du vieillissement de la formule),12 la glycérine à l’utilisation « universelle » ne se laisse donc pas cantonner dans une seule catégorie !

Il peut être propre !

« Clean »… cet excipient qui ne comporte que 3 ingrédients, de l’eau, de la glycérine (à parts égales) et 5 % de gélatine. Simplissime, cette préparation qui adhère à la peau et peut servir de véhicule à toutes sortes de principes actifs différents.13

De l’utilité d’une nomenclature unique

Une publication très intéressante de 2024 met un coup de projecteur sur ces excipients (et/ou additifs) susceptibles d’être retrouvés dans des produits aussi variés que des médicaments, des cosmétiques ou des aliments sous des noms différents, bien que correspondant à une même entité chimique. Les auteurs militent pour l’emploi d’un nom commun aux trois domaines afin que les personnes allergiques puissent identifier « leur » allergène de manière aisée.14 La nomenclature internationale cosmétique (INCI) étant déjà en place depuis des années dans le domaine cosmétique… on suggère de tous de rallier à son panache blanc !

L’excipient, en bref

Cet excipient utilisé à pourcentage élevé dans le médicament ou le cosmétique doit être le plus pur possible. Pour ce faire, il doit faire l’objet d’analyses chimiques fines et complètes.15

Il doit, en outre, être inerte… c’est, on le sait bien… une sorte de vœu pieux, puisque l’on découvre régulièrement des impuretés comme des nitrosamines dans les produits en question… il y a donc eu libération de nitrosamines. Il y a donc eu réactions chimiques au sein de la formule.16

Il ne doit pas entraver la bonne marche de l’ingrédient actif et le mener, au contraire, directement à son site d’action !

Une sorte de super-ingrédient en somme !

Bibliographie

1 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/excipient/31990

2 Hang NT, Long NT, Duy ND, Chien NN, Van Phuong N. Towards safer and efficient formulations: Machine learning approaches to predict drug-excipient compatibility. Int J Pharm. 2024 Mar 25;653:123884

3 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000006171382/

4 Awad ME, López-Galindo A, Setti M, El-Rahmany MM, Iborra CV. Kaolinite in pharmaceutics and biomedicine. Int J Pharm. 2017 Nov 25;533(1):34-48

5 https://ansm.sante.fr/qui-sommes-nous/notre-perimetre/les-medicaments/p/medicaments-princeps

6 Pockle RD, Masareddy RS, Patil AS, Patil PD. A comprehensive review on pharmaceutical excipients. Ther Deliv. 2023 Jul;14(7):443-458

7 Kaličanin B, Velimirović D. A Study of the Possible Harmful Effects of Cosmetic Beauty Products on Human Health. Biol Trace Elem Res. 2016 Apr;170(2):476-84

8 Orton DI, Wilkinson JD. Cosmetic allergy: incidence, diagnosis, and management. Am J Clin Dermatol. 2004;5(5):327-37

9 Barnes TM, Mijaljica D, Townley JP, Spada F, Harrison IP. Vehicles for Drug Delivery and Cosmetic Moisturizers: Review and Comparison. Pharmaceutics. 2021 Nov 26;13(12):2012

10 Danby SG, Draelos ZD, Gold LFS, Cha A, Vlahos B, Aikman L, Sanders P, Wu-Linhares D, Cork MJ. Vehicles for atopic dermatitis therapies: more than just a placebo. J Dermatolog Treat. 2022 Mar;33(2):685-698

11 Glycerine as an Excipient. Dent Regist. 1885 Mar;39(3):146

12 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-glycerine-un-ingredient-qui-a-plusieurs-cordes-a-son-arc-166/

13 Excipient for External Application. Hospital (Lond 1886). 1890 Mar 29;7(183):409

14 Caballero ML, Quirce S. Highlighting the Need for Each Excipient to Appear Under a Single Name in All Products That Contain it to Guarantee Identification. J Investig Allergol Clin Immunol. 2024 Jul 29;34(4):280-281

15 Hancock BC, Goldfarb DJ. Excipient Taxonomy for the 21st Century. J Pharm Sci. 2023 Mar;112(3):626-633

16 Holzgrabe U. Nitrosated Active Pharmaceutical Ingredients – Lessons Learned? J Pharm Sci. 2023 May;112(5):1210-1215