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Les sels de bain, petite histoire d’un cosmétique de luxe !

> 27 août 2018

Les sels de bain, petite histoire d’un cosmétique de luxe ! La pratique du bain est une pratique très ancienne. Dans l’Antiquité, Egyptiens, Perses, Romains et Grecs se baignent avant le dîner et échangent plaisamment sur les choses de la vie dans des thermes publiques. Ces thermes sont des constructions qui comportent différentes salles dont le nom rend compte de la température qui y règne. Des alipiles y épilent leurs clients, les onctoristes y réalisent des massages à l’aide d’huiles parfumées, les manucures se concentrent sur la beauté des mains et les tractatrices, ancêtres de nos ostéopathes modernes, assouplissent le corps en faisant craquer les jointures. Tout ce petit monde s’active pour le bien-être du client qui sort des thermes aussi moulu que le grain de blé entre deux meules (René Cerbelaud - Formulaire de parfumerie - 1933).

Lorsque le bain est pratiqué en privé, on ajoute à l’eau des parfums (eau de rose, violettes, nards)... Cette habitude de parfumer l’eau du bain va traverser les siècles. L’eau de Cologne sera ainsi très utilisée au début du XXe siècle. On peut également ajouter des adoucissants tels que l’amidon, des végétaux… « Le bain de tilleul, qui est d’une senteur délicieuse, est un calmant de premier ordre. » ; « Certaines coquettes n’ont pas peur de jeter dans leur bain une poignée d’épinards. » (Villiers C., De la beauté chez la femme – Soins – hygiène pratique – recettes pratiques, Albin Michel, 157 pages, 1910). Le précepte « 5 fruits et légumes par jour » n’est pas si moderne que cela et on voyait, il y a tout juste un siècle, les belles excentriques se baigner dans des sortes de gaspacho voluptueux !

De l’Antiquité au début du XXe siècle, le bain est parfois considéré comme thérapeutique. La chaleur dilate les pores ce qui permet d’évacuer les « toxines »...

Au début du XXe siècle, les sels de bain font leur apparition à l’usage des femmes appartenant aux classes aisées. Toutes les femmes n’ont pas recours à ces cosmétiques qui se dissolvent dans l’eau du bain et sont censés lui communiquer de vertus multiples. Les baignoires ne sont, bien évidemment, pas présentes dans tous les foyers... Nombreuses sont les femmes qui ont recours à un tub ou à un dispositif du même genre… plus nombreuses encore sont celles qui doivent se contenter d’un simple lavabo pour réaliser une toilette complète…

Les sels ou cristaux de bain sont des « cristaux réguliers de sous-carbonate de soude et de sulfate de soude » (Le Florentin R., Cosmétiques et produits de beauté, Paris, Desforges, 1938, 201 pages). On peut également trouver des cristaux de sel marin, de bicarbonate de sodium ou de borax (l’autre nom du borate de sodium). Un colorant, un parfum et le tour est joué ! Pour augmenter la valeur ajoutée il est de bon ton d’incorporer un actif, par exemple du soufre, des sels de cuivre, des sels de mercure (et oui !), des sels de zinc, de l’alun, de l’iode (René Cerbelaud - Formulaire de parfumerie - 1933).

Les sels Clarks possèdent, à eux-seuls, toutes les vertus. Ils désobstruent les pores, améliorent la circulation sanguine, tonifient et stimulent. Ils ne provoquent aucunement le relâchement des tissus au niveau de la poitrine… Cette information d’importance est bien précisée dans « Le nouveau bréviaire de la beauté » (1912) qui présente les différents produits de la marque. On choisira les sels adoucissants ou les sels amaigrissants, selon l’effet visé.

L’emploi de ces sels de bain constitue un signe extérieur de richesse. Agatha Christie, qui aime à mettre en scène les différentes couches de la société, met dans la bouche de l’une de ses héroïnes une phrase qui en dit long sur l’image de luxe associée à ces petits cristaux : « Il y a des jours où je donnerais n’importe quoi pour avoir une salle de bains carrelée, des sels de bain, une femme de chambre pour me brosser les cheveux et de ravissants vêtements de soie à enfiler. Et après cela, tu entends quelque riche imbécile soutenir que l’argent ne fait pas le bonheur. » (Westmacott M., Musique barbare, 1933)

Aujourd’hui encore les sels de bain sont associés à une notion de luxe. Il s’agit non plus d’un luxe lié à un coût élevé mais à un luxe de « temps ». Prendre un bain dans une société qui vit à 100 à l’heure et qui privilégie les douches prises en quelques minutes dénote une belle indépendance d’esprit !

Le Regard d'aujourd'hui est illustré par une photographie d'un bronze du sculpteur breton Jean Fréour (1919 - 2010), intitulé "La Porteresse", réalisé en hommage aux femmes des marais salants et que l'on peut admirer à Batz-sur-Mer.

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