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Les lingettes imprégnées, un concept qui ne date pas d’hier !

> 21 décembre 2017

Les lingettes imprégnées, un concept qui ne date pas d’hier ! Tissus (ou supports divers) et cosmétiques ont tissé, au fil des siècles, des rapports très étroits. La réalisation d’un pansement sur une peau enduite d’une préparation cosmétique ou médicamenteuse ne date pas d’hier. De nombreux exemples en témoignent.

Louise Bourgeois, accoucheuse célèbre et cosmétologue de renommée, avait déjà ainsi recours à des supports tissés pour optimiser l’efficacité de certaines de ses recettes de produits de beauté.

Aux XIXe et XXe siècles, les lingettes en flanelle, tarlatane, gaze de soie, crêpe de chine ou coton rivalisent d’ingéniosité pour séduire des femmes en attente de résultats spectaculaires et/ou de formes cosmétiques faciles d’emploi. Si la nature du support varie, l’idée directrice reste la même : former à la surface de la peau un pansement protecteur qui favorise la pénétration des actifs incorporés dans la préparation qui imbibe ce que l’on peut déjà baptiser du nom de « lingettes ».

La vraie révolution date des années 1960, avec la mise sur le marché de lingettes qui ne sont plus destinées à rester sur la peau mais qui, au contraire, ont pour but d’éliminer un cosmétique présent sur la peau. Ces lingettes sont à usage unique. Elles sont jetables !

Mais n’allons pas si vite et revenons à Louise Bourgeois, la sage-femme attitrée de la reine Marie de Médicis, qui, en 1635, compile ses secrets médicaux et cosmétiques (Recueil des secrets - http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57340r/f95.image). Toiles cirées et peaux cirées y sont décrites comme des éléments jouant un rôle dans le traitement des vergetures, par exemple. La toile cirée est obtenue en trempant une toile de lin ou de Hollande dans un onguent réalisé avec de la cire blanche, de l’huile d’amandes douces, de la térébenthine, de l’eau de plantain, de l’eau de roses et de la céruse. La peau cirée reprend le même concept, en remplaçant la toile par une peau d’animal (canepin ou chevrotin) désodorisée, cela va sans dire. Toile et peau cirées constituent des lingettes très pratiques. Elles ne sont, bien sûr, pas à usage unique et restent au contact de la peau le temps qu’il faut (aucune précision n’est d’ailleurs donnée à ce sujet).

En 1895, le Dr Ernest Monin se plaît à prodiguer des conseils beauté à ses lectrices. « Contre l’adiposité des seins », il propose une lingette imbibée d’une solution comportant de « l’alun, de l’acétate de plomb et de l’eau distillée ». (« Tout d’abord il faut enduire les seins avec une pommade à l’iodoforme. Les seins sont ensuite enveloppés dans des linges chauds imbibés d’une solution à base d’alun. Par dessus les linges on applique un papier imperméable et on laisse le tout en place pendant 12 heures »). Pour prévenir les engelures, le Dr Monin vante les bienfaits de la « flanelle imbibée d’une mixture » à base de « vin de quinquina au bordeaux, d’alcool camphré, de teinture d’arnica, d’iodure de potassium et de laudanum de Sydenam. » Le soir, les doigts sont enveloppés dans une lingette de flanelle de cette composition et l’on peut être sûr qu’au matin, l’engelure ne sera plus qu’un mauvais souvenir !

En 1900, la maison Clarks met sur le marché des lingettes anti-rides adhérentes à la peau. Clarks fournit aux femmes des « bandelettes et mouches anti-rides » qui constituent « une nouvelle méthode pour l’atténuation des rides et de toutes les sinuosités inesthétiques de l’épiderme ». « Ces merveilleuses petites mouches ou bandes sont imprégnées avec des extraits toniques ou fortifiants qui leur donnent au plus haut degré la force et la concentration nécessaires au point de vue de leur influence sur les cellules épidermiques ». Ces lingettes sont à usage unique, bien entendu. Elles épousent la forme de la zone du visage concernée. Huit modèles différents permettent de traiter les différentes rides susceptibles de se former sur l’ovale du visage. Il faudra compter débourser entre 4 et 5 francs, si l’on souhaite se procurer une boîte de 24 bandelettes. Des assortiments de 48 bandelettes, comprenant l’ensemble des modèles disponibles, permettent de venir à bout de tous types de rides, pour la modique somme de 8 francs ! (Clarks G., Le nouveau bréviaire de la beauté 31e édition, Paris, 1912, 192 pages).

Les masques anti-rides sont également, bien souvent, de vrais masques en tissu que l’on enduit d’une pâte dont la composition varie selon les époques. Le Dr Lusi préconise de battre 15 blancs d’œufs, d’y ajouter 20 grammes d’huile d’olive pure et 3 cuillérées de poudre fine d’alun, afin d’obtenir une pâte qui sera déposée sur un masque de tarlatane (Lusi, La femme moderne, Paris, 1905), cette pièce de coton rigidifié par de l’amidon qui permet de réaliser des bandages (http://www.cnrtl.fr/definition/tarlatane). Ce masque sera porté la nuit et l’on répétera les applications plusieurs soirs de suite, afin de pouvoir en observer les bénéfices.

En 1940, la lingette s’enhardit hors des salles de bain et se glisse dans le sac à mains, afin de pouvoir effectuer une retouche de maquillage à n’importe quel moment de la journée. La « lingette » ne reste alors que très peu de temps en contact avec la peau. Elle permet de déposer le produit… un point c’est tout ! Le « cushion » ne porte pas encore ce nom. Il existe pourtant bel et bien, déjà. « Dits crépons de Strasbourg ou de Chine, ce sont des morceaux de gaze de soie ou de crêpe de Chine ; quelquefois des mouchoirs très fins, tortillés en nœud, contenant le plus souvent des poudres de riz, des fards solides, ou des préparations cosmétiques imprégnées de parfum et teintées en rouge par du carmin ou du carthame. Ils sont utilisés en guise de houppettes pour remplacer la poudre de riz ou le fard, pour se passer sur le visage à la dérobée, hors du cabinet de toilette. » (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-crepon-ancetre-du-cushion-208/)

A partir des années 1960, les disques ne tournent pas uniquement sur les platines des électrophones, ils constituent également un support moderne pour cosmétiques. Les publicités pour les disques en tissu doux Quickies secouent alors le milieu cosmétique traditionnel. C’est avec le slogan « Soyez dans le vent utilisez les disques de beauté » que les laboratoires de beauté Simon (Paris, Lyon, London) tentent de séduire une femme pressée qui travaille et qui recherche de plus en plus des produits pratiques et faciles à utiliser. Il y a forcément un disque qui convient à chaque attente. Selon le cas, le disque de tissu sera imprégné de dissolvant, de crème anti-rides, de lotion anti-transpirante… Quickies rafraîchit et démaquille, prévient les rides, ôte le vernis à ongles, désodorise, assainit et relaxe les pieds, permet de bronzer sans brûler… Les disques sont conditionnés dans de petites boîtes arrondis de couleurs différentes ; le rouge pour le dissolvant, le marron pour le produit solaire, le vert-tendre pour l’hygiène des pieds, le noir pour le démaquillage des yeux… Ces disques sont les scouts du domaine de la beauté. Ils sont, en effet, toujours « prêts in the pocket ».

Les disques démaquillants font partie de la trousse de maquillage idéale, préconisée par Nadine Corbasson et Gisèle de Bruchard. Ils sont là « pour le cas où vous devriez refaire votre maquillage pour le soir, sans rentrer chez vous. » (La beauté en bandes dessinées, Flammarion, Paris, 1973, 63 pages).

Les années 1990 voient l’arrivée sur le marché des premières lingettes bébé. Les bébés se déplacent… sortent… leurs mamans doivent disposer de moyens simples et efficaces pour nettoyer leurs petites fesses souillées. Les lingettes sont tellement pratiques qu’elles sont utilisées aussi bien lors des sorties qu’à la maison. La bassine d’eau et la petite éponge sont reléguées au fond du placard ! En cellulose, en coton, ces lingettes sont imprégnées de lait ou de lotion.

Lingettes rafraichissantes, lingettes auto-bronzantes, lingettes hydratantes, lingettes démaquillantes... les lingettes en 2017 sont toujours bien présentes. Si elles présentent un intérêt en voyage, elles ne doivent, toutefois, pas envahir nos étagères de salles de bains pour des raisons écologiques évidentes...

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