Nos regards
Les ingrédients phototoxiques à bannir dans les crèmes solaires, y a pas photo !

> 22 juillet 2024

Les ingrédients phototoxiques à bannir dans les crèmes solaires, y a pas photo !

Tout comme il existe une mode vestimentaire pour chaque saison, il existe également une mode cosmétique, adaptable à chaque saison. En effet, certains ingrédients sont connus pour leur phototoxicité, il ne s’agit donc pas de les retrouver dans des produits cosmétiques utilisables en été ou, pire, dans des produits de protection solaire. Formuler un produit solaire consiste donc à choisir les bons ingrédients capables de protéger le consommateur, sans mettre sa peau en danger. Pour ce faire, on devra rayer de la liste des ingrédients choisis toutes les substances photosensibilisantes. Et dans ce registre les extraits végétaux seront scrutés tout particulièrement, du fait de leur capacité à produire des réactions d’intolérance au soleil… Démonstration !

Cas des rétinoïdes

Ces ingrédients (rétinol, rétinaldéhyde, esters de rétinol) sont connus pour donner naissance à toute une variété de produits de photodécomposition à caractère délétère pour la peau.1 Il est donc prudent de communiquer sur cet aspect de la personnalité de ces anti-âge très réputés qui ne devront pas être utilisés l’été.

Certains chercheurs ont tenté de réaliser des associations de filtres UV (dont l’avobenzone, un filtre UVA photolabile) avec du palmitate de rétinyle, afin de voir ce qui allait se passer en matière de phototoxicité. Les résultats obtenus sont intéressants ; ils montrent que, selon les filtres UV sélectionnés, l’effet protecteur est plus ou moins prononcé.2 A ce titre le bémotrizinol (Tinosorb®S) est considéré par des chercheurs brésiliens comme le filtre UV le plus efficace en matière de photostabilisation du palmitate de rétinyle et de la benzophénone-3,3 ce qui a de quoi étonner quand on connait sa piètre photostabilité.4

Plutôt que de tenter le diable en essayant de stabiliser des ingrédients photodégradables, il vaut mieux éviter soigneusement ces ingrédients lorsque l’on s’expose au soleil et surtout ne pas en incorporer dans les produits solaires, ce qui est d’ailleurs le cas dans les produits fabriqués en France.

Cas des furocoumarines

Ces furocumarines constituent une famille de molécules chimiques naturelles, retrouvées principalement dans des familles botaniques comme les Apiacées (ex Ombellifères), les Rutacées... Si la réglementation européenne interdit leur incorporation dans les formules cosmétiques, sous la forme d’ajout intentionnel de molécules purifiées, elle autorise, en revanche, l’emploi « d’essences naturelles » en contenant, avec une restriction particulière en ce qui concerne les produits solaires et les produits bronzants (teneur en furocoumarine limitée à 1 mg/kg). Ceci permet de démystifier un peu le caractère inoffensif des cosmétiques naturels à base de plantes, celles-ci pouvant contenir ce type de molécules photosensibilisantes.5

Il est important de bien connaître la composition des extraits végétaux incorporés dans les cosmétiques, car certaines molécules photosensibilisantes peuvent être retrouvées dans des extraits variés et conjuguer leurs effets au sein d’un même produit.6,7

Les furocoumarines sont très nombreuses. On citera par exemple, le bergaptol (5-hydroxypsoralène ou 5-hydroxyfuranocoumarine), présent naturellement dans les agrumes,8 la xanthoxantine du poivre,9 l’impératorine de l’angélique.10

La carotte, le fenouil, le panais, la livèche, le persil, le céleri sont également concernés par cette présence de furocoumarines.11 Il est à noter que, selon les conditions de stockage du panais, le taux de furocoumarines peut varier du tout au tout, une prolifération microbienne de la racine entraînant une production accrue de cette molécule. Des essais réalisés prouvent que la teneur en furocoumarines (angélicine, isopimpinelline, 5-méthoxypsoralène, 8-méthoxypsoralène et psoralène) varie de 2,5 mg/kg dans le cas d’un panais conservé au congélateur (à - 18°C) à 566 mg/kg en cas de conversation à température ambiante ; dans les deux cas les dosages ont été effectués au bout de 50 jours.12

Le figuier est également connu comme un végétal renfermant des furocoumarines (5-méthoxypsoralène et 8-méthoxypsoralène).13

Furocoumarines et végétaux… impossible de dresser une liste exhaustive de végétaux contenant cette famille chimique tant les molécules sont nombreuses et les végétaux nombreux.

Une crème solaire naturelle, est-ce vraiment souhaitable ?

Réglementairement parlant, un produit solaire ne peut pas être un produit exclusivement naturel, dans la mesure où il doit obligatoirement contenir des filtres UV listés en Annexe VI du Règlement (CE) N°1223/2009.14

Sur un plan de la sécurité de l’utilisateur, un produit solaire ne doit pas être un produit bourré d’extraits végétaux, tant ceux-ci sont potentiellement dangereux, du fait de leur capacité à contenir des molécules phototoxiques.

Dans le domaine, c’est clair, ce que certains se plaisent à désigner avec mépris du nom de « tout chimique » est certainement le plus « sûr » et ce dans le cadre d’un usage modéré et raisonné !

Bibliographie

1 Tolleson WH, Cherng SH, Xia Q, Boudreau M, Yin JJ, Wamer WG, Howard PC, Yu H, Fu PP. Photodecomposition and phototoxicity of natural retinoids. Int J Environ Res Public Health. 2005 Apr;2(1):147-55

2 Scarpin MS, Kawakami CM, Rangel KC, Pereira KC, Benevenuto CG, Gaspar LR. Effects of UV-filter Photostabilizers in the Photostability and Phototoxicity of Vitamin A Palmitate Combined with Avobenzone and Octyl Methoxycinnamate. Photochem Photobiol. 2021 Jul;97(4):700-709

3 Benevenuto CG, Guerra LO, Gaspar LR. Combination of retinyl palmitate and UV-filters: phototoxic risk assessment based on photostability and in vitro and in vivo phototoxicity assays. Eur J Pharm Sci. 2015 Feb 20;68:127-36

4 Couteau C, Faure A, Fortin J, Paparis E, Coiffard LJ. Study of the photostability of 18 sunscreens in creams by measuring the SPF in vitro. J Pharm Biomed Anal. 2007 May 9;44(1):270-3

5 Kreidl M, Rainer M, Jakschitz T, Bonn GK. Determination of phototoxic furanocoumarins in natural cosmetics using SPE with LC-MS. Anal Chim Acta. 2020 Mar 8;1101:211-221

6 Burnett CL, Fiume MM, Bergfeld WF, Belsito DV, Hill RA, Klaassen CD, Liebler DC, Marks JG Jr, Shank RC, Slaga TJ, Snyder PW, Gill LJ, Heldreth B. Safety Assessment of Citrus-Derived Peel Oils as Used in Cosmetics. Int J Toxicol. 2019 Sep/Oct;38(2_suppl):33S-59S

7 Burnett CL, Bergfeld WF, Belsito DV, Hill RA, Klaassen CD, Liebler DC, Marks JG Jr, Shank RC, Slaga TJ, Snyder PW, Gill LJ, Heldreth B. Safety Assessment of Citrus Fruit-Derived Ingredients as Used in Cosmetics. Int J Toxicol. 2021 Dec;40(3_suppl):5S-38S

8 Phucharoenrak P, Trachootham D. Bergaptol, a Major Furocoumarin in Citrus: Pharmacological Properties and Toxicity. Molecules. 2024 Feb 4;29(3):713

9 Wu A, Lu J, Zhong G, Lu L, Qu Y, Zhang C. Xanthotoxin (8-methoxypsoralen): A review of its chemistry, pharmacology, pharmacokinetics, and toxicity. Phytother Res. 2022 Oct;36(10):3805-3832

10 Wu KC, Chen YH, Cheng KS, Kuo YH, Yang CT, Wong KL, Tu YK, Chan P, Leung YM. Suppression of voltage-gated Na(+) channels and neuronal excitability by imperatorin. Eur J Pharmacol. 2013 Dec 5;721(1-3):49-55

11 Kerekes D, Csorba A, Gosztola B, Németh-Zámbori É, Kiss T, Csupor D. Furocoumarin Content of Fennel-Below the Safety Threshold. Molecules. 2019 Aug 5;24(15):2844

12 Ostertag E, Becker T, Ammon J, Bauer-Aymanns H, Schrenk D. Effects of storage conditions on furocoumarin levels in intact, chopped, or homogenized parsnips. J Agric Food Chem. 2002 Apr 24;50(9):2565-70

13 Chung IM, Kim SJ, Yeo MA, Park SW, Moon HI. Immunotoxicity activity of natural furocoumarins from milky sap of Ficus carica L. against Aedes aegypti L. Immunopharmacol Immunotoxicol. 2011 Sep;33(3):515-8

14 https://www.oolution.com/products/huile-solaire-hello-sunshine

 

Retour aux regards