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Les enfants du capitaine Grant, une aventure qui laisse des traces...

> 14 septembre 2019

Les enfants du capitaine Grant, une aventure qui laisse des traces...

Tout commence le 26 juillet 1864 à bord du Duncan, le yacht de Lord Edward Glenarvan.1 L’équipage vient de capturer un requin qui s’avère recéler, dans son ventre, un message contenu dans une bouteille. L’appel au secours émane d’un certain capitaine Grant ; le texte en trois langues (anglais, français, allemand) n’est que parcellaire, ce qui ne va pas faciliter les opérations de sauvetage. Lord Glenarvan, en homme de cœur, va décider de se lancer à la recherche de ce pauvre capitaine ; il sera épaulé par sa femme, Helena, par son cousin, le major Mac Nabbs, par le capitaine John Mangles, par un géographe étourdi, nommé Paganel, monté à bord par le plus grand des hasards et par un cuisinier de talent, Mr Olbinett. Celui-ci réalisera des menus savoureux même dans les conditions les plus extrêmes. Les enfants du capitaine Grant, Mary et Robert, sont évidemment de l’aventure.

Les passagers du Duncan n’auront que peu d’occasions de faire étalage de leurs routines cosmétiques respectives. On sait juste que le major Mac Nabbs est toujours « rasé de frais ». Les aventures qui attendent les passagers en différents points du monde ne permettent pas à nos héros de réaliser des toilettes approfondies. En mettant le pied sur la terre ferme, ils se retrouvent souvent confrontés à des situations périlleuses et subiront parfois des « bains involontaires ». Ils nicheront dans un arbre (un « ombu ») durant un violent orage et lutteront contre les piqûres de moustique à l’aide d’ammoniaque...

Le géographe Paganel est un scientifique qui ne perd jamais son temps. Il profite de cette équipée pour prendre quelques notes concernant les populations rencontrées en cours de route. Il s’interroge sur la taille des Patagons qui, selon les auteurs, sont des géants (« Magellan dit que sa tête touchait à peine leur ceinture. ») ou des hommes de taille beaucoup plus modeste (11 pieds ou bien 6 pieds 6 pouces ou bien encore 5 pieds 4 pouces). En Araucanie, il note sur son calepin les caractéristiques des autochtones (« taille élevée », « visage plat », « teint cuivré » et « menton épilé »). Paganel est un personnage très attachant qui joue le rôle d’enseignant durant tout le périple ; il est d’humeur égale, même s’il n’est pas vraiment du matin. Il se réveille en effet en « broum-broumant » !

Dans la Cordillère des Andes, un terrible tremblement de terre disperse la troupe d’explorateurs et isole Robert, laissé pour mort. C’est un condor qui, en le repérant du haut du ciel et en le capturant à l’aide de ses puissantes serres, permet à ses camarades de le retrouver. Grâce à un indigène du nom de Thalcave (qui signifie « le Tonnant »), le jeune garçon est sauvé des griffes du condor. Thalcave, malgré ses tatouages de guerrier, est un homme plein de bonté. « Sa figure bronzée était rouge entre les yeux et la bouche, noire à la paupière inférieure, et blanche au front. » « La figure de ce Patagon était superbe et dénotait une réelle intelligence, malgré le bariolage qui la décorait. » Pour soigner les contusions de Robert, Thalcave devient maternel, en réalisant des massages avec « quelques poignées de céleri sauvage ».

En Australie, les « aventuriers du capitaine Grant perdu », se retrouvent dans une « contrée bizarre, illogique » où tout semble déréglé. Le kanguroo (sic) bondit sur des « pattes inégales » qui ne semblent pas propices aux courses de vitesse, les feuilles des arbres « se présentent de profil au soleil, non de face, et ne donnent pas d’ombre », pourtant le climat est « moralisateur » et capable de transformer une brute en ange. Paganel y perd son grec en observant les feuilles d’eucalyptus censées « bien couvrir » et qui, en réalité, ne couvrent que très mal le promeneur égaré. S’il « n’y a rien de plus intelligent qu’une feuille » pour supporter le soleil australien, il n’y a « rien de plus égoïste » non plus... Si encore il y avait un bon thé pour le five o’clock... mais ce n’est même pas le cas. Le thé australien est « une liqueur noire comme de l’encre, un litre d’eau dans lequel une demi-livre de thé avait bouilli pendant quatre heures. »

En Nouvelle-Zélande, l’équipage est capturé par des chefs maoris. Ces chefs sont tatoués, ce qui constitue une « haute marque de distinction ». « Les chefs célèbres se reconnaissent au fini, à la précision et à la nature du dessin qui reproduit souvent sur leur corps des images d’animaux. » Cette opération douloureuse réalisée avec « l’os aigu d’albatros » demande beaucoup de temps. Il faut compter environ cinq séances pour un tatouage complet. Jules Verne se plaît à rappeler la comparaison faite par Dumont d’Urville entre le tatouage maori et les armoiries portées, en Europe, par les familles nobles. Jules Verne, quant à lui, voit dans ce tatouage la preuve d’un guerrier valeureux ayant brillé par ses actes de courage, ce qui n’est pas forcément le cas des nobles dont les armoiries ne traduisent pas une valeur personnelle, mais plutôt une valeur familiale héritée du passé. Il attribue également au tatouage une fonction de protection : « Il donne au système cutané un surcroît d’épaisseur, qui permet à la peau de résister aux intempéries des saisons et aux incessantes piqûres des moustiques. » Lors de cette captivité chez les Maoris, le géographe Paganel est « tatoué des pieds aux épaules », durant trois jours. Sur la poitrine est représenté « un kiwi héraldique, aux ailes déployées, qui lui mordait le cœur. » Paganel en est mortifié ; il ne se sent plus digne d’être le secrétaire de la Société de Géographie et renoncerait presque au mariage tant il est honteux des représentations qui ornent son corps. Il sera extrêmement difficile de le persuader de se marier avec Miss Arabella, la cousine du major Mac Nabbs.

N’oublions pas que le but de cette quête était de retrouver le capitaine Grant... mission accomplie. C’est dans l’île Tabor que le capitaine jouait au Robinson avec deux de ses compagnons d’infortune.

Cette histoire où tout se finit bien laissera un souvenir indélébile dans la mémoire des différents protagonistes et sur la peau du géographe qui y joue un rôle pivot.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui nous entraîne à la recherche du capitaine Grant ! Et merci aussi à Antoine qui nous a encouragées à relire ce livre parce qu'il y était question de tatouage...

Bibliographie

1 Verne J. Les enfants du capitaine Grant, Famot, 1979, Tome I (249 pages), Tome II (247 pages) et Tome III (249 pages

 

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