> 21 juin 2017
Chaque couleur perçue par l’œil est liée à une longueur d’onde particulière du rayonnement lumineux, émis par une source naturelle, le Soleil ou par une source artificielle. Le rayonnement visible est constitué par les ondes électromagnétiques dont les longueurs d’onde se situent, approximativement, entre 380 nm et 780 nm. L’œil humain n’est, en effet, pas sensible au rayonnement dont les longueurs d’onde se trouvent hors de cet intervalle. Dans le spectre visible, le bleu s’étend de 450 nm à 500 nm environ. Il n’y a donc pas LE bleu, mais les bleus avec leurs différentes nuances, tendant plus ou moins vers l’indigo et le violet ou le vert.
Pourquoi un objet apparaît-il bleu ? Tout simplement parce que le rayonnement incident provenant de la lumière blanche ambiante, en général, et diffusé par l’objet, est constitué des longueurs d’onde correspondant au bleu. Les autres longueurs d’onde ont été absorbées par l’objet.
S’il existe une symbolique des couleurs, chaque individu par lui-même établit sa propre codification qui lui fait apprécier ou non telle ou telle couleur qualifiée arbitrairement de chaude ou de froide.
Lorsque Picasso voit la vie en bleu, ce n’est pas, en fait, la vie en rose. Ses mendiants, ses saltimbanques ont le visage émacié et la mine infiniment triste. Sans une once de révolte, ses personnages, baignés dans une lumière froide, semblent attendre la mort. Le bleu pour Picasso est donc la couleur de la détresse.
Dans le célèbre poème Voyelles d’Arthur Rimbaud, le A est noir, le E est blanc, le I est rouge, le U est vert et c’est le O qui est bleu. Le O d’oméga est comparé « au rayon violet de ses yeux ». Ce poème qui a fait couler beaucoup d’encre ne résulte-t-il pas tout simplement de la synesthésie de son auteur. Certaines personnes sont, en effet, douées de la capacité de relier différentes notions sensorielles entre elles. C’est le cas, par exemple, de Daniel Tammet, l’auteur de l’ouvrage Je suis né un jour bleu, véritable génie des chiffres pour qui un chiffre n’est pas seulement un symbole mais bien plutôt une forme bien vivante douée de caractéristiques tinctoriales. Lorsqu’il égrène les 22 514 premières décimales du nombre Pi, ce n’est pas une série de chiffres alignés à plat qu’il perçoit mais bien plutôt un monde grouillant de formes, de couleurs, d’émotions. Pour lui, tous les chiffres ont leur personnalité, ce qui lui permet de les représenter en peinture sous la forme de « paysages numériques vallonés ». Pour Daniel Tammet, le chiffre 4 est bleu (https://www.ted.com/talks/daniel_tammet_different_ways_of_knowing?language=fr) !
Le 2 avril est la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme depuis 2007. Cette journée est placée généralement sous le patronage de la couleur bleue, « une couleur calmante, apaisante, réconfortante. De plus, l’autisme étant presque cinq fois plus fréquent chez les garçons (1 garçon sur 43) que chez les filles (1 fille sur 189), le bleu symbolise la prévalence de l’autisme chez les garçons (http://www.autisme.qc.ca/nos-actions/avril-mois-de-lautisme.html).
« La terre est bleue comme une orange » pour Paul Eluard. Cette vision prophétique de la planète bleue s’inscrit dans un poème d’amour pour Gala, sa compagne, qui bientôt le quittera. Si « les mots ne mentent pas », en général, ceux prononcés par Gala ont comme un arrière-goût de trahison.
L’amour éprouvé par René Guy Cadou pour celle qui deviendra sa femme, sa muse, le gardien de son œuvre, Hélène, revêt la couleur bleue. Celle-ci lui fera vivre, durant leurs courtes années de bonheur, un « songe bleu » éveillé (Hélène ou le règne végétal).
La mémoire de Jean-Claude Albert Coiffard est bleue, comme l’encre qui tachait ses pupitres d’écolier, comme le ciel paimblotin de son enfance, comme les fleurs du jardin enchanté de ses vacances. « Et sur le sable bleu de l’estuaire/C’est la nuit au doux pelage » (Les cernes bleus de la nuit, 1992), « La pèlerine bleue/ du vent/ claque, aux marelles des vergers » (Les nymphéas des songes, 1999), « le bleu de la glycine/ et le blanc des œillets » (Plein cintre, 2002), « Pousse la porte du livre/pour trouver le bleu du ciel » (Préau du soleil, 2007), « Une hirondelle m’a dit/ le ciel bleu/ la mer immense » (Marelle du ciel, 2007), « les mots sont pauvres/ leurs mains ouvertes/sous le porche bleu/des lilas » (Voix mêlées, 2009), « Bleu d’aube/ d’outremer/ de surprise lilas ou d’oiseau légendaire/ c’étaient/ venus mouiller en Loire/ sertis d’encre solaire et de plaies refermées/ des mots à délester le temps » (Echanges, 2011), « le ciel se reflétait/ dans les yeux des bleuets » (Ressac, 2012), « bleu/ le flot des ouvriers/battait contre le fleuve » (Dans l’envol des fenêtres, 2014), « Les mots bleus du lézard/ couraient sur le vieux mur » (Eclats de vers, 2014), « Sur les marches de l’Abreuvoir/ un enfant cueillait/ le myosotis du ciel » (Les liserons du soir, 2017).
Bleus, « Les bleus à l’âme » de Françoise Sagan, bleus, les yeux de Michèle Morgan, bleu, « Le grand bleu » de Luc Besson, bleue, la célèbre bicyclette de Régine Deforges, bleu azur, les costumes des Poilus, bleu marine le petit pull d’Isabelle Adjani, bleu, bleu, le ciel de Provence de Marcel Amont...
Le bleu semble être la couleur de prédilection de bon nombre d’artistes... Et pourtant, on nous dit, aujourd’hui, de nous méfier de cette couleur...
Si les effets du rayonnement UV (tant UVB qu’UVA) sont maintenant clairement établis quant à leur responsabilité dans le processus de photo-vieillissement et de carcinogenèse, il n’en est pas de même pour la lumière visible. Depuis peu, on commence à se poser des questions sur la nocivité de la lumière bleue. Une équipe japonaise vient de publier les résultats d’une étude réalisée sur souris et volontaires. Il apparaît que la lumière bleue génère un stress oxydant au niveau cutané. Le taux de glutathion oxydé est l’indicateur traduisant cet effet. On notera que l’intensité lumineuse nécessaire pour cette observation est supérieure à celle d’une exposition naturelle. Une exposition de courte durée à la lumière bleue ne provoque pas de signes cutanés visibles chez la souris et n’entraîne pas de diminution de la viabilité cellulaire sur cultures. A l’opposé, une exposition au rayonnement UV se traduit par une cascade de réactions aboutissant à des dysfonctionnements cellulaires graves. Les auteurs considèrent que la part que l’on peut attribuer à la lumière bleue dans les phénomènes d’oxydation cutanée est la moitié de celle que l’on peut imputer aux UVA. L’oxydation de l’ADN par la lumière bleue suit le spectre d’action de la flavine. Celle-ci est considérée comme une molécule photo-sensibilisante, entraînant la production d’anion superoxyde. Selon les cellules cutanées, les effets seront différents. Liebmann a ainsi pu montrer un effet toxique de la lumière bleue (pour les courtes longueurs d’onde) sur kératinocytes humains et cellules endothéliales. Opländer a, pour sa part, mis en évidence des effets toxiques sur fibroblastes humains pour les longueurs d’onde de l’ordre de 410 et 420 nm et un effet bien moindre pour une longueur d’onde de 453 nm. La lumière bleue contribuerait à favoriser le phénomène de vieillissement cellulaire, non par une production élevée de radicaux libres entraînant un débordement des systèmes de défense, mais par une production continue d’une faible quantité de radicaux libres susceptibles d’échapper, rarement mais parfois tout de même, aux systèmes de défense naturels (Yuya Nakashima, Shigeo Ohta, Alexander M. Wolf, Blue light-induced oxidative stress in live skin, Free Radical Biology and Medicine, 108, 2017, Pages 300-310). Une exposition à la lumière bleue, concomitante avec la présence de molécule photo-sensibilisante (absorbant dans le domaine du bleu) constitue une piste intéressante pour le traitement d’un certain nombre de pathologies cutanées. On parle alors de thérapie photodynamique (Ming-Yeh Yang, Chih-Jui Chang, Liang-Yü Chen, Blue light induced reactive oxygen species from flavin mononucleotide and flavin adenine dinucleotide on lethality of HeLa cells, Journal of Photochemistry and Photobiology B: Biology, 2017). On reconnaît également à la lumière bleue (longueur d’onde voisine de 470 nm) des propriétés antimicrobiennes (vis-à-vis de Staphylococcus aureus, y compris des germes résistants à la méticilline, Propionibacterium acnes, Pseudomonas aeruginosa…), anti-inflammatoires et favorables à l’angiogenèse, ce qui offre un espoir pour le traitement de diverses pathologies à type d’ulcères variqueux (Daniela Santos Masson-Meyers, Violet Vakunseh Bumah, Chukuka Samuel Enwemeka , Blue light does not impair wound healing in vitro, Journal of Photochemistry and Photobiology B: Biology, 160, 2016, Pages 53-60).
Il reste encore beaucoup à apprendre sur l’implication de la lumière bleue dans le phénomène de vieillissement cutané et dans celui de la carcinogenèse.
Pour se protéger de la lumière bleue, différentes solutions. Si l’on calque la formulation des cosmétiques anti-lumière bleue sur celle des produits de protection soalire (ceux-ci renferment des filtres UV qui absorbent ou réfléchissent des UV), on aura recours à des colorants bleus qui réfléchissent les longueurs d’onde nuisibles (effet schtroumpf ou marmoréen garanti) ou bien à des colorants jaunes qui absorbent ces mêmes longueurs d’onde. Dans cette dernière hypothèse, les oxydes de fer jaune semblent être de bons candidats. Des actifs anti-radicalaires permettront, quant à eux, de lutter contre les effets néfastes de la lumière bleue.
Si l’industrie cosmétique bruisse à l’évocation de cette lumière bleue, les applications restent encore peu nombreuses. Le Laboratoire Garancia, est l’un des premiers, à mettre sur le marché une « brume qui fixe le maquillage intensément, aide à matifier, et protège votre peau de la pollution mais aussi des dégâts causés par la lumière bleue (lumière émise par les écrans : ordinateur, smartphone, tablette, …). » C’est la carte anti-radicalaire qui est jouée par Garancia.
Ma VAP’Bien aimée est une solution aqueuse qui se veut ultra-végétale. Notons que les eaux florales s’y font la plus belle part. VAP est composée d’eau florale de rose, d’amidon de riz (matifiant), d’eau florale de bleuet (apaisant), d’un extrait aqueux de feuilles d’Hamamelis virginiana, d’eau florale de sauge, d’un extrait de fleurs de Buddleja officinalis, d’un gélifiant de synthèse (styrene/acrylates copolymer), d’humectants (propylene glycol, biosaccharide gum-4), d’un excipient-solvant (1,2 hexanediol). Le système conservateur composé d’acide phytique, de déhydroacétate de sodium et de chlorure de cétrimonium pêche par le choix du dernier ingrédient, un tensioactif cationique irritant. La soude (sodium hydroxide) permet d’ajuster le pH à la valeur voulue. L’extrait de Buddleja officinalis apporte une note exotique à la préparation. Cette plante qui pousse en Asie et en Afrique est retrouvée ici du fait de ses propriétés anti-radicalaires (Young Ho Kim, Young Soon Lee, Eun Mi Choi, Linarin isolated from Buddleja officinalis prevents hydrogen peroxide-induced dysfunction in osteoblastic MC3T3-E1 cells, Cellular Immunology, 268, 2, 2011, Pages 112-116).
Les laboratoires Bioderma, quant à eux, jouent la carte pigmentaire, en mettant sur le marché, un produit de protection solaire teinté (Photoderm M) qui préviendrait la récidive du mélasma (Boukari F. Passeron T, Jourdan E, Fontas E, Montaudié H, Castela E, Lacour J-P, Prévention des rechutes de mélasma par un écran solaire offrant une protection contre les UV et les longueurs d’onde courtes de la lumière visible, annales de dermatologie et vénéréologie, 141,12, 2014, S405-S406). Cette crème teintée renfermant des filtres UV et des oxydes de fer n’est pas la première sur le marché. A l’heure actuelle, elle est présentée comme permettant d’éviter la survenue de taches pigmentaires (type masque de grossesse).
Notre avis sur la question est connu. Appliquer sa crème teintée ou son fond de teint au cours des expositions solaires, en couche épaisse, ré-appliquer le produit toutes les deux heures du fait de la photolabilité des filtres nécessitera sûrement l’éducation du « patient » et ne conviendra qu’aux personnes adeptes du maquillage !
Reste un dernier point et non des moindres. Pour revendiquer un effet protecteur vis-à-vis de la lumière bleue, des tests d’efficacité s’imposent. Un indicateur analogue au SPF ou au facteur de protection UVA sera le bienvenu. Cela augure encore de belles discussions autour d’un sujet toujours brûlant !
Ma VAP’Bien aimée : aqua, rosa damascena flower water, oryza sativa (rice) starch, centaurea cyanus flower water, hamamelis virginiana leaf water, salvia officinalis water, parfum, buddleja officinalis flower extract, styrene/acrylates copolymer, propylene glycol, 1,2-hexanediol, vanillin, biosaccharide gum-4, phytic acid, sodium dehydroacetate, cetrimonium chloride, sodium hydroxide.
Photoderm M : aqua, octocrylene, dicaprylyl carbonate, methylene bis-benzotriazolyl tetramethylbutylphenol [nano], butyl methoxydibenzoylmethane, titanium dioxide CI 77891), hydrogenated palm kernel glycerides, bis-ethylhexyloxyphenol methoxyphenyl triazine, butylene glycol, hydroxypropyl dimethicone behenate, potassium cetyl phosphate, methylpropanediol, cyclopentasiloxane, glyceryl stearate, PEG-100 stearate, iron oxides (CI 77492), decyl glucoside, hydrogenated palm glycerides, cyclohexasiloxane, pentylene glycol, tocopheryl acetate, ammonium acryloyldimethyltaurate/VPcopolymer, xanthan gum, iron oxides (CI 77491), disodium EDTA, iron oxides (CI 77499), 1,2 hexanediol, caprylyl glycol, citric acid, mannitol, xylitol, disodium stearoyl glutamate, rhamnose, propylene glycol, aluminum hydroxide, ectoin, glycryrrhiza glabra root extract, tocopherol.
Merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui nous inonde, aujourd'hui, de bleu, grâce au collage qu'il a réalisé pour nous !