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Le teint d’un assassin est-il paisible, bronzé, plâtré, brun, indescriptible ?

> 24 juillet 2021

Le teint d’un assassin est-il paisible, bronzé, plâtré, brun, indescriptible ?

Le Dr Arthur Calgary est décidément un « témoin indésirable ».1 Cela fait deux ans que Rachel Argyle a été tuée par son fils Jacko, le diable en personne, à coup de pique-feu, dans sa demeure de Sunny Point, autrefois dénommée Viper’s Point. Depuis, Jacko est mort en prison. Tout va désormais pour le mieux. Et ne voilà t-il pas cet individu qui s’est tu pendant si longtemps qui fait brutalement irruption dans la vie des Argyle, pour y jeter le trouble. Jacko était innocent ! Au moment du meurtre, il était assis à côté d’Arthur qui l’avait pris en auto-stop. Pourquoi ce long silence ? Pourquoi avoir caché ce témoignage important ? Tout simplement pour cause de coma, suite à un accident de la route. Mis entre parenthèses pendant deux ans, Arthur est bien décidé à laver l’honneur de Jacko... à tout prix ? Et même si la belle Hester en paie le prix fort ? Un vrai et beau suspens par la reine du crime qui nous ballade, en beauté, au milieu d’une myriade de crinières féminines...

Mrs Argyle, Rachel Konstam de son nom de jeune fille, était une femme richissime ; en apprenant qu’elle ne serait jamais mère, elle a décidé de créer un home pour accueillir des enfants déshérités. Puis, par la suite, elle a franchi le pas et adopté 5 enfants, Mary, Micky, Tina, Hester et Jacko. Une « reine des abeilles », c’est ainsi que l’on peut définir cette femme qui règne sur sa famille et régente tout et tous. Une mère parfaite, trop parfaite, une mère aimante, trop aimante... étouffante, quoi !

Mary, un fond de teint « paisible »

Mary est l’aînée des enfants adoptés par le couple Argyle. « C’est une grande jeune femme de 27 ans, d’allure sereine qui, malgré un visage dépourvu de rides et sans doute par suite d’une maturité paisible qui semblait faire partie de son maquillage paraissait plus vieille que son âge ». « Une jolie peau », sans aucun défaut. Mary est une blonde, sans charme, qui voue un amour quasi maternel et franchement étouffant à Philip, son mari devenu paralytique. « Sa douce chevelure dorée » encadre un visage qui cache bien son jeu. « Calme et tranquille », « coiffée à merveille », Mary oppose, à chacun, un visage lisse comme « un masque ». Qui se cache donc réellement derrière les rideaux épais de sa chevelure magnifique ?

Mickael, un teint bronzé et un air « pas paisible du tout »

Mickael, Micky pour la famille, environ 25 ans, possède un « beau visage bronzé » ; un air « dur, coléreux, triste » vient assombrir une face pleine de charme. Un séducteur ! Oui, un séducteur parfois mais aussi un enfant toujours, qui, au fond de lui-même, n’a jamais accepté la séparation avec une mère indigne (combien de coups reçus lorsque celle-ci était prise de boisson ?), une mère dont la chevelure « d’un or éclatant » apparait, à la lumière des connaissances cosmétiques de l’adulte, comme due à une « teinture à bon marché » ! Depuis que Rachel est décédée, Mickael a compris qui, des deux, l’aimait le plus.

Maureen, un fond de teint à la truelle

Maureen, la veuve de Jacko, une « taxi-girl du Palais de la Danse de Drymouth », ne brille ni par son élégance, ni par sa distinction. Une petite blonde, aux yeux bleus, aux « sourcils épilés, aux cheveux hideux et raides après une permanente à bon marché », cache un petit minois assez ordinaire sous une « tartine de maquillage ».

Tina, un teint brun naturel

Tina est métisse. Petite, « cheveux aile-de-corbeau », teint « brun, plus brun qu’aucun teint britannique ne le serait jamais », Tina travaille dans une bibliothèque ; elle est indépendante !

Hester, un teint indescriptible

Hester est belle... d’une « beauté étrange et un peu inquiétante ». Pas de description précise, pas de qualificatif concernant un teint qui doit donc être... indescriptible. Son fiancé, Donald Craig, est un jeune médecin, plein d’aplomb, qui confond teigne et avitaminose, innocence et culpabilité. Ne vous fiez pas à son diagnostic, nous dit son confrère, le Dr MacMaster, qui se moque toujours de son manque de flair en matière de diagnostic différentiel. « [...] il lui avait fallu, une fois, recourir à un vétérinaire pour faire admettre au jeune Craig que le chat appartenant à l’un des bambins de sa clientèle ne souffrait que d’une teigne avancée » et non d’une carence en vitamines.

Gwenda, la fiancée de Leo, « belle et séduisante »

A peine veuf, Leo Argyle tourne ses regards vers Gwenda Vaughan, sa « belle et séduisante » secrétaire. C’est bien louche. Point de description concernant cette dévouée dactylo !

et la dévouée Kirsty, laide comme un pou

En créant son home d’enfants, Rachel s’est fait aider de Kirsty Lindstrom, une « infirmière et masseuse diplômée » très dévouée. « Laide comme le péché », Kirsty n’a vraiment aucun atout physique.

Témoin indésirable, en bref

Le Dr Arthur Calgary est têtu. En proclamant l’innocence de Jacko, il crée un cataclysme au sein de la tribu Argyle. Non content de semer la zizanie, Arthur insiste, rencontre tous les membres de la famille, fouille le passé, interroge, comme si... lui, le médecin, aux cheveux « prématurément gris », aux « épaules voûtées » et au sourire séduisant, était chargé de faire justice à une mère de famille, trucidée par l’un des siens. Ce « mistigri », qui a « gâché le dossier Argyle », est plus chien que chat. Son flair le conduira à la solution d’une énigme dont le suspens ne faiblit à aucun moment.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour !

Bibliographie

1 Christie A., Témoin indésirable, Librairie des Champs-Elysées, 2009, 252 pages

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