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Le rétinol, un actif cosmétique très susceptible !

> 30 janvier 2023

Le rétinol, un actif cosmétique très susceptible !

Le rétinol est un actif qui stimule la synthèse de collagène au niveau cutané et exerce un effet anti-âge reconnu depuis plusieurs décennies.1 Dix à vingt fois moins efficace que l’acide rétinoïque (le boss en matière d’effet anti-âge),2 il est, en revanche, mieux toléré. Et surtout il n’est pas interdit dans les cosmétiques comme l’acide rétinoïque. Très instable, le rétinol et ses dérivés (ses esters) ne résistent pas toujours aux conditions de stockage et au vieillissement dans une formule cosmétique. Parfois intact au bout de 6 mois passés à 25°C, parfois dégradé dans une proportion de 80 %, le rétinol est un ingrédient susceptible qu’il convient de vouvoyer.3 Dégradation à la chaleur, dégradation sous l’action des UV, le rétinol demande à être bichonné,4 à être associé à des anti-oxydants, à des filtres UV. En effet, il ne supporte pas le soleil !

En 2017, une étude américaine nous confirme que le rétinol topique constitue un actif prometteur en matière de prévention du vieillissement cutané.5 Donc, en 2017, on confirme ce qui est connu depuis les années 1990... Toujours est-il que cet actif anti-âge, très à la mode il y a 30 ans (il y en avait alors un peu partout, jusque dans les crèmes amincissantes !) reste un pilier en matière de maitrise du vieillissement. De quoi avoir envie d’en savoir plus !

Une transformation au niveau cutané

Au niveau de la peau, il est possible de trouver des systèmes enzymatiques, des déshydrogénases, capables d’oxyder le rétinol en rétinaldéhyde, puis en acide rétinoïque. Chez la souris, des déficits en ces enzymes entraînent, entre autres, une pousse accélérée des poils (constatée après rasage).6

Chez l’Homme, on démontre, dès le début des années 1990, que le rétinol est transformé au niveau des kératinocytes en 3,4-didéhydrorétinol ; l’utilisation de rétinol marqué permet de suivre la cinétique de formation de cette molécule. Pas de rétinal, ni d’acide rétinoïque détecté alors.7 En 1996, on affine la recherche en cherchant à détecter tous les dérivés de rétinol retrouvés au niveau cutané, après une application topique. Il apparaît que la conversion de rétinol en acide rétinoïque est faible, mais, qu’en revanche, les dérivés sont nombreux. Parmi les dérivés, on pourra citer le 14-hydroxy-4,14-rétro-rétinol, l'anhydrorétinol, les esters de rétinyle et les glucuronides de rétinyle.8

Rétinol, acide rétinoïque, même combat… enfin presque

Le rétinol utilisé à 0,25 % procurerait des effets similaires à ceux de l’acide rétinoïque dosé à 0,025 %.9

Rétinol, bakuchiol, même combat… enfin presque

Sur volontaires, l’application d’une crème renfermant 0,5 % de bakuchiol,10 appliquée 2 fois par jour, produirait les mêmes résultats en matière d’atténuation des rides et de l’hyperpigmentation qu’une crème dosée à 0,5 % en rétinol (une seule application par jour).11

Un effet irritant nié… ou pas...

En 1995, des volontaires américains prêtent leurs fesses pour des essais de tolérance comparés. Excipient seul (70 % d’éthanol, 30 % de propylène glycol), excipient avec rétinol (1,6 %), excipient avec acide rétinoïque (0,025 %) sont appliqués sur la peau du postérieur, sous occlusion pendant 4 jours. Cachez ces fesses que nous ne saurions voir ; l’étude est réalisée en double aveugle, afin que ni le volontaire ni l’applicateur ne soit influencé de quelque manière que ce soit. Rétinol et excipient produisent de concert une trace d’érythème, voire une absence d’érythème, alors que l’acide rétinoïque produit un érythème (un érythème côté à 3,7 fois celui produit par l’excipient - lorsqu’il se produit). La teneur en ester de rétinyle détectée au niveau épidermique, au bout de 4 jours, est 240 fois celle retrouvée au bout de 24 heures ce qui témoigne du dynamisme de ce type de réaction.12 Pas ou peu d’effet irritant donc pour... ces fesses des années 1990 !

Pourtant, dans un grand nombre de publications, le rétinol est qualifié d’actif irritant. Et d’ailleurs, afin de diminuer ce caractère, des essais sont réalisés afin de trouver la base la plus appropriée lorsque l’on souhaite augmenter la tolérance du produit fini. Certains tensioactifs permettant de formuler des émulsions à cristaux liquides sont ainsi considérés comme des additifs intéressants en matière de réduction des marqueurs de l’inflammation.13

Des esters pour réduire le caractère irritant

Parmi les esters de rétinol, citons le rétinoate de rétinyle. Cet ester, obtenu par réaction chimique entre le rétinol et l’acide rétinoïque, a été synthétisé, pour la première fois, au début des années 2000, par l’équipe de Bora Kim, dans le but d’améliorer la tolérance au rétinol. Celui-ci est en effet associé à des dermites appelées « dermites aux rétinoïdes ».14

Cet ester est présenté comme étant moins photosensibilisant, moins irritant et plus efficace dans la promotion de la synthèse de collagène ou d’acide hyaluronique que le rétinol.15,16 Des tests ont été réalisés sur deux échantillons de Coréennes (zones péri-orbitaires) (précision faite : les femmes n’étaient ni enceintes ni allaitantes et n’étaient pas sous traitement thérapeutique), avec des préparations topiques renfermant 0,06 % de rétinoate de rétinyle, appliquées 2 fois par jour (pour 24 coréennes contre placébo et pour 22 coréennes contre rétinol) ; dans les deux cas, le rétinoate de rétinyle s’avère plus efficace en matière de rugosité cutanée que le placébo (excipient ne contenant aucun actif) ou le témoin (formule renfermant le rétinol).17 Efficacité supérieure à moindre dose (0,06 % contre 0,075 %), c’est ce qu’aime à souligner l’équipe coréenne à l’origine de l’emploi de cet ingrédient.18

Le problème de la pénétration transcutanée de cet ester est posé. Afin d’augmenter le passage transcutané, plusieurs options ont été proposées. Des patchs à micro-aiguilles à base de rétinoate de rétinyle ont ainsi été testés in vivo sur un petit échantillon (14 Coréennes), en 2014. Une efficacité anti-rides est démontrée ; celle-ci n’est associée à un aucun effet indésirable.19 Les micro-aiguilles, en créant des « pores » au niveau cutané, augmentent le phénomène de passage transcutané.

La deuxième option consiste à réaliser des microsphères encapsulant le rétinoate de rétinyle ; ces microsphères sont à base d’un polymère, l’acide polylactique. Là encore des tests in vivo menés sur volontaires (20) ont permis de montrer que le complexe acide polylactique (3 %) - rétinoate de rétinyle (2 %) est plus efficace que le rétinoate de rétinyle non encapsulé utilisé à dose moindre (0,06 %).20 Mais n’y aurait-il pas un effet de la dose… tout simplement ?

Le rétinoate de rétinyle, mis au point par une équipe coréenne, est présenté par celle-ci comme un ingrédient actif susceptible d’être incorporé dans une catégorie de produits nommée cosméceutiques. Les cosméceutiques constituent une catégorie de cosmétiques, inventée par Raymond Reed, en 1961 et popularisée dans le domaine du vieillissement cutané par le dermatologue Albert Kligman, à la fin des années 1970.21

Concernant cet ingrédient, on restera prudentes en matière de tolérance. Les seules publications disponibles émanent de l’équipe coréenne à l’origine de la synthèse de cette molécule, ce qui risque de fausser, tout de même, un peu la donne. Les tests sont réalisés, en outre, sur des volontaires ne souffrant visiblement d’aucun problème cutané.

Le rétinol, en bref

Actif anti-âge à l’efficacité certaine, cet ingrédient ne doit pas, ne peut pas être formulé à la légère. Sa dégradation éclair pousse le formulateur dans ses retranchements. Pour le préserver il faut lui concocter un véritable petit nid douillet, en sélectionnant, avec soin, les excipients, les additifs et les actifs associés. Cet actif que nous qualifierons de « susceptible » ne doit pas être contrarié. Il n’aime ni la lumière, ni la chaleur et reprend à son compte le dicton célèbre : « pour vivre heureux, vivons caché » !

Bibliographie

1 Zasada M, Budzisz E. Retinoids: active molecules influencing skin structure formation in cosmetic and dermatological treatments. Postepy Dermatol Alergol. 2019 Aug;36(4):392-397

2 Van Wicklin SA. Are Over-the-Counter Cosmetic Retinol Products an Effective Treatment for Facial Skin Aging? Plast Surg Nurs. 2021 Oct-Dec 01;41(4):185-187

3 Temova Rakuša Ž, Škufca P, Kristl A, Roškar R. Retinoid stability and degradation kinetics in commercial cosmetic products. J Cosmet Dermatol. 2021 Jul;20(7):2350-2358

4 Akhavan A, Levitt J. Assessing retinol stability in a hydroquinone 4%/retinol 0.3% cream in the presence of antioxidants and sunscreen under simulated-use conditions: a pilot study. Clin Ther. 2008 Mar;30(3):543-7

5 Shao Y, He T, Fisher GJ, Voorhees JJ, Quan T. Molecular basis of retinol anti-ageing properties in naturally aged human skin in vivo. Int J Cosmet Sci. 2017 Feb;39(1):56-65

6 Wu L, Belyaeva OV, Adams MK, Klyuyeva AV, Lee SA, Goggans KR, Kesterson RA, Popov KM, Kedishvili NY. Mice lacking the epidermal retinol dehydrogenases SDR16C5 and SDR16C6 display accelerated hair growth and enlarged meibomian glands. J Biol Chem. 2019 Nov 8;294(45):17060-17074

7 Rollman O, Wood EJ, Olsson MJ, Cunliffe WJ. Biosynthesis of 3,4-didehydroretinol from retinol by human skin keratinocytes in culture. Biochem J. 1993 Aug 1;293 ( Pt 3)(Pt 3):675-82

8 Duell EA, Derguini F, Kang S, Elder JT, Voorhees JJ. Extraction of human epidermis treated with retinol yields retro-retinoids in addition to free retinol and retinyl esters. J Invest Dermatol. 1996 Aug;107(2):178-82

9 Duell EA, Kang S, Voorhees JJ. Unoccluded retinol penetrates human skin in vivo more effectively than unoccluded retinyl palmitate or retinoic acid. J Invest Dermatol. 1997 Sep;109(3):301-5

10 Le bakuchiol, héros ou anti-héros ? | Regard sur les cosmétiques (regard-sur-les-cosmetiques.fr)

11 Dhaliwal S, Rybak I, Ellis SR, Notay M, Trivedi M, Burney W, Vaughn AR, Nguyen M, Reiter P, Bosanac S, Yan H, Foolad N, Sivamani RK. Prospective, randomized, double-blind assessment of topical bakuchiol and retinol for facial photoageing. Br J Dermatol. 2019 Feb;180(2):289-296

12 Kang S, Duell EA, Fisher GJ, Datta SC, Wang ZQ, Reddy AP, Tavakkol A, Yi JY, Griffiths CE, Elder JT, et al. Application of retinol to human skin in vivo induces epidermal hyperplasia and cellular retinoid binding proteins characteristic of retinoic acid but without measurable retinoic acid levels or irritation. J Invest Dermatol. 1995 Oct;105(4):549-56

13 Zasada M, Erkiert-Polguj A, Markowicz-Piasecka M, Bakiewicz A, Budzisz E. The influence of retinol concentration in liquid crystal formula on epidermal growth factor, interleukin-6 and transglutaminase-1 mRNA expression in the epidermis. J Physiol Pharmacol. 2020 Feb;71(1)

14 Bae-Hwan K, Yong-Soon L, Kyung-Sun K. The mechanism of retinol-induced irritation and its application to anti-irritant development. Toxicology Letters. 146, 1, 15, 2003, 65 -73) (Kim B, Kim JE, Kim H, Lee JD, Choi KY, Lee SH. Co-treatment with retinyl retinoate and a PPARalpha agonist reduces retinoid dermatitis.Int J Dermatol. 2012, 51, 6, 733-41

15 Hyojung Kim, Bora Kim, Hyungil Jung, Synthesis and in vitro biological activity of retinyl retinoate, a novel hybrid retinoid derivative. Bioorganic & Medicinal Chemistry. 16, 12, 2008, 6387-6393

16 Kim JE, Kim B, Kim H, Kim H, Lee JD, Kim HJ, Choi KY, Lee SH. Retinyl retinoate induces hyaluronan production and less irritation than other retinoids.J Dermatol. 2010, 37, 5, 448-54

17 Kim H, Kim N, Jung S, Mun J, Kim J, Kim B, Lee J, Ryoo H, Jung H. (Improvement in skin wrinkles from the use of photostable retinyl retinoate: a randomized controlled trial. Br J Dermatol. 2010, 162, 3, 497-502

18 Kim H, Koh J, Baek J, Seo Y, Kim B, Kim J, Lee J, Ryoo H, Jung H. Retinyl retinoate, a novel hybrid vitamin derivative, improves photoaged skin: a double-blind, randomized-controlled trial.Skin Res Technol. 2011, 17, 3, 380-5

19 Kim M, Yang H, Kim H, Jung H, Jung H.Novel cosmetic patches for wrinkle improvement: retinyl retinoate- and ascorbic acid-loaded dissolving microneedles. Int J Cosmet Sci. 2014, 36, 3, 207-12

20 Kim H, Kim N, Jung S, Mun J, Kim J, Kim B, Lee J, Ryoo H, Jung H. Improvement in skin wrinkles from the use of photostable retinyl retinoate: a randomized controlled trial.Br J Dermatol. 2010, 162, 3, 497-502

21 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-cosmeceutiques-ou-les-dermocosmetiques-made-in-us-150/

 

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