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Le produit solaire à visée anti-âge en préventif, en curatif… une histoire tirée par les tifs !

> 16 septembre 2024

Le produit solaire à visée anti-âge en préventif, en curatif… une histoire tirée par les tifs !

Après être resté à l’ombre pendant des siècles, on a découvert progressivement et à l’aide de guides inspirés le bonheur de bronzer. Sur avis médical… Pas longtemps tout de même, car, rapidement, on a fait volte-face, en comprenant que les rayons UV n’étaient pas si clean que cela tout de même. Action-réaction ! Il a fallu mettre au point des produits solaires, afin de se protéger d’un Soleil que l’on venait tout juste de découvrir avec délice. On a foncé dans les laboratoires, on a fait chauffer les creusets, on en a extirpé des molécules à caractère filtrant et on s’est mis à appliquer du produit solaire à chaque exposition solaire (du moins les plus observants des plus observants).

Les sociétés qui commercialisent ce genre de produits ont cogité, en interne, en se disant que c’était dommage de n’avoir qu’une activité saisonnière. On a donc développé le concept de « protection solaire à usage quotidien à visée anti-âge ».

Mais cela ne suffisait pas encore, car lorsque le mal est fait, on se dit, ma foi, pourquoi continuer à se tartiner de crème solaire. Coup de génie… On nous dit alors qu’il n’est jamais trop tard et qu’il est possible d’ajouter dans notre crème solaire quotidienne des actifs révolutionnaires, capables d’inverser la course du temps… Et là, franchement, on dit chapeau… Chapeau les artistes qui, avec cet argument fort, vont réussir à nous faire absorber des filtres UV à la toxicologie parfois douteuse par tous les pores de la peau !

Pour comprendre comment on en est arrivé là, suivez le guide… Une petite plongée dans l’histoire s’impose !

Dans les années 1970, le produit solaire en préventif

Dans la littérature scientifique, on commence à bien cerner tous les méfaits de ce que certains appellent déjà le « culte du soleil ». Des articles de synthèse montrent, en effet, que les problèmes cutanés liés à des expositions solaires ne concernent pas seulement les personnes qui travaillent en extérieur, mais également les personnes qui abusent du soleil, afin d’obtenir un hâle homogène, à la fois bon pour le moral et bon pour l’acceptation sociale, mais mauvais pour l’épiderme et la santé en général. Des dermatologues comme Fitzpatrick mettent, en particulier, en garde, les populations blanches qui vivent dans des pays où l’ensoleillement est intense, comme l’Australie ou les Etats-Unis.

Afin de se prémunir des cancers cutanés et du photovieillissement (se traduisant par une atrophie cutanée, des rides, des lentigines, des télangiectasies, de l’élastose) (le mot est lâché !!!), la photoprotection vestimentaire est placée sur la première marche du podium, en matière d’élément préventif ; viennent ensuite les cosmétiques ou préparations topiques destinées à protéger les zones exposées associées aux médicaments (par voie orale).

La recherche en matière de filtres UV s’intensifie au fil du temps. On connaît alors comme filtres UV le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc. L’inconvénient pour ces deux ingrédients est le fait que les produits présents sur le marché en contenant sont inacceptables sur un plan galénique, du fait d’un caractère pâteux qui n’encourage pas leur emploi.

Dans le domaine des filtres organiques, l’acide para-amino-benzoïque est le roi. Une solution hydroalcoolique à 70 % en éthanol et 5 % en PABA est alors considéré comme « the best » !

Il existe également des filtres de la famille des cinnamates et des benzophénones.

Et déjà, des auteurs insistent sur l’importance de la dose appliquée (l’épaisseur du film), sur l’importance de la fréquence d’application et ce d’autant plus que l’on s’est baigné.1

Dans les années 1970, le produit solaire en associatif

Si l’on évoque l’éviction solaire pour lutter contre le vieillissement cutané accéléré, on ne met pas tous ses œufs dans le même panier et on recommande aux personnes à peaux matures de mettre de la crème solaire, lors des expositions solaires, puis d’embrayer avec des crèmes hydratantes, des huiles végétales et des crèmes à base d’hormones (interdites depuis lors bien évidemment), afin de freiner, au maximum, l’apparition des signes de l’âge. Quand le mal est fait, on parle de peeling ou de dermabrasion, afin d’agir sur les taches cutanées, les rides et les ridules.2

Dans les années 1980, le produit solaire en préventif

Comme dans les années 1970, la photoprotection topique est mise en avant comme moyen préventif du photo-vieillissement.3 Quand il est trop tard, c’est l’artillerie lourde qui est convoquée avec chirurgie plastique et exfoliation.

L.H. Kligman préconise, en effet, l’emploi de produits solaires à large spectre et à SPF élevé ou l’éviction solaire,4 sans oublier la photoprotection vestimentaire, ajoute Silverberg.5 Et si encore une fois, on n’a pas agi suffisamment à temps, l’acide rétinoïque topique prend le relais.6

Dans les années 1990, le produit solaire, toujours en préventif

1990, l’Américain Leyden place l’utilisation du produit solaire « tout au long de la vie » en tête de liste des actions préventives à mener dans la lutte acharnée contre les ravages du temps et du soleil conjugués.7 Tout comme Lowe, qui déclare son amour à un usage régulier de produits solaires.8 Des souris nues (sans poils), utilisées comme modèle pour étudier les effets des UV en matière de photovieillissement, payent un large tribu à la science en faisant grise mine, suite à une irradiation sauvage, sans protection… alors que d’autres conservent une peau d’une belle jeunesse en cas d’irradiation protégée.9-11

Le bien nommé Young répond, dans la foulée, aux adeptes de la crème solaire à tout crin, que le mieux consiste encore de ne pas s’exposer, dans la mesure où l’on n’est pas totalement sûr de la fiabilité des produits solaires alors disponibles sur le marché.12 Et d’autres, plein de bon sens, rappellent que le vêtement n’est pas fait pour les chiens.13

Et cela continue encore, comme un interminable jeu de ping-pong, entre les uns et les autres. On prône l’éviction solaire, on déconseille l’exposition solaire « non protégée » et l’on constate, philosophiquement, qu’il est compliqué de ne pas vieillir et que, lorsque les dégâts sont faits, il reste des traitements légers, comme l’exfoliation ou les rétinoïdes topiques (qui améliorent la texture cutanée et lui donne un éclat rosé, le fameux « rosy glow » incomparable)14 et les moyens lourds, comme le comblement des rides à l’aide de matériaux adaptés.15

En 1997, Sophie Seité du service Recherche et Développement du groupe L’Oréal, à Clichy, publie avec ses collègues les résultats d’une étude réalisée pendant 6 semaines sur 12 volontaires, de phototypes II et III. Ceux-ci vont être exposés à un simulateur solaire, 5 jours par semaine, pendant 6 semaines à raison d’une DME (Dose Minimale Erythématogène) par jour. La partie irradiée est la fesse. Différentes zones ont été distinguées : une zone contrôle est non irradiée, elle sert de témoin ; 3 autres zones sont prévues : l’une est irradiée mais non traitée, une autre est irradiée et protégée par une crème de jour contenant 3 filtres solaires (Uvinul®N539, Parsol®1789 et Mexoryl®SX), appliquée à raison de 2 mg/cm2, la dernière enfin est irradiée et protégée par une crème ne contenant pas de filtre. Différents critères histologiques et cliniques sont évalués. On aboutit à la conclusion que l’application journalière d’une crème de jour de SPF 7 et de facteur de protection UVA (FP-UVA) 6 est nécessaire et suffisante pour réduire ou prévenir les altérations cutanées liées aux expositions solaires.16 

Voilà, grâce aux fesses de 12 volontaires, on sait désormais qu’il vaut mieux utiliser une crème solaire à large spectre, c’est-à-dire protégeant dans les domaines UVA et UVB si l’on veut garder la peau lisse. Par la suite, des travaux émanant du groupe L’Oréal seront à nouveau publiés, afin de bien faire entrer le concept dans les mœurs médicaux !

Dans les années 2000, le produit solaire toujours et encore préventif

L’expérience menée par L’Oréal sur les fesses de 12 volontaires va devenir une référence dans le domaine et sera le point de départ de plusieurs autres publications, montrant à quel point une protection large et quotidienne s’impose désormais.17-21

Et donc… l’idée d’utiliser une crème solaire au quotidien fait son chemin, même si certains se posent la question de savoir ce que contient la crème solaire idéale,22 et que d’autres s’interrogent quant à la sécurité d’emploi des nanoparticules.23

2021, le produit solaire au quotidien, en préventif et curatif

Dans la lutte contre le phénomène de photovieillissement cutané, le produit solaire constitue désormais le cosmétique incontournable. On lui reconnait un caractère préventif… On commence à évoquer un caractère curatif, afin de rajouter une strate supplémentaire. En incorporant dans sa formule des antioxydants et des photolyases, capables de réparer les dommages causés à l’ADN et d’”inverser” le phénomène de vieillissement cutané,24 on compte bien faire de la crème solaire le cosmétique multi-usage le plus célèbre du monde.

Alors, le produit solaire, préventif ou curatif ?

Il semble bien que l’histoire tende à s’emballer et que l’on veuille nous convaincre d’utiliser une crème solaire, en lieu et place de tous nos cosmétiques quotidiens.

Quels sont les risques associés ? On ne s’en soucie guère et pourtant l’on sait bien que les filtres UV ne sont pas des actifs anodins, exempts de tous défauts.

Quels sont les risques pour la planète et ceux qui y résident ? On ne s’en soucie guère non plus et pourtant l’on sait que l’on retrouve un certain nombre de filtres UV dans toutes les eaux du globe et, par voie de consequence, dans bon nombre d’organismes animaux et, au bout du compte, dans l’organisme humain, dans ses différents liquides biologiques.

A quoi bon rester jeune, si l’on n’arrive pas à être vieux… c’est sans doute la maxime du jour qui doit être méditée !

Bibliographie

1 Editorial: Sunscreens. Br Med J. 1975 May 3;2(5965):237

2 Lubowe II. Treatment of the aging skin by dermatologic methods. J Am Geriatr Soc. 1976 Jan;24(1):25-8

3 Larrabee WF Jr, Caro I. The aging face. Why changes occur, how to correct them. Postgrad Med. 1984 Nov 15;76(7):37-9, 42-6

4 Kligman LH. Photoaging. Manifestations, prevention, and treatment. Clin Geriatr Med. 1989 Feb;5(1):235-51

5 Silverberg N, Silverberg L. Aging and the skin. Postgrad Med. 1989 Jul;86(1):131-6, 141-4

6 Kligman LH. Prevention and repair of photoaging: sunscreens and retinoids. Cutis. 1989 May;43(5):458-65

7 Leyden JJ. Clinical features of ageing skin. Br J Dermatol. 1990 Apr;122 Suppl 35:1-3

8 Lowe NJ. Sunscreens and the prevention of skin aging. J Dermatol Surg Oncol. 1990 Oct;16(10):936-8

9 Kligman LH. The ultraviolet-irradiated hairless mouse: a model for photoaging. J Am Acad Dermatol. 1989 Sep;21(3 Pt 2):623-31

10 Bissett DL, Hillebrand GG, Hannon DP. The hairless mouse as a model of skin photoaging: its use to evaluate photoprotective materials. Photodermatol. 1989 Oct;6(5):228-33

11 Kligman LH. The hairless mouse model for photoaging. Clin Dermatol. 1996 Mar-Apr;14(2):183-95

12 Young AR. Senescence and sunscreens. Br J Dermatol. 1990 Apr;122 Suppl 35:111-4

13 Green HA, Drake L. Aging, sun damage, and sunscreens. Clin Plast Surg. 1993 janv. ; 20(1):1-8.

14 Kligman AM. Guidelines for the use of topical tretinoin (Retin-A) for photoaged skin. J Am Acad Dermatol. 1989 Sep;21(3 Pt 2):650-4

15 Burke KE. Facial wrinkles. Prevention and nonsurgical correction. Postgrad Med. 1990 Jul;88(1):207-10, 213-6, 219-22

16 Seité S., Piquemal P., Montastier C., Tison-Regnier S., Gueniche A., Fourtanier A. Effects of repetitive doses of solar simulated UVR in human skin — Protection by a daily cream. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology, 1997, 9, Supplement 1, S162-S163

17 Seité S, Colige A, Piquemal-Vivenot P, Montastier C, Fourtanier A, Lapière C, Nusgens B. A full-UV spectrum absorbing daily use cream protects human skin against biological changes occurring in photoaging. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2000 Aug;16(4):147-55

18 Fourtanier A, Moyal D, Seité S. Sunscreens containing the broad-spectrum UVA absorber, Mexoryl SX, prevent the cutaneous detrimental effects of UV exposure: a review of clinical study results. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2008 Aug;24(4):164-74

19 Seité S, Fourtanier AM. The benefit of daily photoprotection. J Am Acad Dermatol. 2008 May;58(5 Suppl 2):S160-6

20 Seité S, Moyal D, Verdier MP, Hourseau C, Fourtanier A. Accumulated p53 protein and UVA protection level of sunscreens. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2000 Feb;16(1):3-9

21 Seité S, Medaisko C, Christiaens F, Bredoux C, Compan D, Zucchi H, Lombard D, Fourtanier A. Biological effects of simulated ultraviolet daylight: a new approach to investigate daily photoprotection. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2006 Apr;22(2):67-77

22 Guan LL, Lim HW, Mohammad TF. Sunscreens and Photoaging: A Review of Current Literature. Am J Clin Dermatol. 2021 Nov;22(6):819-828

23 Lin CH, Lin MH, Chung YK, Alalaiwe A, Hung CF, Fang JY. Exploring the potential of the nano-based sunscreens and antioxidants for preventing and treating skin photoaging. Chemosphere. 2024 Jan;347:140702

24 Guan LL, Lim HW, Mohammad TF. Sunscreens and Photoaging: A Review of Current Literature. Am J Clin Dermatol. 2021 Nov;22(6):819-828

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