Nos regards
Le polyéthylène… quand y en n’a plus, y’en a encore !

> 13 février 2023

Le polyéthylène… quand y en n’a plus, y’en a encore !

Des microbilles bien rondes, de tailles variées, de toutes les couleurs,1 voilà l’actif des gels gommants présents sur le marché il y a quelques années. Ces microbilles parfaitement rondes et bien calibrées ont fait les délices des peaux rugueuses en quête de douceur, pendant des décennies et puis tout d’un coup patatras : le texte stipule, en son article 124, qu’« Au plus tard le 1er janvier 2018, il est mis fin à la mise sur le marché de produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides, à l’exception des particules d’origine naturelle non susceptibles de subsister dans les milieux, d’y propager des principes actifs chimiques ou biologiques ou d’affecter les chaînes trophiques animales. » et ce dans un souci écologique bien compréhensible. C’est la Loi n° 016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite Loi Biodiversité qui met ainsi les pieds dans le plat !2 Cinq ans après on peut se poser la question des conséquences de cette loi. Fini le polyéthylène ! Rangé dans le grenier, mis à double tour dans le placard à serpillère ? Non, pas du tout… On s’explique !

Pour l’inventaire européen

En 2023, le polyéthylène est toujours là, bien présent dans l’inventaire européen qui répertorie les ingrédients cosmétiques. Le polyéthylène y est présenté comme « un agent abrasif, un agent filmogène et un agent de contrôle de la viscosité ».3 Pas de mention à une réglementation cosmétique particulière associée.

Pour le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC)

Le polyéthylène est un polymère d'éthylène, utilisé à diverses fins dans les cosmétiques, comme abrasif, agent liant ou agent de charge, stabilisateur d'émulsion, agent filmogène, agent d'hygiène buccale et agent de contrôle de la viscosité. A ce titre, il peut être retrouvé dans un très grand nombre de références et ce tant en matière d’hygiène qu’en matière de soin ou de maquillage.

Le poids moléculaire du polyéthylène tel qu'il est utilisé dans les cosmétiques varie dans une large gamme. Le poids moléculaire rapporté le plus bas est de 198 daltons et le plus élevé est de 150 000.

En 2007, les experts considèrent que le polyéthylène, de manière générale, dans les cosmétiques est sûr d’emploi. Bon, on est rassuré !

Pour les écotoxicologues

En 2017, les écotoxicologues de Ljubljana voient rouge.4 Après avoir acheté 5 produits cosmétiques gommants, ils se penchent sur leurs compositions respectives et constatent que la majorité d’entre eux renferment des microbilles de plastique. La taille moyenne des particules est de l’ordre de 100 microns. Jusque là on comprend le principe. En revanche, lorsque les auteurs nous indiquent que l’utilisation de ces produits aboutit à un rejet moyen de 15,2 mg de microbilles par personne et par jour on s’interroge sur le mode de calculs réalisé. Par la suite, on apprend que 52 % des microbilles rejetés finissent leur vie dans les boues des stations d’épuration (et on aimerait là encore savoir ce qui a été fait pour le prouver). Bref beaucoup plus de questions que de réponses…

En Chine, on suit ensuite des chercheurs qui se rendent dans des grandes surfaces afin de récolter des produits d’hygiène d’usage courant (on est en 2017). Une fois les courses faites, les analyses peuvent commencer. Il apparait alors que 7,1 % des nettoyants pour le visage testés contiennent des microplastiques (majoritairement du polyéthylène), avec un poids moyen de 25,04 ± 10,69 mg de microplastiques/g de produit et une taille moyenne des particules de l’ordre de 300 microns. En ce qui concerne les gels douche, 2,2 % d’entre eux contenaient un poids moyen de 17,80 ± 7,50 mg de microplastiques/g de produit avec une taille moyenne de particules de l’ordre de 400 microns.5

La même année, la même équipe montre les effets néfastes de ces microbilles sur la croissance de la lentille d’eau.6

En 2021, des chercheurs chinois sortent des sentiers battus et proposent une vision particulière de l’écotoxicologie. Et si les polluants permettaient de dépolluer l’environnement ? C’est ainsi que le combo gagnant en la matière s’avère être l’association polyéthylène + oxyde de zinc. En s’adsorbant sur les particules de microplastiques, l’oxyde de zinc (tout au moins, en laboratoire !), perd ainsi de sa nocivité à l’égard de microalgues marines.7 Toutefois, ce qui fonctionne pour une microalgue ne fonctionne pas pour le riz en herbe… Ce dernier, soumis à de l’oxyde de zinc et à du polyéthylène, ne semble pas apprécier la manoeuvre !8 Et ce concept de polluant dépolluant ne semble pas faire l’unanimité, puisque l’on trouve, en réponse à ce type de publications, d’autres travaux qui présentent les microbilles issues des cosmétiques comme des « concentrateurs » de polluants, susceptibles de potentialiser l’effet néfaste des molécules rencontrées sur leur route !9

Autre point intéressant, microplastiques et filtres UV (des additifs fréquemment associés) ne font pas non plus la joie des organismes marins. Dixit le petit crustacé planctonique Daphnia magna qui ne semble guère apprécier les microbilles de polyéthylène associées à la benzophénone-3 !10

Pour l’industrie

Le remplacement du polyéthylène s’impose. Facile, nous disent les chercheurs chinois qui substituent, aux films de polyéthylène destinés à l’ensilage du maïs, un paillage à la bouse de vache.11 Bon, c’est bien gentil, mais cela ne va pas nous être très utile en cosmétologie !

Ce qui l’est déjà plus, c’est un substitut biotechnologique, la nanocellulose d’origine bactérienne.12 Effectivement, les dérivés de cellulose, du fait de leur caractère gélifiant et filmogène, peuvent constituer des ingrédients de substitution à considérer avec attention.

On pourrait aussi faire un tour dans les vieux formulaires cosmétiques, afin de remettre à l’honneur un certain nombre de gommes végétales, tout à fait exploitables.13

Le polyéthylène, en bref

En bref… le polyéthylène est toujours bien présent dans les cosmétiques. S’il s’est absenté des produits de gommage où il peut être remplacé par des particules de cire, il émarge toujours dans des pains dermatologiques, des sticks labiaux, des rouges à lèvres, des eyeliners… Et, de ce fait, toilette ou démaquillage oblige, termine sa vie dans les eaux usées. De visibles (les microbilles de polyéthylène s’identifiaient facilement dans les produits de gommage), ces ingrédients sont devenus invisibles, car non détectables à l’œil ou au toucher.

Faut-il croire que ce qui ne se voit pas n’existe pas ?

Alors si les microplastiques posent un problème d’un point de vue environnemental pourquoi ne pas les interdire purement et simplement ? Et pourquoi se focaliser uniquement sur le polyéthylène, alors que d’autres microplastiques (PMMA, polybutène…) continuent à être employés sans que l’on se soucie d’eux !

Bibliographie

1 Qu S, Zhu H, Liu F, Dong X, Zhu Y. [Isolation of polyethylene microbeads in cosmetics by double-density separation]. Wei Sheng Yan Jiu. 2017 Nov;46(6):986-990

2 Journal officiel de la République française - N° 184 du 9 août 2016 (legifrance.gouv.fr)

3 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=78649

4 Kalčíková G, Alič B, Skalar T, Bundschuh M, Gotvajn AŽ. Wastewater treatment plant effluents as source of cosmetic polyethylene microbeads to freshwater. Chemosphere. 2017 Dec;188:25-31

5 Lei K, Qiao F, Liu Q, Wei Z, Qi H, Cui S, Yue X, Deng Y, An L. Microplastics releasing from personal care and cosmetic products in China. Mar Pollut Bull. 2017 Oct 15;123(1-2):122-126

6 Kalčíková G, Žgajnar Gotvajn A, Kladnik A, Jemec A. Impact of polyethylene microbeads on the floating freshwater plant duckweed Lemna minor. Environ Pollut. 2017 Nov;230:1108-1115

7 Li J, Mao S, Ye Y, Lü J, Jing F, Guo Y, Liu H, Wang P, Ma W, Qi P, Zheng J, Qu C. Micro-polyethylene particles reduce the toxicity of nano zinc oxide in marine microalgae by adsorption. Environ Pollut. 2021 Dec 1;290:118042

8 Tan J, Chen Y, Mo Z, Tan C, Wen R, Chen Z, Tian H. Zinc oxide nanoparticles and polyethylene microplastics affect the growth, physiological and biochemical attributes, and Zn accumulation of rice seedlings. Environ Sci Pollut Res Int. 2022 Aug;29(40):61534-61546

9 Yu Y, Ma R, Qu H, Zuo Y, Yu Z, Hu G, Li Z, Chen H, Lin B, Wang B, Yu G. Enhanced adsorption of tetrabromobisphenol a (TBBPA) on cosmetic-derived plastic microbeads and combined effects on zebrafish. Chemosphere. 2020 Jun;248:126067

10 Song J, Na J, An D, Jung J. Role of benzophenone-3 additive in chronic toxicity of polyethylene microplastic fragments to Daphnia magna. Sci Total Environ. 2021 Dec 15;800:149638

11 Yang X, Li L, Zhao W, Li X, Mu Y, Chen M, Wu X. Substitute for polyethylene (PE) films: A novel cow dung-based liquid mulch on silage cornfields. PLoS One. 2022 Jul 13;17(7):e0271273

12 Almeida T, Silvestre AJD, Vilela C, Freire CSR. Bacterial Nanocellulose toward Green Cosmetics: Recent Progresses and Challenges. Int J Mol Sci. 2021 Mar 11;22(6):2836

13 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/gomme-de-sterculia-gomme-karaya-de-la-cabane-au-fond-du-jardin-au-cosmetique-de-demain-1763/

Composition

Pain dermatologique A-Derma : DISODIUM LAURYL SULFOSUCCINATE. MALTODEXTRIN. SODIUM COCOYL ISETHIONATE. STEARIC ACID. AVENA SATIVA (OAT) KERNEL FLOUR (AVENA SATIVA KERNEL FLOUR). WATER (AQUA). CETEARYL ALCOHOL. PARAFFIN. CETEARETH-6. PRUNUS AMYGDALUS DULCIS (SWEET ALMOND) OIL (PRUNUS AMYGDALUS DULCIS OIL). PEG-45 PALM KERNEL GLYCERIDES. CITRIC ACID. MICROCRYSTALLINE WAX (CERA MICROCRISTALLINA). POLYETHYLENE. TITANIUM DIOXIDE (CI 77891).

Stick protection ciblée Clinique SPF 35 : Microcrystalline Wax\Cera Microcristallina\Cire Microcristalline, Jojoba Esters, Isononyl Isononanoate, Simmondsia Chinensis (Jojoba) Butter, Butyl Methoxydibenzoylmethane, Ethylhexyl Salicylate, Cetyl Ricinoleate, Butyloctyl Salicylate, Polyester-8, Octocrylene, Beeswax\Cera Alba\Cire DAbeille, Polyethylene, Tocopheryl Acetate, Vp/Eicosene Copolymer, Tocopherol.

Rouge pur couture Yves Saint Laurent : PROPYLENE GLYCOL DIBENZOATE • OCTYLDODECANOL • PENTAERYTHRITYL TETRAISOSTEARATE • STEARYL/PPG-3 MYRISTYL ETHER DIMER DILINOLEATE • NEOPENTYL GLYCOL DIHEPTANOATE • POLYETHYLENE • BIS-DIGLYCERYL POLYACYLADIPATE-2 • POLYBUTENE • TALC • HYDROGENATED COCO-GLYCERIDES • CANDELILLA CERA / CANDELILLA WAX • CERA MICROCRISTALLINA / MICROCRYSTALLINE WAX • CERA ALBA / BEESWAX • ALUMINA • SILICA SILYLATE • PENTAERYTHRITYL TETRA-DI-T-BUTYL HYDROXYHYDROCINNAMATE • CALCIUM SODIUM BOROSILICATE • SILICA • CALCIUM ALUMINUM BOROSILICATE • COLOPHONIUM / ROSIN • SYNTHETIC FLUORPHLOGOPITE • ALUMINUM HYDROXIDE • MAGNESIUM SILICATE • GLYCERIN • TIN OXIDE • PARFUM / FRAGRANCE ● [+/- MAY CONTAIN: MICA • CI 77891 / TITANIUM DIOXIDE • CI 77491, CI 77492, CI 77499 / IRON OXIDES • CI 45410 / RED 28 LAKE • CI 15850 / RED 7 • CI 15850 / RED 6 • CI 15850 / RED 7 LAKE • CI 15985 / YELLOW 6 LAKE • CI 45380 / RED 22 LAKE • CI 19140 / YELLOW 5 LAKE • CI 17200 / RED 33 LAKE • CI 77742 / MANGANESE VIOLET • CI 77120 / BARIUM SULFATE • CI 42090 / BLUE 1 LAKE • CI 75470 / CARMINE]

Hypoallergenic eye pencil Cosmia : Ricinus communis seed oil, octyldodecanol, cera microcristallina, paraffin, lanolin, methyl methacrylate crosspolymer, tridecyl trimellitate VP/hexadecene copolymer, C10-18 triglycerides, cera alba, C20-40 alcohols, polyethylene, PEG-8, copernicia cerifera cera, montan cera, tocopherol, glyceryl caprylate, ascorbyl palmitate, ascorbic acid, citric acid, CI 77499.

 

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