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Le gel hydro-alcoolique, est-ce un cosmétique ?

> 02 mars 2020

Le gel hydro-alcoolique, est-ce un cosmétique ?

Non, de manière catégorique. Le gel hydro-alcoolique est un produit qui doit répondre à différents éléments en matière d’efficacité.

En effet, le produit doit répondre à un certain nombre de critères de performances. Il doit être antibactérien (Norme NF EN 1040 ; NF EN 13727 ; NF EN 1500), antifongique (Norme EN NF 1275 ; NF EN 1650 ; NF EN 13624) et actif sur les virus (NF EN 14476).

Précisons, et c’est d’actualité, que ce gel doit être efficace vis-à-vis des coronavirus.

Dans le domaine hospitalier, ces gels sont utilisés de manière courante afin d’éviter les contaminations croisées. Ils ont été introduits à partir des années 2000 afin de proposer aux professionnels de santé une alternative facile et pratique au lavage traditionnel des mains. L’observance était jusqu’alors jugée médiocre (de l’ordre de 50 % seulement) pour plusieurs raisons, allant du manque de temps au manque de matériel (en matière de points d’eau), en passant par les problèmes de tolérance cutanée.1,2 A ce sujet, une publication américaine de 2000 chante les louanges de l’usage du gel hydro-alcoolique (moins irritant, mieux toléré) par rapport au lavage au savon.3

Pour se désinfecter les mains, il faudra distinguer les formules renfermant de l’alcool (solutions hydro-alcooliques ou SHA) de celles qui n’en renferment pas (solutions désinfectantes). Dans ce dernier cas, différents antiseptiques tels que le chlorure de benzalkonium peuvent être utilisés.4

Les gels hydro-alcooliques sont composés d’un pourcentage d’éthanol, d’alcool propylique ou isopropylique variant entre 60 et 70 %. La teneur en alcool doit être précisée sur le conditionnement.5 On considère que l’alcool est le plus efficace dans cette fourchette de concentration. Au-delà de 80 %, l’efficacité diminue car la présence d’eau est nécessaire pour que la dénaturation des protéines se fasse de manière optimale.6 On trouve également de l’eau, un épaississant qui permet d’augmenter la viscosité du milieu (il peut s’agir d’un carbomère neutralisé par une base type triéthanolamine),7 un humectant (type glycérine) afin de palier, autant que faire se peut, à l’effet asséchant de l’alcool, éventuellement un colorant. Dans certain cas, un agent apaisant comme le bisabolol est incorporé. Idem pour l’aloe vera…

Ethanol et isopropanol sont jugés comparables d’un point de vue de leur efficacité antibactérienne.8

Un certain nombre de publications font état d’un phénomène de passage transdermique de l’éthanol suite à l’utilisation de ce type de dispositifs. La détermination de l’éthylglucuronide au niveau urinaire en est témoin. Les teneurs maximales varient selon les études entre 2 ng/L (étude réalisée sur 11 participants – 120 applications par jour pendant 3 jours) et 713 ng/L (étude réalisée sur 2 participants – 8 applications pendant 1 jour),9 ce qui témoignent de variations interindividuelles importantes.

Du milieu hospitalier, au milieu domestique… il n’y a qu’un pas. En période d’épidémie, les gels hydro-alcooliques sont de sortie. L’observance dans ce cas est excellente car la personne qui achète ce type de produit ne rechignera pas à l’utiliser dès lors qu’elle a été en contact avec une surface manipulée par un grand nombre de personnes.

Si et c’est le cas actuellement une pénurie momentanée de gels hydro-alcooliques survient, pas de panique !

Le DIY, on oublie. Le recours à des cosmétiques qui se prennent pour des dispositifs médicaux,10 on oublie. On se confie à son pharmacien qui possède tous les éléments en main pour mettre au point des formules de substitution. Il dispose, en particulier, de formules de produits hydro-alcooliques recommandées par l’OMS. La première solution est composée d’éthanol à 96 %, de peroxyde d’hydrogène à 3 %, de glycérol à 98 % et d’eau. La deuxième solution est composée d’isopropanol à 99,8 %, de peroxyde d’hydrogène à 3 %, de glycérol à 98 % et d’eau. C’est par 10 litres, qu’il sera susceptible de mettre au point les précieuses solutions hydro-alcooliques manquantes ! Pour les proportions de chacun des ingrédients, il se référera au guide de production locale établi par l’OMS.11

Bibliographie

1 Girou E. Hygiène Des Mains Et Solutions Hydro-Alcooliques, Revue Francophone des Laboratoires, 2005, 376, 2005, Pages 45-48

2 Hautemaniere A., Cunat L., Diguio N., Vernier N., Hartemann p. Factors determining poor practice in alcoholic gel hand rub technique in hospital workers, Journal of Infection and Public Health, 3, 12010, Pages 25-34

3 Boyce JM, Kelliher S, Vallande N, Skin irritation and dryness associated with two hand-hygiene regimens: soap-and-water hand washing versus hand antisepsis with an alcoholic hand gel, Infect Control Hosp Epidemiol., 2000, 21, 7, Pages 442-448

4Gold N.A., Avva U. Alcohol Sanitizer, StatPearls, Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2020-2019

5 https://www.ansm.sante.fr/Dossiers/Pandemie-grippale/Les-produits-hydroalcooliques/(offset)/8

6 Ochwoto M, Muita L, Talaam K, Wanjala C, Ogeto F, Wachira F, Osman S, Kimotho J, Ndegwa L, Anti-bacterial efficacy of alcoholic hand rubs in the Kenyan market, 2015, Antimicrob Resist Infect Control., 2017, 25, 6, 17

7 Pietsch H. Hand antiseptics: rubs versus scrubs, alcoholic solutions versus alcoholic gels, Journal of Hospital Infection, 48, 2001, Pages s33-s36

8 Wilkinson MAC, Ormandy K, Bradley CR, Hines J. Comparison of the efficacy and drying times of liquid, gel and foam formats of alcohol-based hand rubs. J Hosp Infect. 2018, 98, 4, Pages 359-364

9 Salomone A, Bozzo A, Di Corcia D, Gerace E, Vincenti M., Occupational Exposure to Alcohol-Based Hand Sanitizers: The Diagnostic Role of Alcohol Biomarkers in Hair. J Anal Toxicol. 2018, 1, 42, 3, Pages 157-162

10 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/non-merci-handy-725/

11 https://www.who.int/gpsc/5may/tools/system_change/guide_production_locale_produit_hydro_alcoolique.pdf

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