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Le curcuma et ses phyto-œstrogènes, de quoi réfléchir !

> 28 juillet 2018

Le curcuma et ses phyto-œstrogènes, de quoi réfléchir ! Le curcuma est une plante de la famille des Zingibéracées qui intéresse aussi bien les cuisiniers que les phytothérapeutes ou les cosmétologues (https://www.passeportsante.net/fr/Solutions/PlantesSupplements/Fiche.aspx?doc=curcuma_ps).

On lui accorde actuellement un crédit important. Prévention et traitement des cancers, de la maladie d’Alzheimer, du diabète, des pathologies inflammatoires… autant d’idées qui circulent sur son compte…

Les adeptes des cosmétiques faits maison n’hésitent pas à aller chercher le curcuma sur les étagères de leur cuisine pour réaliser des masques pour peaux grasses ou peaux matures (https://belovesnature.com/bienfaits-curcuma-cosmetique/). Alors même qu’un toxicologue est en charge d’étudier à la loupe les ingrédients qui entrent dans la composition des cosmétiques produits par l’industrie et d’en déterminer la sécurité d’emploi en calculant des doses d’exposition, la ménagère qui se méfie des produits manufacturés mélange, assaisonne, touille des ingrédients dont elle ne connaît ni la qualité, ni les caractéristiques, à la cuillère ou bien dans un verre…

Le curcuma est à la fois le nom d’une plante et le nom d’une épice. Cette dernière se présente sous la forme d’une poudre jaune, obtenue par broyage du rhizome de Curcuma longa. Le genre Curcuma est cultivé, tout particulièrement, en Asie du sud et du sud-est. Le curcuma entre également dans la composition du curry, un mélange d’épices.

L’espèce « amada » se caractérise par un rhizome à odeur de mangue ce qui lui vaut l’appellation de gingembre-mangue. Sa popularité dépasse son utilisation culinaire. En Inde, on lui attribue de nombreuses propriétés médicinales. Des emplâtres à base de curcuma sont appliqués au niveau des articulations pour traiter les rhumatismes ; des suspensions aqueuses et des formes pulvérulentes sont administrées par voie orale pour traiter troubles gastro-intestinaux et respiratoires. En médecine ayurvédique, le rhizome se voit attribuer des propriétés orexigènes, antipyrétiques, aphrodisiaques et laxatives (Chowdhury Faiz Hossain, Mohammad Al-Amin, Kazi Md Mahabubur Rahman, Aurin Sarker, Gazi Nurun Nahar Sultana, Analgesic principle from Curcuma amada, Journal of Ethnopharmacology, 163, 2015, 273-277).

L’espèce « longa » fait également l’objet de très nombreux travaux. Une étude récente a ainsi mis en évidence, in vitro, un effet inhibiteur des métalloprotéinases, enzymes impliquées dans le phénomène de vieillissement. In vivo, on s’émerveille du gain d’élasticité concernant la peau des sujets traités par une crème renfermant un extrait de curcuma. Aucune information n’est toutefois fournie sur le pourcentage d’ingrédient actif incorporé, la composition de la crème, la fréquence et la durée d’utilisation… (Keiko Muta, Shinji Inomata, Tadao Fukuhara, Junko Nomura, Satoshi Amano, Inhibitory effect of the extract of rhizome of Curcuma longa L in gelatinase activity and its effect on human skin, Journal of Bioscience and Bioengineering, 2017).

L’espèce « aeruginosa » ou gingembre jaune et bleu fait parler d’elle dans le domaine cosmétique, du fait de l’activité anti-androgénique du germacrone, un constituant de son huile essentielle. Une lotion en renfermant 1 %, appliquée au niveau des aisselles pendant 11 semaines entraîne une réduction de la longueur des poils de 13 % (Jukkarin Srivilai, Preeyawass Phimnuan, Jiraporn Jaisabai, Nantakarn Luangtoomma, Kornkanok Ingkaninan, Curcuma aeruginosa Roxb. essential oil slows hair-growth and lightens skin in axillae; a randomised, double blinded trial, Phytomedicine, 25, 2017, 29-38).

L’espèce « aromatica » est caractérisée par un effet oestrogénique, effet 1000 fois moins important que la molécule de référence – le 17 béta –estradiol (In Gyu Kim, Se Chan Kang, Kug Chan Kim, Eui Su Choung, Ok Pyo Zee, Screening of estrogenic and antiestrogenic activities from medicinal plants, Environmental Toxicology and Pharmacology, 25, 1, 2008, 75-82).

Cette espèce n’est pas la seule à avoir cette particularité. Curcuma comosa est ainsi utilisé traditionnellement en Thaïlande pour traiter les problèmes gynécologiques (Vichien Keeratinijakal, Sumet Kongkiatpaiboon, Distribution of phytoestrogenic diarylheptanoids and sesquiterpenoids components in Curcuma comosa rhizomes and its related species, Revista Brasileira de Farmacognosia, 27, 3, 2017, 290-296). En effet, le (3R)−1,7-diphényl-(4E, 6E)−4,6-heptadiène-3-ol, présent dans le rhizome, possède des propriétés oestrogéniques (Nareerat Sutjarit, Jetjamnong Sueajai, Nittaya Boonmuen, Nilubon Sornkaew, Pawinee Piyachaturawat, Curcuma comosa reduces visceral adipose tissue and improves dyslipidemia in ovariectomized rats, Journal of Ethnopharmacology, 215, 2018, 167-175). En ce qui concerne l’huile essentielle contenue dans le rhizome, celle-ci a démontré un effet anti-plaquettaire chez le rat (Prem Prakash, Ankita Misra, William R. Surin, Manish Jain, Madhu Dikshit, Anti-platelet effects of Curcuma oil in experimental models of myocardial ischemia-reperfusion and thrombosis, Thrombosis Research, 127, 2, 2011, 111-118).

La curcumine, molécule responsable de la couleur jaune de la poudre, est présente à raison de 2 à 5 %. La curcumine et les curcuminoïdes sont connus pour leurs propriétés anti-radicalaires. Dans le domaine de la cicatrisation des plaies, on s’intéresse à la curcumine au point de vouloir réaliser des pansements en renfermant. C’est son action antibactérienne qui est recherchée dans ce cas précis (G. Devanand Venkatasubbu, T. Anusuya, Investigation on Curcumin nanocomposite for wound dressing, International Journal of Biological Macromolecules, 98, 2017, 366-378).

Classé comme « Generally Recognized As Safe » par la FDA, le curcuma peut être ingéré à des doses de l’ordre de 1,5 g par jour !

Rappelons que le rhizome renferme une huile essentielle. Selon les espèces, cette huile est présente en plus ou moins grande quantité (entre 2,0 et 4,5 %). Ses constituants sont très nombreux. On citera par exemple l’alpha-pinène, le limonène, le camphre, le bergamotène, le linalol…

Très courtisé par les chercheurs qui lui consacrent des milliers de publications, le curcuma est censé posséder une foule de propriétés plus intéressantes les unes que les autres dans le domaine médical. On ne commercialise, toutefois, pas de spécialités pharmaceutiques renfermant l’une ou l’autre de ces molécules à l’heure actuelle.

Courtisé par les sociétés biologiques ou les blogs beauté qui proposent des formules de masques plus étonnantes les unes que les autres, le curcuma est assez peu présent dans les cosmétiques conventionnels.

En ce qui concerne l’emploi du curcuma dans les cosmétiques, rappelons que cet ingrédient ne conviendra ni aux consommateurs qui craignent les « perturbateurs endocriniens » et ce parce que des effets oestrogénique et/ou anti-androgénique ont été démontrés, ni aux consommateurs qui présentent un terrain atopique, du fait de la présence d’allergènes figurant à la liste des molécules à mentionner obligatoirement sur l’emballage.

Pour ces raisons, nous continuerons à nous délecter de poulet au curry, nous agrémenterons la lotte ou le pot au feu d’un peu de curcuma… mais nous éviterons soigneusement de nous enduire la peau de cette épice qui ne quittera pas la cuisine pour la salle de bains !



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