> 08 janvier 2020
Le cotonnier (Gossypium barbadense, Gossypium herbaceum, Gossypium hirsutum), une plante de la famille des Malvacées, constitue une source de matières premières variées. On utilise ses racines, ses feuilles, ses fleurs, ses fruits, ses graines… On lui associe une notion de douceur. Utilisé en médecine traditionnelle à différentes fins, le coton fait quelques apparitions discrètes dans les listes d’ingrédients cosmétiques. Nous roule-t-il dans le coton ? A voir…
Au niveau médical, tout fait feu !
Les formulaires anciens consacrent des monographies aussi bien au cotonnier qu’au coton. Celui-ci correspond au « duvet issu du tégument de ses graines » et est désigné sous le nom de « lanugo gossypii » en langue latine.
L’huile de coton est obtenue à partir des graines ; cette huile siccative présente une composition voisine de celle de l’huile de palme.
L’écorce de l’arbre est emménagogue ; les graines sont galactogogues. L’extrait fluide de semences était autrefois mélangé avec du sucre et administré par cuillérées à café dans du lait, une à quatre fois par jour. Les graines sont composées de protéines et d’une molécule polyphénolique, le gossypol ; celui-ci est « oligospermique chez l’homme » et « antinidatoire chez la femme ».1 Le gossypol est présent, dans différentes parties de la plante et en particulier dans les graines de coton, à raison de 0,02 à 6,64 % selon les espèces et selon les conditions météorologiques.2 Cette substance constitue un moyen de défense naturelle pour le cotonnier en provoquant l'infertilité des insectes qui se nourrissent de ses feuilles et de ses graines, réduisant ainsi la prolifération de ses prédateurs.3 Dans les années 1970, le gossypol a commencé à être étudié en tant que contraceptif masculin ; les Chinois avaient, en effet, constaté que la consommation d’huile de graines de coton brute conduisait à de l’infertilité.4 Depuis cette époque, les essais se sont multipliés ; le gossypol entraîne une suppression de la spermatogenèse à la dose de 15 mg/j pendant 16 semaines ; le phénomène est réversible dans 50 % des cas, un an après l’arrêt du traitement.5
Les racines et les feuilles sont utilisées dans certaines régions d’Afrique (Sud-est du Nigéria par exemple) pour traiter les maux de gorge.6
Les feuilles sont employées de manière traditionnelle en Guyane française pour réaliser des bains antiseptiques.7
Le coton hydrophile (Gossypium depuratum) est un "coton blanchi préparé avec du coton neuf et privé des matières grasses et résineuses qui imprègnent naturellement les fibres et les empêchent d’être mouillées par les liquides aqueux". Le coton stérile (Gossypium asepticum), quant à lui, doit être conservé dans des récipients hermétiquement clos pour conserver ses qualités aseptiques.8 Le coton est de nature cellulosique.1 On trouve trace de son emploi en Italie dans le cadre de l’érésipèle, la peau étant recouverte de coton (Levant).9 On sait, toutefois, que le coton est capable de libérer des fibres dans des plaies ouvertes pendant les procédures de nettoyage. Ces fibres peuvent s’incorporer dans les tissus et devenir des foyers d'infection, entraînant un retard dans le phénomène de cicatrisation des plaies.10
Au niveau cosmétique, tout fait feu aussi...
La qualité de l’huile employée doit être vérifiée. En effet, nous avons déjà évoqué le gossypol en tant qu’ingrédient toxique ; il faut y ajouter un risque de présence d’aflatoxines et d’acides gras cyclopropénoïdes.11 L’huile de graines de coton est composée pour 65 à 70 % d’acides gras insaturés et pour 26 à 35 % d’acides gras saturés. L’acide gras le mieux représenté est l’acide linoléique (55 %), il est suivi de l’acide palmitique (26 %), de l’acide oléique (15 %) et de l’acide stéarique (2 %). Les plus gros producteurs d’huile de coton sont la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, l’ex-Union soviétique et le Pakistan ; cette huile est majoritairement destinée à la consommation, une petite fraction est employée par l’industrie cosmétique, en particulier la savonnerie.12
L’extrait de graines de cotonnier, composé de protéines, peut être hydrolysé de façon à donner naissance à des peptides possédant des propriétés antiseptique et anti-oxydante.13
L’inventaire européen est plus ou moins précis en ce qui concerne les actifs extraits du cotonnier. L’huile de graines de coton (Gossypium herbaceum seed oil) est référencée comme étant un « agent conditionneur »,14 de même que l’extrait de graine de coton (Gossypium herbaceum extract). L’extrait de fleur (Gossypium herbaceum flower extract) est humectant/conditionneur. L’eau florale de coton est émolliente.15 On ne trouve, malheureusement, aucune publication scientifique appuyant ces assertions.
Au niveau marketing, ça continue
Le coton est avant tout un argument marketing qui fait vendre. Il est présent dans des shampooings doux,16 dans des laits démaquillants douceur,17 dans des déodorants peaux sensibles,18 dans des produits d’hygiène intime…19
Le coton, en bref
Le coton fait partie de ces ingrédients qui ont une « bonne tête », une bouille de « premier de la classe ». On lui fait confiance sans savoir exactement pourquoi. A force de le cantonner dans les produits haute tolérance, on a fini par croire à sa grande douceur et à ses belles qualités. Restent à les prouver !
Bibliographie
1 Dorvault F. L’Officine, 23e édition, Vigot, Paris, 1995, 2089 pages
2 Heping Cao, Kandan Sethumadhavan, Gossypol but not cottonseed extracts or lipopolysaccharides stimulates HuR gene expression in mouse cells, Journal of Functional Foods, 59, 2019, Pages 25-29
3 Elsimar Metzker Coutinho, Gossypol: acontraceptivefor men, Contraception, 65, 4, 2002, Pages 259-263
4 Anonyme, Gossypol--a new antifertility agent for males, Gynecol Obstet Invest., 1979, 10, 4, Pages 163-176
5 Elsimar M. Coutinho, Célia Athayde, Gabriel Atta, Zhi-Ping Gu, Sheldon J. Segal, Gossypolblood levels and inhibition of spermatogenesis in men taking gossypolasacontraceptive: A multicenter, international, dose-finding study, Contraception, 61, 1, 2000, Pages 61-67
6 Ncoza C. Dlova, Moses A. Ollengo, Traditional and ethnobotanical dermatology practices in Africa, Clinics in Dermatology,36, 3, 2018, Pages 353-362
7 Marc Alexandre Tareau, Marianne Palisse, Guillaume Odonne, As vivid as a weed… Medicinal and cosmetic plant uses amongst the urban youth in French Guiana, Journal of Ethnopharmacology, 203, 2017, Pages 200-213
8 Formulaire Astier, 9 édition, Vigot frères, Paris, 1942, 1306 Pages
9 Rosalucia Mazzei, Marco Leonti, Santo Spadafora, Alessandra Patitucci, Giuseppe Tagarelli, A review of the antimicrobial potential of herbal drugs used in popular Italian medicine (1850s–1950s) to treat bacterial skin diseases, Journal of Ethnopharmacology, 250, 2020, Article 112443
10 M. Briggs, Examining equipment for woundcare: the use of forceps and cotton wool in dressing packs, Accident and Emergency Nursing, 2, 4, 1994, Pages 237-239
11 Final report on the safety assessment of Hydrogenated Cottonseed Oil, Cottonseed (Gossypium) Oil, Cottonseed Acid, Cottonseed Glyceride, and Hydrogenated Cottonseed Glyceride, Int J Toxicol., 2001, 20, Suppl 2, Pages 21-29
12 Iram Sharif, Jehanzeb Farooq, Shahid Munir Chohan, Sadaf Saleem, Ghulam Sarwar, Strategies to enhance cottonseed oil contents and reshape fatty acid profile employing different breeding and genetic engineering approaches, Journal of Integrative Agriculture, 18, 10, 2019, Pages 2205-2218
13 Weiguang Song, Xiangzhen Kong, Yufei Hua, Xingfei Li, Yeming Chen, Antioxidant and antibacterial activity and in vitro digestion stability of cottonseedprotein hydrolysates, LWT, 118, 2020, Article 108724
14 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=56477
15 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=88182
16 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-coton-un-appat-marketing-43/
17 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-demaquillage-un-geste-indispensable-54/
18 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/monoprix-bio-comme-ce-deo-379/
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