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Le concombre, quel est son intérêt dans le domaine cosmétique ?

> 27 juillet 2017

Le concombre, quel est son intérêt dans le domaine cosmétique ? Le concombre (Cucumis sativus) appartient à la famille des Cucurbitacées. Le fruit est très riche en eau et pauvre en calories ; son goût est relativement modeste et son odeur inimitable. Il peut être consommé frais en salade ou bien conservé dans du vinaigre ; on lui donne alors le nom de pickles. Les pépins sont sources de protéines (34 %) de corps gras (45 %), de sucres (10 %) et de fibres (2 %). On y trouve également des acides aminés tels que l’histidine, la thréonine, la phénylalanine, la tyrosine, la valine. L’huile que l’on peut extraire de ces pépins est composée de 4 acides gras principaux que sont les acides linoléique (62 %), oléique (16 %), stéarique (11 %) et palmitique (11 %). L’huile de pépins de concombre peut être employée en cuisine (Abdalbasit Adam Mariod, Mohamed Elwathig Saeed Mirghani, Ismail Hussein, Chapter 16: Cucumis sativus Cucumber, Unconventional Oilseeds and Oil Sources, 2017, 89-94).

Trouvé à l’origine à l’état sauvage, dans l’Himalaya, de Kumaun à Sikkim, le concombre est toujours cultivé, à l’heure actuelle, un peu partout à travers le monde. Pour le désigner, on utilisera son nom botanique latin ou bien l’un de ses 70 noms vernaculaires différents, caractéristiques de telle ou telle région du monde.

Le concombre est autant apprécié pour ses qualités culinaires que pour ses propriétés médicinales. Il est, en effet, utilisé pour ses propriétés thérapeutiques depuis des temps très anciens. On aura recours aux feuilles, aux fruits ou aux pépins, selon l’effet recherché. En médecine ayurvédique, le concombre émarge parmi les ingrédients à visée anti-âge. On le préconise pour traiter divers problèmes de peau, pour décongestionner la peau au niveau des poches qui se forment sous les yeux, pour apaiser les coups de soleil… Apaisant, rafraîchissant, émollient… Il conviendrait aux peaux irritées et permettrait même de calmer le prurit associé à certaines dermatoses. En médecine chinoise, feuilles, tiges et racines constituent la substance active de préparations à visée anti-diarrhéique, détoxifiante et anti-gonorrhée. Si la médecine populaire est confiante dans les bienfaits du concombre, il n’en est pas tout à fait de même des pharmacologues qui le regardent d’un œil sympathique certes, mais néanmoins sceptique (Pulok K. Mukherjee, Neelesh K. Nema, Niladri Maity, Birendra K. Sarkar, Phytochemical and therapeutic potential of cucumber, Fitoterapia, 84, 2013, 227-236).

Ce fruit possède une odeur très particulière qui le fait reconnaître à coup sûr par les amateurs et les « phobiques » qui ne le supportent absolument pas. « Les uns en font grand cas, et lui attribuent beaucoup de propriétés ; d’autres pensent qu’il est à sa place dans la salle à manger et non dans le cabinet de toilette. » Septimus Piesse lui consacre une monographie et s’exaspère de la difficulté à obtenir une huile essentielle. Il faut réaliser trois distillations à l’alcool sur des tranches de concombre fraîchement coupées pour obtenir une huile essentielle digne de ce nom. Celle-ci possède « tout à fait la véritable odeur que l’on cherche ».

Incorporé dans un cold cream (blanc de baleine, jus de concombre, esprit de concombre, teinture de benjoin) pour un effet adoucissant, ou dans de la crème épaisse (associée à un lait parfumé à la teinture de benjoin en association avec de la poudre de graines de citrouille ou de melon) pour une action anti-rides (Gastou P., Formulaire cosmétique et esthétique, 1939), le concombre semble être multi-fonction. Il traverse les âges et s’accommode à toutes les sauces... cosmétiques. L’eau, l’essence, les graines... tout fait usage. L’eau est obtenue pour certains « en pressant des morceaux de fruit, portant à l’ébullition puis laissant décanter (Le Florentin R., Cosmétiques et produits de beauté, 1938) pour d’autres par une expression à froid réalisée à l’aide de presses mécaniques (Lusi, La femme moderne, 1905). Le Dr James (Toilette d’une Romaine au temps d’Auguste et cosmétiques du Parisienne au XIXe siècle, 1865) ne voit pas le cold cream ou la pommade au concombre d’un bon oeil. Ce cosmétique utilisé par certaines élégantes pour réaliser une toilette « sèche » (« Pour beaucoup de nos élégantes, ces préparations tiennent lieu d’eau pure et dispensent de tout lavage. Elles s’en étendent tous les soirs une légère couche sur le visage, qu’elles enlèvent le lendemain avec de la batiste ou une éponge. ») ne convient guère au médecin. Celui-ci imagine facilement qu’il n’est pas simple de retirer ces corps gras de la peau... odeur de rance, irritations constituent la face sombre de ce type de produit. Critique, le Dr James ne manque pas de préciser que le concombre n’est présent dans ce type de cosmétiques que pour la forme. « La pommade de concombre contient beaucoup moins de concombre que de suif de mouton. » Le Dr Lusi, quant à lui, considère que « les cold cream sont inoffensifs et d’un prix modéré. » Péremptoire, il énonce : « Les cold cream sont recommandés par tous les médecins. » Si traditionnellement c’est l’eau de rose qui est incorporée dans un mélange de cire d’abeille et d’huile (d’amande douce par exemple), rien n’empêche de substituer à celle-ci du jus de concombres. On pourra également réaliser un lait virginal, lait permettant de nettoyer la peau et de la « blanchir ». Composé habituellement d’eau de roses et de teinture de benjoin, il est apprécié de tous, à tort. « Ce lait jouit d’une réputation imméritée ; non seulement il n’enlève pas les taches de rousseur et n’empêche pas les rides de se former, bien plus il bouche les pores de la peau d’une couche de vernis, ce qui occasionne des malaises sérieux. » (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/petite-histoire-du-lait-de-toilette-231/).

Pour plus de douceur, on préférera des laits réalisés à partir de fruits tels que les pistaches, les amandes amères, les concombres. Le lait de concombre est composé d’amandes douces décortiquées, de cire blanche, de blanc de baleine, de savon fin en poudre, d’alcool à 70°, d’eau de concombre et d’essence de concombre » (Lusi, La femme moderne, 1905). Le parfumage de la préparation à l’aide d’une huile essentielle de concombre renforce l’action de la préparation. Si l’on sent le concombre, ses effets en seront bien certainement décuplés !

Les tranches entières de concombre constituent également des cosmétiques à part entière. Yves Rocher se déclare pro-concombre dans son ouvrage « Restez vraie » (1977). « Posez sur le visage et le cou quelques tranches fines de concombre et conservez-les pendant un quart d’heure. [...] » ; « les rondelles de concombre peuvent également soulager des brûlures légères, des démangeaisons ou les douleurs provoquées par une piqûre d’abeille. »

L’effet anti-âge et principalement anti-rides du concombre est justifié en 2011 par une étude in vitro qui montre un effet anti-hyaluronidase et anti-élastase de ce fruit (Pulok K. Mukherjee, Niladri Maity, Neelesh K. Nema, Birendra K. Sarkar, Bioactive compounds from natural resources against skin aging, Phytomedicine, 19, 1, 2011, 64-73). Il faut toutefois préciser que cet effet anti-rides ne pourra pas s’observer en s’appliquant consciencieusement des tranches de concombre sur le visage tous les soirs avant de dormir. Les résultats prometteurs obtenus l’ont été avec un extrait de jus de concombre lyophilisé (Nema NK, Maity N, Sarkar B, Mukherjee PK, Cucumis sativus fruit-potential antioxidant, anti-hyaluronidase, and anti-elastase agent, Arch Dermatol Res., 303, 4, 2011, 247-252).

Alors, réellement efficace le concombre ? Difficile à dire. Quid de la sécurité des ingrédients à base de concombre utilisés dans le domaine cosmétique ? C’est la question que s’est posée le CIR (Cosmetic Ingredient Review) en 2014 (Fiume MM, Bergfeld WF, Belsito DV, Hill RA, Klaassen CD, Liebler DC, Marks JG Jr, Shank RC, Slaga TJ, Snyder PW, Andersen FA, Safety Assessment of Cucumis sativus (Cucumber)-Derived Ingredients as Used in Cosmetics., Int J Toxicol., 2014, 26, 33, 2 suppl, 47S-64S). Six ingrédients à base de concombre (Cucumis Sativus (Cucumber) Fruit Extract, Cucumis Sativus (Cucumber) Extract, Cucumis Sativus (Cucumber) Fruit, Cucumis Sativus (Cucumber) Fruit Water, Cucumis Sativus (Cucumber) Juice, Cucumis Sativus (Cucumber) Seed Extract) ont fait l’objet d’une revue de la littérature. L’huile de pépins de concombre avait été considérée comme un ingrédient cosmétique sûr lors d’une étude préalable réalisée en 2011. Le concombre sort victorieux de ces différents examens.

Adulé au XIXe et au début du XXe siècle, le concombre est un peu boudé de nos jours par l’industrie cosmétique qui lui trouve un air courge ! Il reste l’ingrédient de choix pour les amateurs de recettes maison qui continuent à exploiter ces rondelles en salade et sur le visage !

Longue vie au concombre dans la salle à manger ou la salle de bains ! En effet, « Si ça fait pas de bien, ça fait pas de mal ! »

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