> 11 janvier 2021
Le collagène est connu de l’inventaire européen comme une protéine animale à effet « conditionneur capillaire, hydratant ».1 Cet actif, très en vogue dans les années 1980, tend, actuellement, à céder le pas à l’acide hyaluronique, l’Actif anti-âge qui mérite bien un grand A, tant il est retrouvé dans un grand nombre de formules.2 Yves Rocher, végétal comme au premier jour, arrive à produire du collagène à partir de la bugle rampante (Ajuga reptens), une Labiée, aux faux-airs de reptile ! Les laboratoires marins, sur qui souffle un vent iodé, misent, quant à eux, sur le collagène marin. La crème « Collagène » Thalgo ne tourne pas autour du pot ! Le collagène (même à faible dose) est la star, qui occupe le premier rôle dans cette formule, qui efface les ridules jour après jour.3 Des rudiments de la chirurgie à la crème anti-âge de nos jours, le collagène réalise un parcours sans faute. Démonstration...
Le collagène a été utilisé, pour la première fois, dans le domaine de la suture moderne, en 1881, par Joseph Lister et William Macewen, qui reprennent ainsi à leur compte l’utilisation antique de matériaux tels que des fragments de peau ou d’intestin, à des fins d’obturation de plaies ou dans le cadre de la chirurgie reconstructive.4 Le « catgut », utilisé alors par Lister, est tout simplement un biomatériau résorbable, riche en collagène, obtenu à partir de l’intestin grêle de mouton.5 A la même période, le dermatologue Unna propose une « colle à la gélatine », formée d’un mélange d’oxyde de zinc, de gélatine pure ou grénétine, la gélatine est un hydrolysat de collagène, de glycérine et d’eau,6 pour traiter aussi bien l’eczéma que les ulcères.7 La préparation pâteuse obtenue est appliquée au niveau de la zone à traiter, avec un pinceau doux et peut être recouverte, avant d’être complètement sèche, par un pansement en coton.8 Les « colles » ou « gélatines » du Professeur Unna auront un certain succès auprès de ses confrères qui n’hésiteront pas à désigner les pansements fabriqués avec sous le nom de « botte de Unna ».9 Cette botte continue d’ailleurs de faire parler d’elle encore de nos jours, avec une utilisation, entre autres, dans la prise en charge des ulcères variqueux.7
Un siècle plus tard, et après la paraffine et les dérivés siliconés, le collagène d’origine bovine fait son entrée dans le domaine de la chirurgie esthétique.10 En injection, ce matériau de comblement repulpe les lèvres sans contestation. L’industrie cosmétique de son côté ne fait pas la sourde oreille. Les extraits tissulaires des années 1960 font place au collagène purifié, dans toute sa splendeur. René Guinot propose ainsi des cures de collagène, présentées sous forme d’ampoules, à l’aspect indéniablement médical. Orlane, avec son « Anagenèse », dit stop au temps qui passe, proposant à ses clientes une « Supradose Collagène ».11 Depuis les années 80, le collagène continue à être apprécié, un peu moins toutefois que son concurrent direct, l’acide hyaluronique. Présent dans les produits de luxe, s’alliant au diamant12 ou dans les produits d’institut, de pharmacie, de grande surface (Pierre Ricaud, Vichy, L’Oréal), le collagène se glisse, aussi bien, dans les émulsions que dans les gels-crèmes.
Collagène est un mot français qui vient du grec « kolla » (la glue) et « gène » (produire) ; le collagène hydrolysé (par ajout de base forte et d’eau chaude) porte le nom de « gélatine ».13
Le collagène est une molécule qui intéresse aussi bien l’archéologue, qui le traque dans les os qu’il retrouve lors de ses fouilles (un calcaneum d’équidé sera ainsi capable de livrer une partie de ses secrets, dans la mesure où il présente un collagène presque aussi frais que celui du poisson sur l’étal du poissonnier !) que le médecin ou le cosmétologue.14
Le collagène est la protéine la plus abondante du corps humain ; bien que désigné par un nom au singulier - Le collagène - cette molécule est, en réalité, plurielle. Il existe, en effet, 28 types de collagènes, pouvant être rattachés à 8 familles différentes. Toutes les molécules de collagène ont une structure commune, caractérisée par trois chaînes polypeptidiques, organisées de manière hélicoïdale ; la glycine (Gly) est l’acide aminé le plus représenté, puisqu’il apparait tous les 3 résidus acides aminés ; la proline (Pro) et l’hydroxyproline (Hyp) représentent, quant à elles, 1/6 de la séquence totale du collagène. Tel un collier de perles, les acides aminés s’associent donc entre eux pour former des motifs (appelés séquences). On retrouvera ainsi les motifs suivants : Gly - Pro - X ou Gly - X - Hyp, X représentant un résidu d’acide aminé quelconque. La triple hélice de collagène possède un diamètre qui varie de 10 à 500 nm ; son poids moléculaire flirte avec les 300 KDa et le nombre d’acides aminés associés - pour qui a le temps de les compter un par un - est de l’ordre de 1400 !15,16
Le collagène peut être obtenu à partir des animaux (poissons, boeuf, porc). La peau des poissons et les arêtes constituent des sous-produits intéressants pour l’industrie cosmétique. Selon la méthode d’extraction (extraction en milieu chimique acide ou extraction enzymatique) et selon les variétés de poissons le rendement est très variable. L’anguille (Evenchelys macrura) semble être la championne toutes catégories avec un rendement de 80 % par méthode chimique, suivie de loin par la méduse (Jellyfish) avec un rendement de 46 % par méthode enzymatique.17 Les éponges constituent également une source de collagène bien connue. Avec Chondrosia reniformis, et en se plaçant dans les meilleures conditions d’extraction on obtient un rendement de 35 %.18 Un collagène de synthèse peut également être obtenu. Dans ce cas, on parle de collagène KOD, une protéine proche du collagène, étudiée pour ses propriétés hémostatiques. Celui-ci est obtenu à partir de cultures cellulaires (cellules végétales, cellules de mammifères, d’insectes, levures).15
Le collagène joue un rôle structurel, permettant d’assurer la stabilité et la bonne tenue des tissus conjonctifs. Tendons, ligaments, peau, dents et de nombreuses autres structures en renfermant doivent leur résistance à la traction à cette molécule qui plie, mais ne rompt pas (on dit qu’elle est visco-élastique).15 Le collagène est le composant majoritaire de la matrice extra-cellulaire du derme, représentant 75 % du poids sec de la peau. C’est le collagène de type I qui est majoritaire (80 à 90 % du collagène total), vient ensuite le collagène de type III (8 à 12 %), puis le collagène de type V (moins de 5 %).19
Le collagène joue un rôle important dans les mécanismes de cicatrisation ; une variété de leucocytes, les fibrocytes (des cellules découvertes dans les années 1990), sont capables de produire du collagène, lors du processus de cicatrisation normale, mais également dans le cas de pathologies fibrosantes.20
Lors du vieillissement chronologique et du photo-vieillissement, la quantité de collagène présente au niveau des tissus diminue ; les métalloprotéinases matricielles présentes au niveau du tissu conjonctif exercent un effet délétère, en hydrolysant collagène et élastine. Certains actifs cosmétiques tels que le rétinol constituent des anti-âge reconnus, du fait de leur effet inhibiteur de ces métalloprotéinases.21 D’autres actifs tels les extraits titrés de Centella asiatica entraînent une prolifération des fibroblastes et une augmentation de la synthèse du collagène de type I et III et d’élastine.22,23 Même chose pour la spiruline.24 Même chose également pour des petits peptides, les matricines (tripeptide, tétrapeptide, pentapeptide et dérivé de pentapeptide (Matrixyl)).25,26
Par voie topique, le collagène exerce une action de surface (effet hydratant ou plutôt anti-déshydratant). Son excellente capacité à se lier à l'eau permet de maintenir un bon niveau d’hydratation cutanée. Cet humectant naturel possède des propriétés filmogènes, permettant de réduire la perte d’eau trans-épidermique.27
Les hydrolysats, obtenus par fragmentation de la molécule native, possédant, par voie de conséquence, des poids moléculaires plus faibles que la molécule d’origine, un phénomène de passage transdermique est envisageable.28
Ingrédient sûr pour un usage topique, sans contestation. Ingrédient associé - techniques de comblement chirurgical obligent - à un rajeunissement efficace de la peau. Humectant à l’activité très louable et franchement nécessaire dans le processus de lutte contre les effets de l’âge. Rien à redire contre cet ingrédient qui, tout comme l’acide hyaluronique, et du fait de ses propriétés gélifiantes remarquables, ne s’insinue dans les cosmétiques qu’à faible dose. Dans la botte de Unna ou dans la hotte du père Noël, le collagène a bien raison de s’inviter dans les routines thérapeutiques et cosmétiques.
1 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=75462
2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/acide-hyaluronique-du-coq-du-moins-sa-crete-a-l-ane-celui-qui-lui-trouve-des-defauts-1656/
3 https://www.thalgo.fr/visage/eveil-a-la-mer/vt16006-creme-collagene/
4 Meyer M., Processing of collagen based biomaterials and the resulting materials properties. Biomed Eng Online. 2019, 18, 18, 1, 24
5 Chattopadhyay S, Raines RT.Biopolymers., Review collagen-based biomaterials for wound healing., 2014, 101, 8, 821-33
6 Cerbelaud R. Formulaire des principales spécialités de parfumerie et de pharmacie, Paris, 1912, 1177
7 Gao AL, Cole JG, Stoecker WV., Unna boot central gauze technique for chronic venous leg ulcers., Dermatol Online J., 2017, 15, 23, 1, 13030/qt3hq040t9
8 Anonyme, Professor Unna's Gelatines., (Lond 1886), 1894, 10, 15, 385, 334
9 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/nivea-baby-sans-soucis-188/
10 Kontis TC, Rivkin A., The history of injectable facial fillers., Facial Plast Surg., 2009, 25, 2, 67-72
13 Saddler JM, Horsey PJ., The new generation gelatins. A review of their history, manufacture and properties., Anaesthesia., 1987, 42, 9, 998-1004
14 Wyckoff RW, Wagner E, Matter P 3rd, Doberenz AR. Collagen in fossil bone. Proc Natl Acad Sci U S A., 1963, 50, 2, 215-8
15 Vollmer DL, West VA, Lephart ED., Enhancing Skin Health: By Oral Administration of Natural Compounds and Minerals with Implications to the Dermal Microbiome., Int J Mol Sci., 2018, 7, 19, 10, 3059
16 León-López A, Morales-Peñaloza A, Martínez-Juárez VM, Vargas-Torres A, Zeugolis DI, Aguirre-Álvarez G.Molecules., Hydrolyzed Collagen-Sources and Applications., 2019, 7, 24, 22, 4031
17 Venkatesan J, Anil S, Kim SK, Shim MS., Marine Fish Proteins and Peptides for Cosmeceuticals: A Review., Mar Drugs., 2017, 18, 15, 5, 143
18 Pozzolini M, Scarfì S, Gallus L, Castellano M, Vicini S, Cortese K, Gagliani MC, Bertolino M, Costa G, Giovine M., Production, Characterization and Biocompatibility Evaluation of Collagen Membranes Derived from Marine Sponge Chondrosia reniformis Nardo, 1847., Mar Drugs., 2018, 29, 16, 4, 111
19 Shin JW, Kwon SH, Choi JY, Na JI, Huh CH, Choi HR, Park KC., Molecular Mechanisms of Dermal Aging and Antiaging Approaches., Int J Mol Sci., 2019, 29, 20, 9, 2126
20 Bucala R.Mol Med., Fibrocytes at 20 Years., 2015, 27, 21, 1 (Suppl 1), S3-5
21 Zasada M, Budzisz E., Retinoids: active molecules influencing skin structure formation in cosmetic and dermatological treatments., Postepy Dermatol Alergol., 2019, 36, 4, 392-397
22 Bylka W, Znajdek-Awiœ¼eœ„ P, Studziœ„ska-Sroka E, Brzeziœ„ska M. Centella asiatica in cosmetology., Postepy Dermatol Alergol., 2013, 30, 1, 46-9
23 Lupu MA, Gradisteanu Pircalabioru G, Chifiriuc MC, Albulescu R, Tanase C., Beneficial effects of food supplements based on hydrolyzed collagen for skin care (Review)., Exp Ther Med., 2020, 20, 1, 12-17
24 Gunes S, Tamburaci S, Dalay MC, Deliloglu Gurhan I., In vitro evaluation of Spirulina platensis extract incorporated skin cream with its wound healing and antioxidant activities., Pharm Biol., 2017, 55, 1, 1824-1832
25 Aldag C, Nogueira Teixeira D, Leventhal PS., Skin rejuvenation using cosmetic products containing growth factors, cytokines, and matrikines: a review of the literature., Clin Cosmet Investig Dermatol., 2016, 9, 9, 411-419
26 Jeong S, Yoon S, Kim S, Jung J, Kor M, Shin K, Lim C, Han HS, Lee H, Park KY, Kim J, Chung HJ, Kim HJ., Anti-Wrinkle Benefits of Peptides Complex Stimulating Skin Basement Membrane Proteins Expression., Int J Mol Sci., 2019, 20, 21, 1, 73
27 Sionkowska A, Adamiak K, Musiaœ‚ K, Gadomska M.Materials (Basel). Collagen Based Materials in Cosmetic Applications: A Review., 2020, 23, 13, 19, 4217
28 Aguirre-Cruz G, León-López A, Cruz-Gómez V, Jiménez-Alvarado R, Aguirre-Álvarez G., Collagen Hydrolysates for Skin Protection: Oral Administration and Topical Formulation., Antioxidants (Basel)., 2020, 22, 9, 2, 181
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