> 23 octobre 2019
Le climbazole est une substance antifongique présenté dans certaines publications comme un ingrédient extrêmement présent dans les cosmétiques, mais également comme un polluant, retrouvé dans les eaux usées.1 Des équipes chinoises le voient comme un conservateur utilisé aussi bien dans les gels douche, que dans les pâtes dentifrices, les conditionneurs capillaires ou les shampooings antipelliculaires.2 Pour notre part sur les 2000 formules étudiées au fil des Regards, nous n’avons retrouvé le climbazole que dans une crème à destination du sujet atteint de dermite séborrhéique, ce qui met à mal la théorie de l’omniprésence de cet ingrédient.3 Quelques mois après une modification de la législation le concernant, il est temps de faire le point sur cet ingrédient qui jouera selon le cas le rôle d’actif ou de conservateur antimicrobien.
L’activité antifongique des molécules azolées (en particulier le benzimidazole) est un fait connu depuis 1944. Entre la découverte de cette action et la commercialisation du premier principe actif azolé antifongique, le chlormidazole, il a tout de même fallu attendre 14 ans. Dans les années 1960, de nouvelles molécules sont synthétisées, le clotrimazole par Bayer, en Allemagne, ainsi que le miconazole et l’éconazole, par Janssen, en Belgique.4 Le mécanisme d’action de cette famille d’antifongiques est bien connu. Ces molécules interfèrent avec la synthèse de l'ergostérol constitutif des membranes plasmiques des champignons, en inhibant une enzyme de la famille des cytochromes P450 (CYP450), la lanostérol-14-alpha-déméthylase. La diminution de la teneur en ergostérol au niveau de la membrane fongique conduit à une fuite du contenu cellulaire, induisant une inhibition de la croissance fongique et de la réplication.
Lorsque l’on souhaite réaliser un shampooing antipelliculaire dont la base lavante est composée de lauryléthersulfate de sodium et de laurylglucoside, on constate que l’ajout de climbazole dans la solution provoque une augmentation de la viscosité et ce jusqu’à un pourcentage d’incorporation de climbazole de 1 % (m/m). A partir de cette dose, on observe une diminution de la viscosité.6 Entre le sel utilisé comme agent épaississant en présence de tensioactif anionique et le climbazole, il faudra donc faire différents tests pour obtenir la viscosité optimale. Afin de vérifier l’efficacité des shampooings antipelliculaires, il est possible de réaliser un test sur des mèches composées de 200 cheveux. Les mèches sont plongées dans un shampooing traitant durant 5 minutes. Elles sont ensuite rincées, pendant une minute, à l’eau courante, puis séchées. Placées dans un milieu de culture favorable au développement des champignons dans lequel on a inoculé différentes espèces du genre Malassezia, il ne reste plus qu’à suivre de près le développement ou non des levures en question. Dans ces conditions, un shampooing renfermant 1 % de climbazole s’avère efficace, ce qui traduit l’affinité de cet actif pour la fibre capillaire.7 Le climbazole peut également être associé à la piroctone olamine.8 Si l’on compare, in vitro, les CMI (concentration minimale inhibitrice) vis-à-vis de Malassezia furfur, on se rend compte que le climbazole (CMI comprises entre 0,03 et 2 microgrammes/mL) est plus efficace que la pyrithione-zinc (CMI comprises entre 0,12 et 8 microgrammes/mL) et la piroctone olamine (CMI comprises entre 16 et 64 microgrammes/mL).9
Si certains ingrédients cosmétiques qui conviennent à l’Homme ne conviennent pas à l’animal,10 il n’en est rien du climbazole qui permet de traiter des cas d’infestations par Malassezia.11 Sous forme de shampooing ou de lingettes,12 le climbazole fait le bonheur des canidés !
Le rétinol et ses esters, ainsi que le rétinaldéhyde sont des actifs susceptibles d’être transformés de manière enzymatique en acide trans-rétinoïque, au niveau cutané. Cette forme active de la vitamine A est ensuite dégradée sous l’action d’enzymes de la famille des cytochromes P450. En bloquant le catabolisme de l’acide rétinoïque, certains ingrédients à effet inhibiteur du cytochrome P450 sont considérés comme des boosters d’acide rétinoïque. C’est le cas, par exemple, du kétoconazole, mais également du climbazole. Une association de propionate de rétinyle (0,37 %) et de climbazole (0,50 %) a ainsi pu être testée et semble plus efficace en matière d’effet antirides et mieux tolérée qu’une préparation ne renfermant que du rétinol (0,10 %).13,14 Pour observer cet effet il faudra, toutefois, que l’excipient soit en faveur de la pénétration transdermique.
De nombreuses études ont été réalisées et témoignent de la sécurité d’emploi du climbazole.15 Son poids moléculaire (293 g/mol), son log P (3,76) et son point de fusion compris entre 95 et 97°C16 sont autant d’éléments qui traduisent le fait qu’un phénomène de passage transdermique est envisageable. Dans le cas de la prise en charge des états pelliculaires, le climbazole est un actif qui doit agir au niveau de la couche cornée, site où sont localisés les champignons. Lorsque l’on réalise des tests de passage transcutané, on constate que la quantité de climbazole capable de traverser la peau est très faible et ce quelle que soit la quantité de solution à 1 % (m/v) appliquée (dose finie de 10 microlitres/cm2 ou dose infinie de 250 microlitres/cm2). On est proche de la limite de détection, avec respectivement 0,05 % et 0,09 %, selon que l’excipient est le propylène glycol ou l’octylsalicylate (dans le cas de l’essai à dose infinie). Ce faible taux de pénétration est sans doute à mettre en lien avec une grande capacité à se fixer au niveau de la kératine.17 C’est évidemment une bonne chose dans le cas de la prise en charge des états pelliculaires.
Le Règlement UE N°2019/698 du 30 avril 2019 fait entrer le climbazole dans l’Annexe III (dose limite d’emploi de 2 % dans les shampooings antipelliculaires – précision est faite que ce shampooing doit être rincé !). On note la modification qui touche l’Annexe V. La dose limite d’emploi est à adapter en fonction du cosmétique réalisé (soit 0,2 % dans les lotions capillaires, 0,2 % pour les crèmes pour le visage, 0,2 % dans les produits de soin pour les pieds, 0,5 % dans les shampooings à rincer). En ce qui concerne les shampooings (à rincer, on n’insistera jamais assez sur ce point !), la dose limite d’emploi dépend donc de l’allégation qui est faite. Utilisé comme conservateur, il est limité à 0,5 % ; en tant qu’actif antipelliculaire, il est limité à 2 %. Cette réduction de dose maximale d’emploi du climbazole en tant que conservateur (la dose fixée précédemment était de 0,5 %) fait suite à des études toxicologiques montrant que les taux d’exposition sont trop élevés lorsque l’on utilise conjointement trois cosmétiques (par exemple un produit pour les pieds, une lotion capillaire et une crème visage) renfermant ce conservateur. Afin de se placer dans les conditions les plus défavorables (on imagine le consommateur qui, par malchance, utilise pour les cheveux, le visage et les pieds des cosmétiques renfermant du climbazole), des précautions ont été prises.18,19 Si en Europe, des cas de surexpositions sont envisageables, il nous semble assez improbable que cette situation se produise en France tant cet ingrédient est discret.
1 Cai WW, Peng T, Zhang JN, Hu LX, Yang B, Yang YY, Chen J, Ying GG, Degradation of climbazole by UV/chlorine process: Kinetics, transformation pathway and toxicity evaluation, Chemosphere., 2019, 219, Pages 243-249
2 Pan CG, Peng FJ, Ying GG, Removal, biotransformation and toxicity variations of climbazole by freshwater algae Scenedesmus obliquus, Environ Pollut., 2018, 240, Pages 534-540
4 J.A. MaertensHistory of the development of azole derivatives, Clin. Microbiol. Infect., 10, Suppl. 1, 2004, Pages 1-10
5 Pérez-Rivera AA, Hu T, Aardema MJ, Nash JF, Evaluation of the genotoxicity of the imidazole antifungal climbazole: comparison to published results for other azole compounds, Mutat Res., 2009, 672, 1, Pages 27-39
6 Abu-Jdayil B, Mohameed HA, Rheology of Dead Sea shampoo containing the antidandruff climbazole, Int J Cosmet Sci., 2004, 26, 6, Pages 281-289
7 Mayser P, Argembeaux H, Rippke F, The hair strand test - a new method for testing antifungal effects of antidandruff preparations, J Cosmet Sci., 2003, 54, 3, Pages 263-70
8 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-piroctone-olamine-un-actif-tricophile-1196/
9 Schmidt A, Rühl-Hörster B, In vitro susceptibility of Malassezia furfur, Arzneimittelforschung., 1996, 46, 4, Pages 442-444
11 Cavana P, Petit JY, Perrot S, Guechi R, Marignac G, Reynaud K, Guillot J, Efficacy of a 2% climbazole shampoo for reducing Malassezia population sizes on the skin of naturally infected dogs, J Mycol Med., 2015, 25, 4, Pages 268-273
12 Cavana P, Peano A, Petit JY, Tizzani P, Perrot S, Bensignor E, Guillot J, A pilot study of the efficacy of wipes containing chlorhexidine 0.3%, climbazole 0.5% and Tris-EDTA to reduce Malassezia pachydermatis populations on canine skin, Vet Dermatol., 2015, 26, 4, 278-e61
13 Hawkins S, Adamus J, Chiang CY, Covell E, O'Leary J, Lee JM, Retinyl propionate and climbazole combination demonstrates clinical improvement to the appearance of hyperpigmentation and deep wrinkling with minimal irritation, Int J Cosmet Sci., 2017, 39, 6, Pages 589-599
14 Adamus J, Feng L, Hawkins S, Kalleberg K, Lee JM, Climbazole boosts activity of retinoids in skin, Int J Cosmet Sci., 2017, 39, 4, Pages 411-418
15 Pérez-Rivera AA, Hu T, Aardema MJ, Nash JF, Evaluation of the genotoxicity of the imidazole antifungal climbazole: comparison to published results for other azole compounds, Mutat Res., 2009, 672, 1, Pages 27-39
16 Médicaments Pharmacie – Biologie, Formes galéniques destinées à la voie cutanée, Le moniteur, 2013, 952 pages
17 Paz-Alvarez M, Pudney PDA, Hadgraft J, Lane ME, Topical delivery of climbazole to mammalian skin, Int J Pharm., 2018, 5, 549, 1-2, Pages 317-324
18 https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_o_220.pdf
19 https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_o_212.pdf
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