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La vie de Caroline de 1794 à 1800

> 07 mai 2022

La vie de Caroline de 1794 à 1800

Nous avions quitté Caroline embarquant sur un voilier, La Pomone, en partance pour l’Amérique, fuyant ainsi la folie des hommes, dans l’épouvante de la Terreur révolutionnaire !1

Nous la retrouvons, en pleine mer, vêtue en homme (il valait mieux !) allongée sur sa couchette – la couchette du haut, « celle du bas avait échu à Thomas, le cuisinier, gros homme dont le poil et les cheveux étaient blancs, bien qu’il affirmât n’avoir que trente-huit ans ».2 Tout « rictus exhibait sur l’écrin chassieux de ses lèvres les chicots jaunis de sa dentition » ; avec celui-ci, on peut avoir une certitude… Caroline n’en tombera point amoureuse ! Il n’en est pas de même du capitaine… que voulez-vous on ne se refait pas et « Caroline ne pouvait s’empêcher d’admirer sa stature athlétique, ses mains puissantes, gonflées par les muscles et le réseau bombé des veines, et autour desquelles s’enroulaient des tatouages étranges. Le visage maigre et brun était tendu par une expression dure et brutale, les yeux délavés, presque sans couleur, profonds et d’une énergie tempérée par un fugitif nuage de tristesse. »

Avec Caroline, les ennuis ne sont jamais loin… Elle va bientôt se retrouver seule sur La Pomone, suite à une attaque par une corvette anglaise ! Heureusement pour elle, son frère Henri n’est jamais loin non plus… Grâce à l’un des amis de ce dernier, Sir John Clayton, elle peut enfin regagner Londres !

Le couple Clayton, un couple typiquement anglais

John Clayton « était un grand garçon d’une blondeur drue et cuivrée, maigre, la peau rose et tendre comme celle d’une lady. » En ce qui concerne sa femme, « rousse, la peau très blanche, les yeux verts, potelée, un peu trop petite et un peu trop ronde, elle était cependant plaisante ».

Où l’on retrouve Inès Mirandas… et surtout son père !

Mirandas est alors « un gaillard musclé et bronzé, d’une quarantaine d’années, de type méditerranéen, les sourcils très fournis, l’œil sombre, beau d’ailleurs »… Il porte parfois « une énorme fausse barbe rousse » et se fait appeler « général »…

Le retour en France et de nouvelles rencontres… et aventures

Le retour en France n’est pas de tout repos pour Caroline qui se retrouve plus ou moins embrigadée par les Chouans, ce qui va la conduire à être « présentée à toutes ces femmes de la noblesse bretonne ». A Louise de Pont-Bellanger, par exemple. « C’était une jeune femme très mince, presque maigre, au visage fin, hâlé, spirituel et moqueur, éclairé par deux yeux marrons, admirables d’éclat et d’expression, que de longs cils enchâssaient comme un écrin. ». Mme de Guernissac, quant à elle, « était une jeune femme médiocrement jolie mais fraîche et pétulante d’esprit ».

De la noblesse bretonne… ou d’ailleurs… Mlle Isabelle « n’était pas précisément belle, mais son corps était joliment proportionné, son teint clair, rehaussé par une chevelure très noire qu’elle ne cherchait pas, comme l’usage le voulait, à blondir par des artifices ou des perruques, et son visage irrégulier mais mobile et sensuel, éclairé par des yeux intelligents et chaleureux, exerçaient sur les hommes un attrait dont elle n’ignorait d’ailleurs pas le pouvoir ». En bonne (!) royaliste, elle se fait un devoir d’offrir ce corps à tout agent de sa cause !

Toujours de quoi faire un brin de toilette… quand même !

Dans les pires situations et même dans la Bretagne profonde, Caroline a la chance que soit mis à sa disposition « un cabinet de toilette très parisien » où elle a tout le loisir de « se délasser des fatigues du voyage en rafraîchissant son corps à l’eau de Cologne et à la liqueur de rose ». On s’affaire autour d’elle pour « l’aider à se repeigner ».

Et toujours des accessoires de prix et des cosmétiques à portée de main

« Une brosse en argent », « sa perruque », sa « boîte de poudre », la poudre pour poudrer la perruque, le parfum pour se parfumer…

Une rencontre « intéressante » étant toujours possible…

Et des rencontres, il y en aura… « Le chevalier de Tinteniac était grand, bien découplé, légèrement grisonnant quoique jeune, le regard vif, la parole facile, la mine assurée ». Il y a aussi Pont-Bellanger « joli, bien fait, point trop intelligent ni trop sot. »

Des rencontres… moins intéressantes

A la prison de Saint-Brieuc, ni le lieu, ni les « hôtes » ne prêtent à la fête… Le chevalier « Hervé du Lorin était un tout jeune homme de dix-neuf ans, mal rasé, mal coiffé ». Peyrodes, avec « son visage boursouflé et coloré » n’attirait pas particulièrement la sympathie non plus. Dans le dortoir, régnait une « odeur infecte ». Caroline « passait son temps à se gratter. Non seulement les poux pullulaient sur elle, mais encore […] des essaims de cloques étaient apparus sur tout son corps, ravageant ses mains, ses cuisses qu’elle mettait en sang à force de se gratter. » « C’est la gale, avait dit Peyrodes ».

Et Gaston, l’amant de cœur, dans tout cela ?

Entre temps, il a épousé Charlotte, l'amie d'enfance de Caroline.1 « La guerre l’avait un peu vieilli, accentuant l’énergie de sa mâchoire, cisaillant de très légères rides les commissures des lèvres, assombrissant son regard, le faisant plus viril et plus grave qu’autrefois. » Il a conservé « cette pommette haute, ce menton carré, ce teint brun ».

Et Georges, le mari, dans tout cela ?

Lui aussi a vieilli… Il est « coiffé très court à la Titus ». Son « visage [est] maigre et pâle ».

Un maître d’hôtel peu séduisant

Il était « grand, maigre, osseux, jaune »… au moins, avec lui, on est sûr que Caroline

Et une soif d’eau… mais une soif d’eau !

« Toujours aux prises avec la fièvre, [Caroline] se dépensait en imaginaires discussions avec d’imaginaires interlocuteurs qui lui proposaient, l’un de la fleur d’oranger, l’autre du sirop de Florence, un troisième de l’eau de mélisse, et auxquels elle essayait de faire comprendre, […] qu’elle voulait de l’eau, de l’eau pure et rien d’autre. » On comprend Caroline… L’eau de mélisse, obtenue après plusieurs infusions de sommités fleuries de mélisse dans l’« esprit-de-vin rectifié »,3 n’a jamais eu pour bénéfice de traiter la fièvre, ni d’assouvir la soif… quant au sirop de Florence, nul n’en connait la composition…

Au bagne de Cayenne, une autre histoire

Caroline a fait le choix, en bonne épouse (pour une fois !), d’accompagner son mari, déporté à Cayenne, pour raison politique.

Dans la maison qu’elle occupe, elle découvre toute une petite faune… pas très sympathique. « Sur le palier, elle retrouva l’odeur de Saya », « la servante-chef », qui venait de descendre, ce relent de sueur fade que les Nègres associent à celle du musc ». Elle venait d’écraser un serpent…

Rien ici pour rappeler le luxe auquel la jeune femme était habituée. Le gouverneur, M. de Ribet, avait le teint gris, « sa perruque [était] poussiéreuse, son costume d’apparat très râpé. »

Le climat ne va pas épargner longtemps ce pauvre Georges. « Ses traits étaient creusés, ses lèvres livides, ses cheveux ternes ; ses pommettes étaient empourprées par la fièvre. Deux de ses dents étaient tombées et ses yeux luisaient, mouillés, entre des paupières sanglantes. » Bref… il ne va pas bien… du tout !

Caroline organisera une évasion. A travers la forêt inhospitalière, pas facile… d’autant plus que ceux que vous avez payés pour vous guider vous abandonnent lâchement ! Dans un village, Caroline et Georges sont accueillis par les autochtones, dont l’un, le chef apparemment est « d’un teint jaune foncé tirant sur le brun olivâtre, vêtu d’un pagne sans couleur, le buste large, les membres maigres, l’œil et le cheveu très noirs, les pommettes saillantes. » Des pirogues leur seront fournies pour poursuivre leur fuite.

« Caroline, le visage abrité par un immense chapeau rond qu’elle s’était elle-même confectionné, à la façon des petites filles, pour préserver son teint, avec des feuilles […] se passait sur le cou et les épaules une des pommades qu’elle avait emportées de Cayenne et qui luttaient, elles aussi, contre les effets du soleil ». A défaut de connaître les effets carcinogènes des ultraviolets, on n’avait pas envie, à l’époque, quand on était une aristocrate que sa peau ne restât pas la plus blanche possible. Caroline espérait bien revoir Paris le plus vite possible et alors, qu’aurait dit Gaston « s’il la voyait reparaître halée comme une sauvageonne » ? On peut douter de l’efficacité des fameuses pommades, car au bout de quelques jours, « brûlées par le soleil, ses épaules étaient si douloureuses que, même lorsqu’elle se fut forcée à s’étendre, elle demeura appuyée sur le coude, la nuque oppressée, les tempes battantes, des sifflements et des bourdonnements plein les oreilles. »

Le pauvre Georges ne survivra pas à de telles conditions de voyage et nous retrouvons Caroline « halée, blonde, nue, accroupie sous [un] appentis et broyant des graines dans un mortier », sous la protection d’un « bon Nègre qui l’avait trouvée et qui ne vivait plus que pour elle ». Elle sera sauvée par un navire qui passait bien opportunément par là et retrouvera son pays.

Et puis une rencontre avec Fouché

Peu engageant le ministre… « Son visage était si blême que le rougeoiement du feu n’arrivait pas à le colorer, ses yeux pâles semblaient être noyés dans de l’eau, ses sourcils étaient décolorés comme ceux d’un albinos. Deux rides rendaient plus longues encore sa face qu’aucun sentiment ne semblait animer. »

Et même avec Bonaparte

Lui non plus, pas très flatteur le portrait : « maigre, ses cheveux en oreilles de chien retombant sur son collet »… qui ne pense qu’à prendre un bain !

Et une question qui reste en suspens

Caroline retrouvera-t-elle enfin Gaston ?

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son évocation en image de cette chère Caroline !

Bibliographie

1 Trop belle, trop d’hommes, trop de tout ! | Regard sur les cosmétiques (regard-sur-les-cosmetiques.fr)

2 Laurent J. Caroline chérie (1794-1800). L’Archipel ed., 2013, 597 p.

3 Bouvet M. Contribution à l'histoire de l'eau de mélisse des Carmes. Revue d'Histoire de la Pharmacie, 1926, 52, 1-2

 

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