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La réalité, une notion aussi fragile qu’une bulle de savon !

> 12 février 2022

La réalité, une notion aussi fragile qu’une bulle de savon !

Imaginez un charmant lieu de villégiature (Semmering), situé dans une région montagneuse non moins charmante où « le parfum de la neige » apporte « la fraîcheur  du haut des montagnes ». Peu de vacanciers en cette saison.1 Un jeune baron est venu se perdre dans ce lieu peu fréquenté. Une mère et son fils viennent chercher, au creux de ces montagnes, le bon air nécessaire à la santé de l’enfant fragile. Le jeune baron qui s’ennuie et a décidé, à peine arrivé, de se mettre en chasse d’une belle femme pour occuper le vide de ses journées, se lie tactiquement avec le jeune enfant qui l’accompagne, afin d’atteindre plus facilement le cœur de la mère. Jalousie, amour, passion, émotions diverses... tous les ingrédients ont été réunis avec soin par Stefan Zweig pour faire bouillir la marmite des sentiments.

Comme un play boy bronzé

Le jeune baron venu se perdre dans ce lieu isolé est « jeune ». Son visage est « légèrement bronzé ». Un séducteur !

Comme une mère aux cheveux abondants

A l’hôtel, une jeune femme à la beauté épanouie (comprendre par là un peu grasse) et à la luxuriante chevelure attire l’œil de notre expert.

Comme un enfant malade

Edgar est un enfant de 12 ans, à la santé fragile, envoyé dans cette région montagneuse pour refaire ses forces. L’héliothérapie,2 voilà alors ce qui est préconisé pour les enfants souffrant de pathologies variées. « Oui, le soleil est une bonne chose ; il te brunira vite. » Tentant de s’interposer entre sa mère et celui qui s’est présenté d’abord comme son ami avant de le laisser tomber, Edgar doit faire face à l’hostilité maternelle. Edgar gêne ! « Comme tu es mal peigné ! Que tu es sale ! »

Comme un bâton de rouge à lèvres

Le baron n’est pas le seul à avoir remarqué la jeune femme. Celle-ci est vite conquise et cherche à écarter son fils, afin de vivre une aventure sans lendemain. Une petite touche de rouge à lèvres, avant de descendre au restaurant de l’hôtel et Edgar ne reconnaît plus sa mère. « Maman a aujourd’hui les lèvres toutes rouges, elle doit se les être rougies, jamais je ne l’avais vue ainsi. »

Comme des bulles de savon

On ment à Edgar. Sa chère mère lui ment. Son ami, le jeune baron oisif, lui ment. Pour la première fois de sa vie, il se retrouve confronté à la duplicité des êtres qui l’entourent. « La vie devenait pour lui incompréhensible, maintenant qu’il voyait que les paroles derrière lesquelles il avait supposé qu’étaient la réalité n’avaient pas plus de valeur que des bulles de savon qui éclatent au moindre souffle. » Trahi dans son amitié, trahi dans son affection, Edgar pleure... mais reste digne. «  [...] il alla dans sa chambre, se lava soigneusement le visage et les yeux [...] ».

Brûlant secret, en bref

Une mère qui se maquille, pour séduire un inconnu. Un inconnu qui se promène au clair de lune avec une mère qui a enfermé son enfant à double tour dans sa chambre. Une vérité aussi fragile qu’une bulle de savon ! L’amour maternel, en revanche, est une réalité indéfectible qui triomphera des obstacles.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette illustration de Stefan Zweig !

Bibliographie

1 Zweig S., Brûlant secret, Les cahiers rouges, Grasset, 1989, 301 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/sous-le-soleil-exactement-l-heliotherapie-209/

 

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