> 04 octobre 2018
L’origine étymologique du mot propolis démontre à quel point cette sécrétion constitue la première ligne de défense de la petite cité que constitue la ruche. En grec ancien, « pro » signifie, en effet, « devant » (avec l’idée d’un lieu) et « polis » désigne la « ville ». Propolos est celui qui marche devant, le serviteur, la servante, le ministre d’un dieu. Propomia est la boisson constituée de vin et de miel (selon le Dictionnaire Bailly).
La propolis, substance de nature cireuse, est fabriquée par les abeilles, à partir de différents constituants collectés sur les bourgeons des arbres (bouleau, peuplier, pin, aulne, saule, palmier…) et sur les végétaux.1 Elle leur sert de ciment, pour garder l'humidité et la température stables dans la ruche tout au long de l'année ; ce ciment permet de combler les fissures qui fragilisent l’édifice. Lorsque la température ambiante est élevée, la propolis est souple et très collante. Lorsque le climat devient plus froid, et en particulier lorsque les températures deviennent négatives, la consistance de la propolis évolue ; elle devient dure et cassante. La propolis permet également d’embaumer les insectes envahisseurs et tout autre individu nuisible qui se risquent un peu trop loin dans la ruche.2
Dans la Grèce antique, la propolis était utilisée comme désinfectant et antiseptique, afin de traiter les infections cutanées et buccales. Les Incas lui reconnaissaient des propriétés anti-pyrétiques.3 Les Egyptiens, quant à eux, y avaient recours pour embaumer les cadavres, prenant ainsi modèles sur les abeilles industrieuses.
La composition de la propolis est complexe et susceptible de varier en fonction des zones géographiques considérées. On a pu identifier plus de 300 molécules. La propolis brute renferme environ 50 % de résines, 30 % de cires, 10 % d’huiles essentielles, 5 % de pollens et 5 % de substances diverses.
Les flavonoïdes présents sont responsables d’un certain nombre d’activités pharmacologiques qui lui sont reconnues. On peut citer des flavones (lutéoline), des flavonols (quercétine et dérivés), des flavanones (pinocembrine, naringénine), des flavanonols (garbanzol et alnustinol), des chalcones et dihydrochalcones, des isoflavones (calycosine), des isodihydroflavones (daidzéine), des flavanes, des isoflavanes (vestitol et dérivés) et des néoflavonoides (homopterocarpine et médicarpine).
Les terpénoïdes sont responsables de l’odeur particulière de la propolis, mais également de certaines de ses propriétés pharmacologiques. Sont représentés des monoterpènes (terpinéol, camphre), des diterpènes (ferruginol, acide junicédrique et dérivés, acide pimarique), des triterpènes (lupéol et dérivés, lanostérol) et des sesquiterpènes (γ-élémène, valencène, α-ylangène, α-bisabolol).
Les activités de la propolis se déploient selon 4 axes : effet antioxydant, effet anti-infectieux, modulation de la réponse immunitaire et propriétés antiprolifératives…4
Ajoutons à cela un effet photo-protecteur remarquable selon certains auteurs (notion que nous contestons pour avoir testé nous-même cette matière première, il y a quelques années). Une équipe italienne (qui regardait certainement ses résultats au travers de loupes grossissantes) montrait en 2011 qu’il fallait moins de 8 % de propolis pour obtenir un SPF de 20 !5 Pour notre part, nous avions publié en 2008 un papier mettant en évidence les propriétés photo-protectrices de la propolis – nos résultats étaient alors beaucoup moins optimistes avec un SPF de seulement 4 pour un pourcentage d’emploi de 10 %. Cette activité photo-protectrice est à mettre sur le compte des nombreuses molécules possédant un cycle aromatique contenues dans la propolis. Les esters de l’acide cinnamique y sont en particulier bien représentés.6 Peut-on rêver d’un produit solaire à base de propolis ? Sûrement pas et ce pour plusieurs raisons. Pour une question de coût, on ne pourra en incorporer que de faibles quantités, or on sait qu’il faut un pourcentage élevé de cet ingrédient pour atteindre un niveau de protection très faible. La propolis est un ingrédient naturel dont la composition varie fortement en fonction des lots ; cette variation est incompatible avec la réalisation d’un produit de protection solaire. La propolis est connue pour ses propriétés allergisantes, ce qui ne la rend pas préférable aux filtres de synthèse actuellement utilisés. Enfin, l’un de ses meilleurs solvants est l’alcool, un ingrédient que l’on n’aime pas retrouver dans les produits cosmétiques, en général et dans les produits de protection solaire, en particulier. A titre d’illustration, nous citerons l’Extrait de la ruche Propolis bio proposé par Aromazone, un extrait fortement alcoolisé.7
Il ne reste plus qu’à dire un mot sur les T-shirts fonctionnalisés tels que les ont pensés, il y a quelques années, une équipe égyptienne… Un T-shirt intelligent à base de propolis qui résiste au lavage et qui aseptise et cicatrise les plaies… on croit rêver !8
A lire les publications la concernant on est étonné de constater que la maladie existe toujours sur notre bonne vieille terre. Rien ne semble lui résister… en laboratoire, précisons-le !
Actuellement, la propolis est très peu utilisée par l’industrie cosmétique. Les sociétés qui commercialisent des ingrédients permettant de réaliser des recettes-maison y ont recours… L’alcool est le meilleur compagnon de cet ingrédient. On citera au passage le bain de bouche à la menthe poivrée et propolis purifiants dont la recette simplissime (c’est une recette qui arbore un fouet et est donc réalisable par les débutants) comporte 98,8 % d’alcool, 0,5 % d’huile essentielle de menthe poivrée, 0,20 % d’huile essentielle de girofle et 0,5 % de propolis.9
Malgré tout le capital sympathie véhiculé par cette matière première issue de la ruche, nous préférons la laisser préserver la qualité de vie de nos amies les abeilles, plutôt que de la retrouver dans nos produits cosmétiques !
1 S.M. Osés, A. Pascual-Maté, M.A. Fernández-Muiño, T.M. López-Díaz, M.T. Sancho. Bioactive properties of honey with propolis. Food Chemistry, 196, 2016, 1215-1223.
2 S. Castaldo, F. Capasso. Propolis, an old remedy used in modern medicine, Fitoterapia, 73, Supplement 1, 2002, s1-s6.
3 J.M. Sforcin, V. Bankova. Propolis: Is there a potential for the development of new drugs? Journal of Ethnopharmacology, 133, 2, 2011, 253-260.
4 N. Zabaiou, A. Fouache, A. Trousson, S. Baron, J.M.A. Lobaccaro. Biological properties of propolis extracts: Something new from an ancient product, Chemistry and Physics of Lipids, 207, Part B, 2017, 214-222.
5 E. Gregoris, S. Fabris, M. Bertelle, L. Grassato, R. Stevanato. Propolis as potential cosmeceutical sunscreen agent for its combined photoprotective and antioxidant properties, International Journal of Pharmaceutics, 405, 1–2, 2011, 97-101.
6 C. Couteau, M. Pommier, E. Paparis, L. Coiffard. Photoprotective activity of propolis, Natural Product Research 22, 3, 2008, 264-268.
7 https://www.aroma-zone.com/info/fiche-technique/extrait-de-la-ruche-propolis-bio-aroma-zone?page=library
8 S. Sharaf, A. Higazy, A. Hebeish. Propolis induced antibacterial activity and other technical properties of cotton textiles, International Journal of Biological Macromolecules, 59, 2013, 408-416.
9 https://www.aroma-zone.com/info/recette-cosmetique/bain-de-bouche-purifiant-menthe-poivree-propolis