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La fraise, elle la ramène un peu trop en matière de protection solaire !

> 25 mai 2020

La fraise, elle la ramène un peu trop en matière de protection solaire !

La fraise est un fruit connu et consommé depuis des milliers d’années. Des Précolombiens aux Romains, en passant par les Chinois et jusqu’aux consommateurs actuels de tous pays, la fraise a régalé et régale toujours des milliards et des milliards de palets. En 2017, il en a été produit plus de 9 millions de tonnes dans le monde entier. Les champions en la matière sont la Chine (40 % de la production totale) et les Etats-Unis (16 %).1 Ce fruit délicat à l’arôme subtil est très apprécié des chercheurs qui le scrutent de tous côtés, afin d’en tirer le meilleur parti. On en dit beaucoup... Il en reste peu. Vanillle - fraise ou Fraise - vanille, ce Regard rafraîchissant éclairera, nous l’espérons, gourmands et amateurs de cosmétiques.

Antoine Duchesne, la fraise dans la peau

Antoine Nicolas Duchesne (1747-1827) s’est penché très sérieusement, et très précocement, sur ce fruit délicieux, en réalisant, alors qu’il n’était encore âgé que de 19 ans, une description botanique précise du fraisier. C’est dès 1761, que le jeune garçon, fils du Prévost des bâtiments du Roi, se découvre une passion pour ce végétal qu’il a observé dans les jardins de Versailles. En 1766, il publie Histoire naturelle des fraisiers, alliant des informations d’ordre botanique (découverte de la nature dioïque de ce végétal, c’est-à-dire de l’existence de pieds mâles et de pieds femelles et réalisation de belles grosses fraises appréciées de Louis XV par croisement entre des espèces différentes) et d’ordre économique. L’utilisation de la fraise est envisagée dans les domaines alimentaires, médicaux et cosmétiques (les stolons de fraisiers constituent ainsi un fil dentaire original).2

Rappelons dès à présent que la fraise n’est pas un fruit, mais une réunion de fruits (des akènes, les petits points noirs visibles à l’œil nu) sur un réceptacle charnu (la chair rouge qui porte les fameux points noirs).

La fraise, le chimiste aussi l’a dans la peau

Le chimiste voit dans la fraise un fruit riche en eau (environ 90 %)3 et en anthocyanes, en flavonols (quercétine, kaempférol), en acides phénoliques (acide para-hydroxybenzoïque, acide coumarique, acide férulique), en vitamine C et vitamine B9, en minéraux (manganèse, potassium, magnésium, calcium) et en sucres (glucose, fructose).1 La notion de « richesse » est toutefois à relativiser ; la vitamine C,4 par exemple, n’est présente en moyenne qu’à hauteur de 0,3 mg/g de poids frais,5 ce qui place la fraise bien loin derrière le chou rouge.6 Ce même chimiste réfléchit à des stratégies pour améliorer la conservation de ce fruit très fragile et imagine de l’enrober dans une gaine d’exopolysaccharides, produits par un champignon, Pythium arrhenomanes.7

La fraise, le nutritionniste aussi l’a dans la peau

Chez la souris, il a été démontré que la fraise semblait intéressante en matière d’amélioration de la qualité du microbiote intestinal, en favorisant la multiplication des bonnes bactéries type Bifidobacterium.8 Chez l’Homme, la consommation de fruits rouges paraît pleine de bénéfices pour la santé.9

La fraise, le cosmétologue aussi l’a dans la peau

Le cosmétologue, en chercheur avisé, n’hésite pas à tronçonner la fraise afin d’en extraire toutes les parties utiles. Les akènes sont ainsi l’objet d’études variées ; on les sépare un par un de la chair savoureuse, on en fait des extraits ; on les fait ensuite parler... Les akènes permettraient d’augmenter la production de céramides au niveau cutané ce qui constitue une bonne nouvelle pour le sujet atopique, chez qui on observe une déficience en matière de production de cette catégorie de lipides.10

Le cosmétologue, quand il est joueur, organise des paris entre fruits rouges. Qui de la mûre ou de la fraise permettra d’obtenir le meilleur effet anti-inflammatoire ? La mûre, répondent en cœur Argentins et Américains dans une même publication.11

Sachant qu’un récoltant de fraises expose sa nuque à des doses d’UV comprises entre 1,50 et 2,29 SED (dose susceptible d’engendrer un coup de soleil) en période travaillée, l’idée est venue à certains de faire de la cause de cette exposition non négligeable, à savoir la fraise, le remède (c’est-à-dire un filtre UV).12 Le cosmétologue en quête de nouveaux filtres UV se penche donc sur la fraise, réalise des extraits, les associe avec le coenzyme Q10, constate l’effet de cette sympathique mixture sur des fibroblastes irradiés dans le domaine UVA et montre qu’il y a peu de différence entre le mélange fruité et l’association de filtres UV (SPF 10) (Tinosorb S + Uvasorb HEB + Octocrylène) en matière de mort cellulaire ou de production de molécules à caractère anti-inflammatoire.13 De là à dire que la confiture de fraises constitue un bon « écran » solaire il n’y a qu’un pas ! Pas que Top Santé a franchi il y a quelques années, non sans humour.14 Ne nous emballons pas, ces résultats obtenus in vitro sont bien loin de nous convaincre…

La fraise, en pratique

Elle ramène peu sa fraise dans les cosmétiques, la fraise, si on élimine son usage en tant qu’aromatisant. ! L’inventaire européen la connaît pourtant bien et nous indique entre autres que « Fragaria vesca fruit » est « astringent et conditionneur », alors même que « Fragaria ananassa stolon extract » est anti-oxydant et conditionneur.15

On la retrouve principalement dans des gommages ; dans ce cas-là ce sont les akènes qui sont utilisés. Attention, toutefois, au conditionnement et à l’aspect qui ne doit pas engendrer de confusion avec de la confiture. Les produits Blancrème,16 à ce niveau, jouent à un jeu dangereux. A proscrire !

En très bref

Il reste, semble-t-il, bien des choses encore à inventer dans le domaine cosmétique. On évitera quand même de donner à la fraise des superpouvoirs dont elle ne dispose pas. Dans le domaine des solaires, on continuera sagement à puiser dans la liste des filtres UV autorisés pour formuler des produits hautement efficaces et on laissera la fraise... au glacier ! La Fraiseraie,17 qui met la fraise en sorbet dans la région nantaise, vous confirmera qu’il vaut mieux se mettre à l’ombre pour déguster ses délicieuses spécialités.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien ! On ne trouvera jamais que tu le ramènes trop... ton crayon !

Bibliographie

1 Fierascu RC, Temocico G, Fierascu I, Ortan A, Babeanu NE., Fragaria Genus: Chemical Composition and Biological Activities., Molecules., 2020, 23, 25, 3
2 Liston A, Cronn R, Ashman TL., Fragaria: a genus with deep historical roots and ripe for evolutionary and ecological insights., Am J Bot., 2014, 101, 10, Pages 1686-1699
3 Ganhão R, Pinheiro J, Tino C, Faria H, Gil MM., Characterization of Nutritional, Physicochemical, and Phytochemical Composition and Antioxidant Capacity of Three Strawberry "Fragaria × ananassa Duch." Cultivars ("Primoris", "Endurance", and "Portola") from Western Region of Portugal., Foods., 2019, 14, 8, 12
4 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/l-acide-ascorbique-du-chou-rouge-a-la-creme-anti-age-une-vitamine-ubiquitaire-559/
5 Hossain A, Begum P, Salma Zannat M, Hafizur Rahman M, Ahsan M, Islam SN., Nutrient composition of strawberry genotypes cultivated in a horticulture farm., Food Chem., 2016, 15, 199, Pages 648-652
6 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/l-acide-ascorbique-du-chou-rouge-a-la-creme-anti-age-une-vitamine-ubiquitaire-559/
7 Yuan Z, Shi Y, Cai F, Zhao J, Xiong Q, Wang Y, Wang X, Zheng Y., Isolation and identification of polysaccharides from Pythium arrhenomanes and application to strawberry fruit (Fragaria ananassa Duch.) preservation, Food Chem., 2020, 30, 309
8 Petersen C, Wankhade UD, Bharat D, Wong K, Mueller JE, Chintapalli SV, Piccolo BD, Jalili T, Jia Z, Symons JD, Shankar K, Anandh Babu PV., Dietary supplementation with strawberry induces marked changes in the composition and functional potential of the gut microbiome in diabetic mice., J Nutr Biochem., 2019, 66, Pages 63-69
9 Afrin S, Gasparrini M, Forbes-Hernandez TY, Reboredo-Rodriguez P, Mezzetti B, Varela-López A, Giampieri F, Battino M., Promising Health Benefits of the Strawberry: A Focus on Clinical Studies, J Agric Food Chem., 2016, 8, 64, 22, Pages 4435-4449
10 Takeda S, Shimoda H, Takarada T, Imokawa G., Strawberry seed extract and its major component, tiliroside, promote ceramide synthesis in the stratum corneum of human epidermal equivalents., PLoS One., 2018, 9, 13, 10
11 Van de Velde F, Esposito D, Grace MH, Pirovani ME, Lila MA., Anti-inflammatory and wound healing properties of polyphenolic extracts from strawberry and blackberry fruits. Food Res Int., 2019, 121, Pages 453-462
12 Nardini G, Neri D, Paroncini M., Measured anatomical distributions of solar UVR on strawberry production workers in Italy., J Agric Saf Health., 2014, 20, 2, Pages 67-78
13 Gasparrini M, Forbes-Hernandez TY, Afrin S, Reboredo-Rodriguez P, Cianciosi D, Mezzetti B, Quiles JL, Bompadre S, Battino M, Giampieri F., Strawberry-Based Cosmetic Formulations Protect Human Dermal Fibroblasts against UVA-Induced Damage., Nutrients., 2017, 14, 9, 6
14 https://www.topsante.com/beaute-soins/solaire-bronzage/protection-solaire/soleil-les-fraises-nouvel-ecran-solaire-23402
15 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=90213
16 https://birchbox.fr/marques/blancreme/gommage-corps-fraise?gclid=EAIaIQobChMIr9HulIaT6QIVRrLVCh056Ab5EAQYDCABEgIVJPD_BwE
17 https://www.lafraiseraie.com/ou-nous-trouver

Composition

Blancrème Gommage corps à la fraise : Maris sal (sea salt), caprylic/capric triglyceride, helianthus anuus (sunflower) seed oil, hydrated silica, sucrose, laureth-4, fragaria vesca (strawberry) seed, vaccinium macrocaporn (cranberry) fruit powder, MIPA-laureth sulfate, cocamide DEA, parfum, tocopheryl acetate, CI 77491, citric acid. 

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