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La dermatite séborrhéique : quand, comment, pourquoi ?

> 22 janvier 2018

La dermatite séborrhéique : quand, comment, pourquoi ? Croûtes de lait pour le nourrisson, dermatite séborrhéique pour l’adolescent ou l’adulte, si les noms sont différents, les signes cliniques sont similaires.

La glande sébacée, qu’on le veuille ou non, est bien le centre de cette pathologie qui peut, selon les cas, être vécue de façon variable.

Les glandes sébacées sont présentes sur l’ensemble du corps humain, à l’exception des paumes de mains et des plantes de pieds. La sécrétion sébacée est particulièrement importante au niveau du cuir chevelu, du visage, de la poitrine et du dos. Cette sécrétion est sous dépendance hormonale ; les glandes sont actives dès la naissance du fait de l’imprégnation de l’organisme du nourrisson par les androgènes maternels. Les glandes sébacées vont, toutefois, rapidement régresser et se mettre en dormance jusqu’à la puberté. La sécrétion est beaucoup plus importante chez l’homme que chez la femme. Elle perdure également plus longtemps ; alors que la sécrétion de sébum chute rapidement après la ménopause, la sécrétion reste élevée chez l’homme à la cinquantaine et même encore à la soixantaine.

Du point de vue de sa composition, le sébum natif renferme différents corps gras : triglycérides (> 35%), esters de cires (25%), squalène (15%), acides gras libres (< 13%), esters de cholestérol (4%) et cholestérol (3%). Sous l’action des germes de la flore cutanée des hydrolyses vont avoir lieu, donnant naissance à des diglycérides, des monoglycérides et des acides gras libres. Ces derniers peuvent être saturés (c’est le cas des acides stéarique et palmitique) ou insaturés (c’est le cas des acides oléique, linoléique, linolénique, sapiénique et palmitoléique). Sous l’action de la flore cutanée, le sébum change de composition de la manière suivante : il renferme moins de triglycérides (18%) et plus d’acides gras libres (32%). La réalisation d’un shampooing anti-pelliculaire permet de revenir quasiment au niveau de base (teneurs en triglycérides de l’ordre de 32% et en acides gras libres de l’ordre de 16%).

Parmi les germes qui jouent un rôle dans la modification de la composition du sébum, il en est un qui exerce un rôle tout particulier. Il y a une centaine d’années, Malassez met en avant l’implication d’une levure du genre Pityrosorum, qui sera ensuite rebaptisée Malassezia, en son honneur, dans la survenue des états pelliculaires. Lorsque l’on étudie la flore cutanée du nouveau-né, on se rend compte que cette levure est présente tant que les glandes sébacées du nourrisson sont en activité. La population de Malassezia va ensuite chuter et ce jusqu’à reprise de l’activité sécrétoire des glandes sébacées, au moment de la puberté. On sait actuellement qu’une dizaine d’espèces sont présentes au niveau du cuir chevelu (globosa, restricta, furfur, sympodialis, slooffiae, obtusa, nana, dermatis, japonica). Les mieux représentées sont les espèces globosa et restricta (C. Kamamoto, A. Nishikaku, F. Fernandes, A. Sanudo, O. Hassun, E. Bagatin, Malassezia yeasts in seborrheic dermatitis and seborrhea, Journal of the American Academy of Dermatology, 74, 5, Supplement 1, 2016, ab61). Les lipases synthétisées par Malassezia ne sont pas spécifiques. Elles dégradent indifféremment tout type de triglycérides. Les acides gras libres ainsi générés seront soit utilisés pour le métabolisme de la levure (c’est le cas des acides gras saturés), soit laissés à la surface de la peau. Ces acides gras insaturés engendrent une altération de la fonction barrière de la peau et une inflammation (Byung In Ro, Thomas L. Dawson, The Role of Sebaceous Gland Activity and Scalp Microfloral Metabolism in the Etiology of Seborrheic Dermatitis and Dandruff, Journal of Investigative Dermatology Symposium Proceedings, 10, 3, 2005, 194-197). Cette réaction d’intolérance aux acides gras insaturés tels que l’acide oléique est spécifique des sujets atteints de dermatite séborrhéique (Vivian Y. Shi, Michael Leo, Lauren Hassoun, Dev S. Chahal, Raja K. Sivamani, Role of sebaceous glands in inflammatory dermatose, Journal of the American Academy of Dermatology, 73, 5, 2015, 856-863) et ne concerne pas le reste de la population.

Le traitement de la dermite séborrhéique peut se faire selon trois axes. On aura recours à des corticoïdes, du fait de leur effet anti-inflammatoire, à des antifongiques de la famille des imidazolés (dans le but de réduire la population de levures) et à des agents kératolytiques (afin d’éliminer les squames). Une étude réalisée en 2017 sur un échantillon de 60 patients montre que le traitement par corticoïde (hydrocortisone à 1%) donne des résultats similaires au traitement par antifongique (2% de sertaconazole) (K. Balighi, S.Z. Ghodsi, M. Daneshpazhooh, S. Ghale-Baghi, A. Azizpour, Hydrocortisone 1% cream and sertaconazole 2% cream to treat facial seborrheic dermatitis: A double-blind, randomized clinical trial, International Journal of Women's Dermatology, 3, 2, 2017, 107-110).

L’utilisation de dermocorticoïdes ne doit s’effectuer que sur de courtes périodes si l’on veut éviter les effets indésirables à type d’amincissement dermique et d’atrophie cutanée.

L’intérêt du tacrolimus, un principe actif immunosuppresseur employé pour éviter le rejet des greffes, utilisé sous forme topique à 0,1% a été démontré, il y a quelques années. De rares effets indésirables à type d’irritation et de flush ont été signalés (Kim A. Papp, Alexine Papp, Betty Dahmer, Christina S. Clark, Single-blind, randomized controlled trial evaluating the treatment of facial seborrheic dermatitis with hydrocortisone 1% ointment compared with tacrolimus 0.1% ointment in adults, Journal of the American Academy of Dermatology, 67, 1, 2012, e11-e15).

Si on a pu suspecter le demodex, un acarien impliqué dans la rosacée, de jouer un rôle dans la survenue de dermite séborrhéique, on sait désormais qu’il n’en est rien (Setareh Tehrani, Adnan Tizmaghz, Ghazaal Shabestanipour, The Demodex mites and their relation with seborrheic and atopic Dermatitis, Asian Pacific Journal of Tropical Medicine, 7, Supplement 1, 2014, s82-s84).

Une étude espagnole réalisée en 2007 permet de dresser le portrait-robot du sujet atteint de dermite séborrhéique. Il s’agit d’un homme de 40 ans qui souffre de lésions au niveau du cuir chevelu et du visage. Il est traité dans 60% des cas par corticoïdes, dans 35% des cas par imidazolés. A ce traitement médicamenteux, est associée une prise en charge cosmétique dans 31% des cas. Les facteurs déclenchants des crises correspondent à des périodes de stress, de dépression et/ou de fatigue.

Comme on peut le constater la prise en charge cosmétique à l’aide de produits d’hygiène (shampooings antipelliculaires) et de soin (soins hydratants et/ou apaisants) est trop négligée, puisqu’elle n’intervient que pour moins d’un tiers des patients.

En 2016, les laboratoires Pierre Fabre ont démontré l’intérêt du recours à un shampooing associant antifongiques (ciclopiroxolamine et pyrithione-zinc) et actif apaisant (acide 18 bêta-glycyrrhétinique) dans le cadre de la dermite séborrhéique. La réduction du nombre de levures au niveau du cuir va de pair avec une diminution de l’inflammation et du prurit (Virginie Turlier, Cecile Viode, Ophelie Lejeune, Amandine Rouquier, Anne-Marie Schmitt, Evaluation of an anti-dandruff treatment schedule against chronic recurrent seborrheic dermatitis, Journal of Dermatological Science, 84, 1, 2016, e125).

L’utilité d’un shampooing antipelliculaire adapté, associant un actif antifongique et un actif kératolytique (type acide salicylique) est tout à fait logique. On fera, toutefois, attention au choix de l’actif antipelliculaire et on évitera soigneusement la pyrithione-zinc du fait de sa toxicité. Dommages à l’ADN et stress oxydant sont, en effet, les effets délétères observés avec ce type de molécule (Emil Rudolf, Miroslav Cervinka, Stress responses of human dermal fibroblasts exposed to zinc pyrithione, Toxicology Letters, 204, 2–3, 2011, 164-173).






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