> 14 août 2022
Dans le roman intitulé Climats, André Maurois nous soumet à un bien drôle de climat, celui d’une jalousie forcenée... Je t’aime trop, je suis malheureuse. Tu ne m’aimes pas assez, je suis malheureux. A ce petit jeu, le trio composé de Philippe Marcenat, d’Odile Malet et d’Isabelle de Cheverny excelle ! Pas de cosmétiques dans cet ouvrage. En revanche, des notions de chimie bien particulière. En 250 pages, André Maurois distille le parfum puissant des amours contrariées et nous enseigne, mine de rien, les bases de la chimie de l’amour.1
Philippe Marcenat a eu bien des maîtresses, mais aucune n’a su/pu garder son cœur. A Florence, dans un cadre propice au romantisme, Philippe rencontre une toute jeune fille, Odile. Et cette fois, la magie opère. Les rêves anciens d’amour héroïque, de belle princesse et de preux chevalier reprennent du corps. Un doux parfum de félicité unit visiblement ces deux êtres. « Nous aimons les êtres parce qu’ils secrètent une mystérieuse essence, celle qui manque dans notre formule pour faire de nous un composé chimique stable »... Peut-on être plus clair ? L’insatiable Philippe, toujours en quête de chair fraîche, a trouvé son maître, une candide jeune fille qui semble la pureté même.
Odile rayonne, Odile irradie. Ses robes blanches s’accordent à son teint pâle. Cette charmante jeune femme possède un « éclat d’une blancheur lumineuse ». Pas de teint terne, pour celle qui doit user de cold crème afin de briller en toute circonstance.
Philippe épouse Odile. Mais bientôt, Philippe ne suffit plus à Odile, qui se met à papillonner et à rencontrer d’autres hommes. Philippe découvre le sentiment de jalousie et perd toute sa belle stabilité. « Un homme amoureux est un réactif d’une extrême sensibilité pour les sentiments de la femme qu’il aime. » Une explosion de jalousie à prévoir !
Lorsque dans un dîner mondain, Odile se montre tout spécialement pétillante et semble être séduite par son voisin de table, Philippe sent qu’elle est prête à succomber au « plus redoutable des microbes ».
Et puis, il y a François de Crozant, un beau militaire, qui, exotisme aidant, envoûte complètement Odile. Ce séducteur, qui se plaît à faire étalage de ses succès, aime à parler de cette « Russe qui lui envoie sa photographie encadrée d’une torsade de cheveux ».
Un divorce (d’avec Philippe) ; un remariage (avec François) ; une coupe de champagne et un suicide pour couronner le tout. Odile, qui a tant trompé Philippe, ne supporte pas les incartades de François.
Isabelle, la seconde chance de Philippe. Une belle jeune fille qui croit en l’amour, en la fidélité. Une jeune fille qui, à peine mariée, est déjà trompée, déjà jalouse.
Le « teint hâlé » va bien à Philippe. Un petit voyage aux Etats-Unis et le voilà qui revient avec une mine épatante, le « teint hâlé par ses 6 jours de mer. »
Un ouvrage sur le thème d’une chimie bien particulière, celle des sentiments amoureux. Qu’il est difficile de vivre aux côtés de Philippe et d’Odile. Ces insatiables ne supportent pas de chaîne à leur cou mais voudraient, en revanche, tenir enchaîné(e) celui ou celle qui est aimé(e). Un ouvrage qui parle de compatibilité, de molécules, de réactifs, de réactions chimiques...
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l'illustration du jour.
1 Maurois A., Climats, Le livre de Poche, 1958, 250 pages
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