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La bourrache, plutôt en tube qu’à la cuillère !

> 30 octobre 2019

La bourrache, plutôt en tube qu’à la cuillère !

La bourrache (Borago officinalis), également connue sous le nom de starflower, est une plante annuelle de la famille des Boraginacées, originaire des régions méditerranéennes et utilisée aussi bien dans l’art culinaire qu’en thérapeutique, depuis des temps fort anciens. Cette plante herbacée, velue, qui mesure 70 à 100 centimètres de haut, n’est pas d’une grande douceur au toucher, feuilles et tiges étant recouvertes de poils rugueux.1 Des indications en cas d’œdèmes, d’inflammation, de troubles respiratoires et de mélancolie sont fréquemment retrouvées. De vieilles complaintes résonnent encore à nos oreilles, évoquant la bourrache comme une plante qui donne du courage.2 Les fleurs à corolles bleues et étamines noires sont riches en nitrate de potassium et en mucilage ; des effets respectivement diurétique et émollient (en particulier des voies respiratoires) lui sont attribués.3 Dans de nombreux pays des infusions sont réalisées avec les fleurs afin de traiter la toux.4

La bourrache, à la cuillère

La bourrache entre dans la recette de la sauce verte de Frankfurt et dans des garnitures de ravioli préparées en Ligurie ; elle est considérée comme un légume par les Espagnols d’Aragon et de Navarre, qui la font sauter avec de l’ail pour agrémenter les pommes de terre.2 Il ne faut pas la confondre avec la mandragore (Mandragora autumnalis, par exemple) dont les alcaloïdes (atropine, hyoscyamine et scopolamine) exercent une action sur le système nerveux central, mais également au niveau périphérique. Les effets de l’atropine sont résumés par une expression anglo-saxonne basée sur des comparaisons animalières : « chaud comme un lièvre, aveugle comme une chauve-souris, sec comme un os, rouge comme une betterave, fou comme une poule »… En consommant accidentellement de la mandragore à la place de la bourrache, on s’exposera donc à un certain nombre de déboires.5 Si l’on ne veut pas se retrouver aux urgences, il ne faut pas non plus la confondre avec la digitale (Digitalis prurpurea), lorsque l’on souhaite réaliser une farce pour tortelli maison, à la bourrache et au fromage.6 Certains auteurs redoutent la présence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques hépatotoxiques, qui leur font préférer la bourrache comme plante ornementale pour réaliser de joyeux bouquets champêtres, plutôt que comme végétal comestible à mettre à toutes les sauces.7 L’European Food Safety Authority (EFSA) partage tout à fait ce point de vue.8

L’huile de bourrache, obtenue à partir des graines, est connue comme étant l’une des huiles les plus riches en acide gamma-linolénique, un acide gras essentiel.9 Les échantillons les plus riches en acide gamma-linolénique en contiennent entre 25 % et 40 %. Les autres acides gras sont les acides linoléique (35 %-38 %), oléique (16 %-20 %), palmitique (10 %-11 %), stéarique (3,5 %-4,5 %), éicosénoïque (3,5 %-5,5 %) et érucique (1,5 %-3,5 %). Une supplémentation en huile de bourrache ne semble pas très utile dans le cadre de la dermatite atopique ; la plupart des travaux publiés lui dénient, en effet, tout intérêt.10,11,12,13 Comme dans le cas de l’huile d’onagre, on trouve dans la littérature le cas d’une patiente ayant développé une réaction épileptique suite à la consommation d’huile de bourrache à titre de complément alimentaire.14

La bourrache, dans le tube

Les extraits de bourrache obtenus par épuisement à l’alcool renferment, entre autres, de l’acide rosmarinique, un composé phénolique et de l’acide gamma-linolénique. Des tests réalisés à la fois sur modèle animal et sur culture cellulaire montrent son intérêt dans le cadre du traitement du vieillissement cutané photo-induit.15

Pour un usage topique, l’incorporation d’huile de bourrache dans une formulation à destination du sujet atopique est une bonne idée. Les études réalisées témoignent d’une bonne tolérance.16 On trouve également mention dans la littérature de l’utilisation d’huile de bourrache au niveau du siège en cas de dermite séborrhéique infantile (0,5 mL, 2 fois par jour tous les jours puis 2 à 3 fois/semaine). Là encore, les résultats sont positifs avec disparition des lésions en 10 à 12 jours. En cas d’interruption du « traitement », on notait toutefois des phénomènes de récidive.17

La bourrache, en quelques mots

Il existe de nombreux sites sur Internet qui proposent des recettes à base de bourrache. Sa fleur à goût d’huitre permet d’ajouter une note marine à différents plats et ce à moindre coût. Les feuilles se retrouvent dans le potage ou en accompagnement pour le poisson ou l’omelette ; les fleurs agrémentent la salade ou se baignent dans un sirop de sucre pour confire.18 En infusion ou en cataplasme, la bourrache est là encore présentée comme une plante à cultiver du fait des bénéfices procurés.19 En raison de sa composition, on préférera retrouver l’huile de bourrache dans une crème anti-âge ou dans un cosmétique permettant de restaurer la barrière cutanée plutôt qu’au menu de la cantine ou dans son complément alimentaire quotidien. Pour nous, la bourrache ce sera dans le tube sans modération, dans l’assiette pour les grandes occasions et… dans les gélules… merci sans façon !

Bibliographie

1 Asadi-Samani M, Bahmani M, Rafieian-Kopaei M, The chemical composition, botanical characteristic and biological activities of Borago officinalis: a review, Asian Pac J Trop Med., 2014, 7S1:S22-8

2 Lozano-Baena MD, Tasset I, Muñoz-Serrano A, Alonso-Moraga Á, de Haro-Bailón A, Cancer Prevention and Health Benefices of Traditionally Consumed Borago officinalis Plants, Nutrients., 2016, 18, 8, 1

3 Dorvault F. L'Officine, 23e édition, Paris, Vigot, 1995, 2089 Pages

4 Andrade-Cetto A, Ethnobotanical study of the medicinal plants from Tlanchinol, Hidalgo, México, J Ethnopharmacol., 2009, 25, 122, 1, Pages 163-171

5 Piccillo GA, Miele L, Mondati E, Moro PA, Musco A, Forgione A, Gasbarrini G, Grieco A, Anticholinergic syndrome due to 'Devil's herb': when risks come from the ancient time, Int J Clin Pract., 2006, 60, 4, Pages 492-494

6 Bonfanti L, Lippi G, Ciullo I, Robuschi F, Aloe R, Tarasconi S, Vassallo R, Cervellin G, In the kingdom of "tortelli" (ravioli-like pasta) plant poisoning is still a threat. A case report of near-fatal poisoning from Digitalis Purpurea accidentally confused with Borago Officinalis, Acta Biomed., 2017, 16, 87, 3, Pages 353-357

7 Dresler S, Szymczak G, Wójcik M, Comparison of some secondary metabolite content in the seventeen species of the Boraginaceae family, Pharm Biol., 2017, 55, 1, Pages 691-695

8 https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/170727

9 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/l-huile-d-onagre-une-mauvaise-herbe-dont-on-peut-prendre-de-la-graine-923/

10 Bamford JT, Ray S, Musekiwa A, van Gool C, Humphreys R, Ernst E, Oral evening primrose oil and borage oil for eczema, Cochrane Database Syst Rev., 2013, 30, 4, CD004416

11 Foster RH, Hardy G, Alany RG, Borage oil in the treatment of atopic dermatitis, Nutrition., 2010, 26, 7-8, Pages 708-718

12 Kmietowicz Z, Evening primrose oil and borage oil do not help eczema symptoms, finds Cochrane review, BMJ., 2013, 29, 346:f2712

13 Takwale A, Tan E, Agarwal S, Barclay G, Ahmed I, Hotchkiss K, Thompson JR, Chapman T, Berth-Jones, Efficacy and tolerability of borage oil in adults and children with atopic eczema: randomised, double blind, placebo controlled, parallel group trial, JBMJ., 2003, 13, 327, 7428, Page 1385

14 Al-Khamees WA, Schwartz MD, Alrashdi S, Algren AD, Morgan BW, Status epilepticus associated with borage oil ingestion, J Med Toxicol., 2011, 7, 2, Pages 154-157

15 Seo SA, Park B, Hwang E, Park SY, Yi TH, Borago officinalis L. attenuates UVB-induced skin photodamage via regulation of AP-1 and Nrf2/ARE pathway in normal human dermal fibroblasts and promotion of collagen synthesis in hairless mice, Exp Gerontol., 2018, 1, 107, Pages 178-186

16 Lin TK, Zhong L, Santiago JL, Anti-Inflammatory and Skin Barrier Repair Effects of Topical Application of Some Plant Oils, Int J Mol Sci., 2017, 27, 19, 1

17 Tollesson A, Frithz A, Borage oil, an effective new treatment for infantile seborrhoeic dermatitis, Br J Dermatol., 1993, 129, 1, 95

18 http://natureln.librox.net/spip.php?article426

19 http://www.doctissimo.fr/html/sante/phytotherapie/plante-medicinale/bourrache.htm

 

 

 

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