> 13 novembre 2024
L’impureté consiste en un élément qui vient polluer, souiller, altérer un composant.1 Cette impureté qui vient contaminer un cosmétique ne peut, à priori, pas être mise en avant par la société qui commercialise le produit fini. Cela semble logique. Et bien, cette logique n’est pas complètement logique, lorsque l’on travaille dans un domaine particulier, celui des cosmétiques. Là, il est possible de trouver de « nobles » impuretés, pour lesquelles on escamote le titre d’impureté, alors même que d’autres impuretés sont traitées avec beaucoup plus de rigueur.
La question du jour sera la suivante : vaut-il mieux se laver les cheveux avec 1 L d’eau de la Roche-Posay, contenant une impureté interdite par la réglementation plutôt que de recevoir 1 kg de plomb sur la tête, ce plomb étant lui aussi interdit par la réglementation.
Réponse en fin de Regard !
C’est un peu le serpent qui se mord la queue ! Avec un jeu de ping-pong entre l’article 17 du chapitre IV et l’article 3 du chapitre I. Dans cet article consacré à la « sécurité » d’emploi du produit cosmétique, il est mentionné que lorsque celui-ci est employé « dans les conditions d’utilisation normales », le produit cosmétique doit être « sûr pour la santé humaine » !
Bon, c’est le principe fondateur de la Réglementation… Tout va bien !
Oui, mais pourtant, quand on poursuit la lecture de la réglementation, on tombe (et le terme ici est utilisé à propos car cette chute peut entraîner des dégâts) sur la notion de « traces de substances interdites »…
Ces traces sont des « petites quantités de substances », des « impuretés » qui sont apportées, de manière « non intentionnelle » dans le cosmétique par un ingrédient, un procédé de fabrication, un emballage… et ce malgré le respect absolu des BPF.
Ces traces, ces impuretés sont tolérées à la seule condition que l’article 3 concernant la sécurité du consommateur soit respectée.
Il y a dans ce texte un certain flou, puisque la notion de « traces » ou d’impureté n’est pas liée à une notion de dose.
On tolère « une petite quantité » de substance interdite si et seulement si sa dose est si faible qu’elle ne risque pas d’avoir un impact sur la santé du consommateur. A ce titre, les fervents défenseurs de l’homéopathie ne manqueront pas de nous chuchoter au passage à l’oreille que plus cette trace est petite, voire minuscule, voire carrément infinitésimale, plus l’effet est grand !
D’un point de vue réglementaire, nous voilà donc balloté d’un article à un autre, sans valeur de référence. A nous de nous débrouiller !
L’eau de La Roche-Posay est une eau thermale, « naturellement riche en sélénium », un oligoélément aux multiples vertus, nous dit-on sur le site de la marque des cosmétiques éponymes.2
Or, le sélénium est un élément interdit dans le domaine cosmétique.3
Que faut-il alors penser de son utilisation intentionnelle ? Oui, car ici, il y a bien intention, puisque l’eau de La Roche-Posay est présentée comme « riche » en sélénium. Ceci est donc un atout !
Peut-on dire qu’il s’agit, dans ce cas précis, de traces ou d’impuretés ? Difficile d’employer ces termes pour un ingrédient qui nous est vendu comme le pilier de l’action de cette eau.
Il est donc possible de trouver dans les cosmétiques de la marque La Roche-Posay, formulés à partir de cette eau, des traces d’un élément interdit, présenté comme un actif et non comme un élément polluant, impossible à éliminer par quelque technique que ce soit.
Le serpent qui se mord la queue est en train de s’étouffer avec l’article 17… Heureusement, on lui place sous les yeux l’article 3 et on se rassure puisque cette eau est utilisée largement en dermatologie depuis des années.4 Ouf !
Alors là pour le coup leur présence dans les cosmétiques n’est pas intentionnelle. C’est ainsi que de l’arsenic,5 du mercure,6 ou du plomb7 font partie des substances interdites dans le domaine cosmétique, mais pouvant tout de même être retrouvées dans certains produits,8 à l’état de traces.
Et là, on ne s’en vante pas ! Et là cela fait l’objet de publications,9-12 avec, selon les pays considérés, des teneurs jugées plus ou moins sûres.
Pour répondre à la devinette de l’introduction, on préférera, bien sûr, recevoir 1 L d’eau sur la tête, plutôt qu’un kilo de plomb.
Pour le reste, la discussion reste ouverte, tout comme la réglementation, qui, pour l’instant, est dans le flou en ce qui concerne les impuretés. Des traces qui, parfois, semblent insignifiantes (à quelle dose plaçons-nous l’insignifiance ?) ou peuvent prendre du galon et devenir tellement signifiantes qu’elles en deviennent argument marketing !
1 https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Impuret%C3%A9
3 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/82093
4 https://centrethermal.laroche-posay.fr/L-Eau-et-la-peau
5 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/28880
6 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/87983
7 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/80936
8 Serb AF, Georgescu M, Onulov R, Novaconi CR, Sisu E, Bolocan A, Sandu RE. Mass-Spectrometry-Based Research of Cosmetic Ingredients. Molecules. 2024 Mar 17;29(6):1336
9 Abrar S, Javed S, Kiran S, Awan H. Analysis of lead, cadmium, and arsenic in colored cosmetics marketed in Pakistan. J Public Health Policy. 2022 Mar;43(1):54-64
10 Rezaeian M, Mohamadi M, Ahmadinia H, Mohammadi H, Ghaffarian-Bahraman A. Lead and arsenic contamination in henna samples marketed in Iran. Environ Monit Assess. 2023 Jul 3;195(8):913
11 Bamidele OD, Kayode BA, Eniayewu OI, Adegbola AJ, Olatoye RS, Njinga NS, Abdullahi ST, Bakare-Odunola MT. Quality assessment of hydroquinone, mercury, and arsenic in skin-lightening cosmetics marketed in Ilorin, Nigeria. Sci Rep. 2023 Nov 28;13(1):20992
12 Sainio EL, Jolanki R, Hakala E, Kanerva L. Metals and arsenic in eye shadows. Contact Dermatitis. 2000 Jan;42(1):5-10
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