> 09 mai 2022
L’ectoïne, un ingrédient actif pour traiter les rhino-conjonctivites allergiques1,2 ou les pharingites,3 un principe actif inhibant la formation des plaques amyloïdes,4,5 un principe actif pour fumigation destinée à la personne atteinte de bronchite chronique,6 une substance à caractère protecteur pour plants de tabac transgéniques super-résistants à des conditions de culture non optimales,7 cette molécule, isolée d’une bactérie au cuir dur (ou dure à cuire comme on préfère) par un chercheur allemand, Erwin Galinski, est actuellement très étudiée à des fins diverses. L’inventaire européen n’évoque qu’un simple caractère « conditionneur cutané »,8 ce qui semble un peu court au regard des nombreuses qualités de cet ingrédient. On vous en dit plus...
L’ectoïne ou acide (S) -2-méthyl-1,4,5,6-tétrahydropyrimidine-4 carboxylique est un acide aminé hétérocyclique, produit naturellement par des micro-organismes,9 dits « extrêmophiles », car capables de vivre dans des conditions défavorables liées à la salinité du mileu, au manque d’eau, au niveau de radiation, au pH et/ou à la température. C’est pourquoi, étant donné ces conditions particulièrement rudes, certains auteurs désignent l’ectoïne sous le nom « d’extrêmolyte ». Cette molécule a été isolée pour la première fois à partir de bactéries du genre Ectothiorhodospira, retrouvées dans le désert égyptien.10 C’est en 1985 que Galinsky isole cette molécule de la bactérie phototrophe et halophile, Ectothiorhodospira halochloris.11,12 Cet acide aminé a pour but de protéger les cellules vis-à-vis des agressions chimiques et physiques auxquelles l’organisme qui en bénéficie est soumis. Cet acide protège, en particulier, les membranes cellulaires des cellules vis-à-vis de la sécheresse ou des réactions inflammatoires en formant une coquille d'eau (hydrocomplexe d'ectoïne) autour des protéines. En augmentant le niveau d’hydratation de la membrane cellulaire, l’ectoïne améliore également la mobilité de la couche lipidique, renforçant ainsi la résistance aux conditions extrêmes.13 Elle permet également de protéger certains micro-organismes de la chaleur.14 Récemment, une équipe allemande vient, en outre, de mettre en évidence la présence d’ectoïne dans des cultures de micro-algues en présence de sel.15
L’ectoïne constitue un ingrédient produit à raison de 15 000 tonnes par an, considéré comme coûteux (il est vendu actuellement à 1000 dollars le kg). Sa synthèse s’effectue par voie biotechnologique, à partir de l’aspartate,16 grâce à différentes bactéries, parmi lesquelles on signalera E. coli.17 Elle peut aussi se faire à l’aide de bactéries méthanotrophes, à partir de l’oxaloacétate.18 De nombreux travaux lui sont dédiés, afin de trouver les conditions de production les plus avantageuses du point de vue financier.19 Des souches de bactéries marines (Marinococcus) sont proposées pour améliorer les rendements.20
En partant du constat de ce qui se passe dans la nature, que l’ectoïne hydrate et protège les structures cellulaires, des chercheurs ont réalisé des études concernant l’intérêt de cette molécule dans le traitement des pathologies associant sécheresse cutanée et inflammation. Sachant que les facteurs-clés de l'aggravation des symptômes de la dermatite atopique consistent en des agents extérieurs tels que les irritants et les allergènes, le renforcement de la fonction barrière de la peau constitue une stratégie parfaitement logique.21 L’incorporation d’ectoïne dans des excipients à caractère émollient constitue donc une piste intéressante en matière d’amélioration de la qualité de vie des patients,22 du fait d’une excellente tolérance.23 Le caractère anti-inflammatoire de cette molécule est également parfaitement connu24 et adapté à la situation du sujet souffrant d’eczéma.
Récemment, des chercheurs taïwanais ont mis en évidence une activité anti-radicalaire, inhibitrice de la production de MSH (melanocyte-stimulating hormone) sur cultures de kératinocytes (HaCaT).25 A creuser.
L’ectoïne serait une molécule susceptible de protéger les structures cellulaires, vis-à-vis des effets néfastes des UVA26 et/ou de la lumière visible,27 ce qui peut être exploitable en matière de formulation de produit anti-âge ciblant le phénomène de photo-vieillissement,28 par exemple.
L’ectoïne serait également susceptible de protéger l’ADN des cellules irradiées par les électrons (ce que l’on désigne sous le terme de radiothérapie).26,29 Utilisée en bains de bouche 3 fois par jour, l’ectoïne (solution renfermant 2 % d’ectoïne, de l’hydroxyéthylcellulose, du xylitol, un tampon phosphate et de l’eau) permettrait de réduire les symptômes de la mucite provoquée par la chimiothérapie.30
L’effet hydratant de l’ectoïne sur les cellules de la couche cornée est prouvé, de même que son intérêt en matière de résistance aux atmosphères sèches.31 Ceci est exploitable pour un usage cutané (cas des cosmétiques) ou oculaire (cas des médicaments ou des dispositifs médicaux destinés à traiter la sécheresse oculaire).32 Formules hydratantes ou formules anti-âge peuvent contenir indifféremment de l’ectoïne (en général à la dose de 2 %).33
La recherche de douceur en matière de formulation de produits d’hygiène constitue un axe de recherche important ; l’allégation « douceur » est employé actuellement d’une manière un peu désordonnée pour des produits très divers, à la tolérance variée. Dans le cadre de la prise en charge de l’atopie la douceur est de mise. C’est pour cette raison que des chercheurs polonais se sont penchés sur des solutions aqueuses renfermant 1 % de tensioactif anionique (sodium lauryl sulfate, sodium coco-sulfate, sodium laureth sulfate, sodium lauroyl sarcosinate), 2,5 % d’ectoïne et de l’acide citrique permettant d’obtenir un pH 5,5. Ces différentes solutions ont ensuite été testées du point de vue de leur caractère irritant et délipidant. L’ajout d’ectoïne permet de diminuer de 20 % le caractère irritant et de 10 à 20% le caractère délipidant des solutions testées.34 Ces travaux font échos à des travaux antérieurs menés en Allemagne une quinzaine d’années plus tôt.35
L’ectoïne, produite par certaines bactéries pour former un bouclier protecteur au niveau des structures cellulaires, est un ingrédient qui ne manque pas d’intérêt et qui mérite que l’on s’intéresse à lui. Retrouvée dans des cosmétiques anti-âge à effet anti-lumière bleue36,37 ou dans des produits solaires,38-40 l’ectoïne est, à l’heure actuelle, un ingrédient cosmétique discret (ceci est sans doute à mettre en lien avec son caractère coûteux). Les laboratoires Mustela sortent, ces jours-ci, un dispositif médical (Stelatopia® intense) destiné aux adultes, aux enfants et aux nourrissons atteints de dermatite atopique. Au regard de sa formule, on ne peut que s’en féliciter. Dans cette préparation l’ectoïne (on vient de voir clairement son intérêt dans le cadre de la dermatite atopique), employée à la dose de 7 %, est associée au céramide 3 (ou céramide NP) renforçateur de la barrière cutanée,41 à des émollients comme l’huile d’olive,42 le squalane43 et le beurre de karité44 et, enfin, un extrait exotique (extrait de fleur, de feuille, de tiges) de Cardiospermum halicacabum, à effet anti-inflammatoire (on parle d’effet cortisone-like), démontré dans le cadre de la dermatite atopique.45 Il faut, toutefois, bien faire la différence entre cosmétique et dispositif médical et prendre conseil auprès d’un médecin ou d’un pharmacien. En effet, on trouve dans la littérature un cas d’hypercorticisme lié à l’application quotidienne pendant 3 ans d’une crème renfermant 10 % d’un d’extrait éthanolique de Cardiospermum halicacabum, de 0,5 % de bisabolol et de 0,5 % d’acide bêta-glycyrrhétinique.46,47
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8 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=56122
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47 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/du-coco-boer-a-la-creme-apaisante-la-reglisse-a-plus-d-un-tour-dans-son-sac-718/
Stelatopia intense Dispositif médical : ECTOIN, AQUA, HYDROGENATED LECITHIN, CERAMIDE-3, SQUALANE, OLEA EUROPAEA FRUIT OIL, CAPRYLIC/CAPRIC TRIGLYCERIDE, BUTYROSPERMUM PARKII BUTTER, ORYZA SATIVA (RICE) BRAN CERA, CARBOMER, XANTHAN GUM, SODIUM CARBOMER, CARDIOSPERMUM HALICACABUM FLOWER/LEAF/VINE EXTRACT, GLYCINE, ALANINE, PENTYLENE GLYCOL, BUTYLENE GLYCOL, HYDROXYETHYLCELLULOSE, GLYCERINE, HYDROXYPHENYL PROPAMIDOBENZOIC ACID.
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