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Klorane, soin éclaircissant : attention, ce ne doit pas être un encouragement à aller au soleil !

> 09 juillet 2018

Klorane, soin éclaircissant : attention, ce ne doit pas être un encouragement à aller au soleil ! Disposer d’une chevelure blonde à la manière de Marilyn Monroe constitue, pour certaines, un rêve qui ne date pas d’hier. Certes, cette blondeur est loin d’être naturelle… qu’importe c’est celle qui plaît (https://www.vanityfair.fr/culture/ecrans/articles/ce-jour-l-marilyn-monroe-devint-blonde/13201) et qui plaît depuis fort longtemps, comme en témoigne l’engouement des Romaines (déjà !) pour cette couleur de cheveux caractéristiques des filles du nord. Jules César, à peine revenu de la Guerre des Gaules, toutes les Romaines qui suivent la mode se piquent de ressembler à ces filles qui ont été ramenées dans les bagages de l’empereur… Pour faire vite, elles empoignent des perruques ; par la suite, elles appliqueront sur leurs cheveux des préparations diverses et variées.

Les poètes chanteront, pendant longtemps, les « blondes d’amour », ce qui encouragera les cosmétologues de toutes les époques à se pencher sur le problème délicat de la décoloration capillaire.

Les Vénitiennes ont trouvé, quant à elle, la solution « farniente ». Elles s’exposent au Soleil, sur leurs charmantes terrasses, perchées au sommet de leurs demeures. Le visage protégé par un chapeau à larges bords, elles ne risquent pas de hâler… Ce chapeau dénommé « solana » est un curieux chapeau dont le fond est percé ; il laisse passer les cheveux qui peuvent s’étaler sur ses larges bords, à la manière de feuilles de tabac sur les claies d’un séchoir. L’exposition solaire contrôlée permet un éclaircissement progressif (Couteau C., Coiffard L., beauté mon beau souci – une histoire de la beauté et des cosmétiques, Edilivre, 2015, 285 pages).

Le pouvoir éclaircissant du Soleil au niveau capillaire est bien connu. Lorsque le cheveu est exposé, un certain nombre de molécules constitutives de la fibre capillaire (acides aminés tels que le tryptophane, la tyrosine, la phénylalanine, la cystéine…) vont absorber dans le domaine UVA, UVB ou visible. Parmi les chromophores présents au niveau du cheveu, le tryptophane est l’une des molécules qui absorbe le plus. C’est également une molécule capable d’être dégradée par le rayonnement UV. Le tryptophane présente un maximum d'absorption situé à 280 nm, le principal produit de la photo-oxydation du tryptophane, la N-formylkynurénine (un composé jaune) absorbe, quant à lui, à 420 nm. Le tryptophane pourra donc être considéré comme un marqueur de l’intégrité du cheveu ; a contrario, la N-formylkynurénine est considérée comme un marqueur de l’effet délétère des UV sur la fibre capillaire. On notera ainsi une diminution de la résistance capillaire. Il est utile de rappeler que la mélanine présente au niveau du cheveu exerce un rôle protecteur en absorbant et en dissipant l’énergie sous forme de chaleur. Elle est également capable de protéger la fibre vis-à-vis des radicaux libres. La mélanine en s’oxydant est capable de neutraliser certains radicaux libres (type anion superoxyde) avec production de peroxyde d’hydrogène. On observe alors une modification de la couleur de la mélanine. Ceci explique pourquoi les chevelures s’éclaircissent en été (Zoe Diana Draelos, Sunscreens and Hair Photoprotection, Dermatologic Clinics, 24, 1, 2006, 81-84).

En résumé, l’éclaircissement des cheveux est lié d’une part à la dégradation d’un acide aminé et d’autre part à la neutralisation de radicaux libres… Il s’agit donc du témoin d’une lutte acharnée pour maintenir l’intégrité capillaire… Cet éclaircissement ne doit donc pas être recherché à tout prix.

On trouve pourtant sur le marché un certain nombre de cosmétiques qui fleurissent au moment de l’été et s’adresse aux chevelures blondes ou claires qui sont à la recherche de toujours plus de blondeur.

Lors du lancement l’été dernier du spray éclaircissant Klorane, certaines blogueuses beauté vantaient les mérites de ce type de produit de la façon suivante : « Un beau moyen de maintenir les bienfaits de l'été sur nos cheveux. » (www.unechicgeek.com/klorane-lance-soin-eclaircissant/). Nous ne pouvons que nous étonner de l’emploi de cette expression « bienfaits de l’été sur nos cheveux » lorsque l’on connaît le mécanisme qui aboutit à l’éclaircissement recherché.

Chez Klorane, ce sont la camomille et le miel qui sont utilisés pour favoriser l’éclaircissement des cheveux. L’apigénine, colorant jaune présent en petite quantité est censé teinter la fibre capillaire (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-matricaire-on-l-aime-deconstrastee-681/). Le miel, mélange complexe comportant environ 200 molécules différentes est également utilisé à des fins éclaircissantes. On y trouve majoritairement des sucres (fructose, glucose, maltose, saccharose…), de l’eau, mais également des traces d’acides organiques, d’acides aminés, de pigments (responsables de la couleur spécifique à tel ou tel miel), de vitamines, de minéraux, d’enzymes… et de peroxyde d’hydrogène, résultant de réactions biologiques faisant intervenir des oxydases (enzymes présentes dans certaines sécrétions de l’abeille). Les catalases provenant du pollen des fleurs butinées sont responsables, quant à elles, du phénomène de libération d’oxygène. Les propriétés antibactériennes du miel sont imputées, entre autres, à cette présence du peroxyde d’hydrogène. La production de peroxyde d’hydrogène se fait d’autant mieux que le pH du milieu y est favorable. Une dilution du miel dans un solvant approprié permettant d’augmenter la valeur du pH de la solution est propice à une augmentation de la teneur en peroxyde d’hydrogène. Certaines blogueuses-beauté recommandent d’utiliser le miel le plus brut possible dans le but d’éclaircir… l’iris des yeux ! Ceci est, bien évidemment, à déconseiller dans la mesure où les produits destinés à être administrés au niveau de l’œil se doivent d’être stériles et isotoniques aux larmes pour une tolérance optimale (https://theconversation.com/du-miel-dans-les-yeux-et-autres-absurdites-cosmetiques-53134). En ce qui concerne le reste de la formule, on s’étonnera de la présence de bromure de cétrimonium, un tensioactif irritant que nous n’aimons guère dans les produits rincés et pas du temps dans les produits non rincés. Sa dose limite d’emploi étant de 0,1 % (on trouve cette matière première en Annexe V du Règlement (CE) N°1223/2009, au numéro d’ordre 44), on en déduit que les actifs-phares de la formule (camomille et miel) sont incorporés à moins de 1 %. Rappelons à ce sujet que les ingrédients constitutifs d’un produit cosmétique sont énoncés par ordre décroissant de concentration jusqu’à 1 %, puis dans un ordre quelconque en deçà.

Résumons-nous, la formule de ce spray ne nous convient pas côté excipient… Si aucun encouragement à l’exposition solaire n’est pratiqué explicitement par la marque, nous craignons que ce spray, utilisé afin que « la chevelure se gorge de lumière pour un blond ensoleillé comme en été » pour « toute la famille (dès 3 ans) » (https://www.klorane.com/fr-fr/cheveux/camomille/spray-eclaircissant), ne soit perçu comme un accélérateur d’éclaircissement à pulvériser avant une exposition solaire.

Par ailleurs, il faut bien faire attention au fait que le gros « 50 » ne fait nullement référence à une valeur de SPF… mais à une date anniversaire de la marque !!!

Reflets blonds – soin soleil éclaircissant à la camomille et au miel : Water (aqua), propylene glycol, cetrimonium chloride, chamomilla recutita (matricaria) flower extract (chamomilla recutita flower extract), fragrance (parfum), honey (mel), hydroxypropyl guar hydroxypropyl trimonium chloride, lactic acid, PEG-40 hydrogenated castor oil, polyquaternium-10, PPG-26 buteth-26, tetrasodium EDTA.

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