K-beauty, la Kiff-beauty ?
S’intéresser à la K-Beauty, autrement dit à la beauté coréenne, c’est pénétrer dans un univers où tous les mots sont précédés de la lettre K. Il y a l’influence des K-dramas (des séries télévisées coréennes),1 de la K-pop (musique populaire coréenne).2 Il y a le K-makeup… bref, autant de concepts qui tournent tous autour d’un modèle coréen de beauté, acquis à l’aide de produits cosmétiques.
Grandes consommatrices de cosmétiques, les Coréennes sont censées vieillir moins vite du point de vue cutané, en conservant une meilleure hydratation et une meilleure élasticité de leur peau.3 L’industrie cosmétique coréenne le fait savoir et déverse sa production dans toutes les parties du monde.4
Cette K-beauty a de quoi intriguer… on a donc sonder la littérature scientifique afin d’en savoir plus à son sujet.
L’importance de la COVID
La Corée est une puissance informatique, puissance qui a été renforcée par l’épidémie de COVID que nous venons de traverser. Le confinement a entraîné des changements dans les modes de consommation avec la prise d’habitude de commander en ligne. En parallèle, les réseaux de sociaux, les blogs ont continué à constituer des sources d’informations en matière de cosmétiques pour des utilisateurs de plus en plus intéressés par les expériences personnelles.5
L’importance du « sans contact »
Le « untact » pour le Coréen… un sans contact (humain) qui passe par les réseaux et les sites, afin de choisir ses cosmétiques tout en étant conseiller, mais sans risque de contamination. Un « untact » qui séduit les jeunes pour qui la compagnie d’un smartphone est plus rassurante que le contact avec un être humain, mais qui pose le problème de la pollution liée aux emballages utilisés pour envoyer les colis. Un système qui entretient le mal-être de certaines personnes vis-à-vis du phénomène de pollution ;6 trop de plastique à l’horizon !
La beauté des cheveux
La COVID a entraîné la création de sites comme celui de Kakao hair shop permettant la réservation d’un rendez-vous chez le coiffeur. Une sorte de Doctolib de l’art capillaire, qui a pour but de réguler la fréquentation des salons, en évitant une concentration trop importante de clients en même temps. Les coiffeurs peuvent également partager, par ce canal, les photos les plus réussies concernant les coupes et les couleurs réalisées.5
Les personnes ayant des cheveux gris (ceux-ci sont bien visibles sur une chevelure noire !) ont recours à des teintures capillaires,7,8 sans se soucier de leur composition (attitude assez universelle).
A noter la présence de benzophénone-3 dans des produits capillaires coréens à mettre en relation avec la présence de ce filtre UV dans les urines des femmes utilisant ce genre de produit9 et le goût prononcé des Coréens pour les laques et les gels fixants.10
La beauté des lèvres
Une étude de 2018, réalisée auprès de 1800 personnes (908 hommes et 892 femmes, âgés de 15 à 59 ans), vivant dans des métropoles coréennes, montre que le rouge à lèvres est le cosmétique le plus utilisé pour les femmes. Pour les hommes… c’est le parfum !11
La beauté de la peau
Un masque qui provoque des phénomènes d’irritation, un nettoyage des mains fréquent qui aboutit à un épiderme desséché… voilà de quoi réjouir une industrie cosmétique coréenne qui se met à développer des produits adaptés en utilisant là encore les réseaux sociaux, afin de promouvoir les produits en question.5
La beauté des ongles
Durant la période du confinement, les Coréennes ont appris à prendre soin de leurs ongles par elles-mêmes, sans passer par les salons de manucurie. L’art de décorer les ongles (Nail art) devient du self-nail, un art qui se pratique soi-même, à la maison, à l’aide de kits, dans lesquels il est possible de trouver toutes sortes de produits permettant de laisser libre cours à sa créativité. Ceci ne veut pas dire pour autant que les salons de manucure se vident. Au contraire, puisque là aussi il existe des plateformes de prises de rendez-vous et également des ateliers qui permettent de former les clientes au nail art !5
La beauté du teint
Pendant et après le confinement, a pu être constatée une augmentation de l’utilisation du smartphone et l’explosion de certaines séries (True beauty, par exemple, qui met en scène une lycéenne qui voit son salut par les cosmétiques).12 Des acteurs deviennent des icônes à suivre, en matière de mode vestimentaire ou de look général, des modèles si l’on veut être bien dans sa peau. K-pop et K-drama offrent au public des modèles à imiter en matière de maquillage du teint, entre autres.
Le maquillage coréen est défini comme un maquillage « naturel », qui permet de faire ressortir l’éclat de la peau.5 Pour la Coréenne, un bon maquillage est un maquillage qui gomme les imperfections cutanées et éclaircit la teinte naturelle de la peau.13 Il peut être intéressant à ce titre d’utiliser des nacres pour obtenir un effet « glossy »14 et des colorants bleus, afin d’améliorer la teinte cutanée en agissant sur la valeur b (degré de jaunissement) du système CIELAB.15,16
On peut également éclaircir le teint en ayant recours à des produits éclaircissants,17 qui agissent sur le processus de formation des mélanines.
Il est intéressant de noter que les hommes utilisent, eux aussi, du fond de teint (et ce d’autant plus qu’ils sont jeunes et célibataires), en même quantité que celle utilisée en moyenne par les femmes, soit 150 à 300 mg/j.18
Et la sécurité dans tout ça ?
Grandes consommatrices de cosmétiques, les Coréennes sont donc exposées à un grand nombre de molécules considérées comme des perturbateurs endocriniens, comme en témoignent la présence de benzophénones (1, 3 et 4) dans les liquides biologiques19 et la présence d’ingrédients comme les parabens et le triclosan dans le lait maternel.20 On sait également que l’utilisation de vernis à ongles chez les enfants et les adultes ou de parfums et de crèmes solaires entraîne un risque d’exposition aux phtalates (mono-(3-carboxypropyl)-phtalate et/ou au phtalate de diéthyle) comme le prouvent les dosages urinaires réalisés.21,22
Et les cosméceutiques ?
Ces cosmétiques censés être des bombes d’efficacité renferment, en Corée, des ingrédients naturels comme la bave d’escargot, la poudre d’étoile de mer ou des extraits de thé vert, de ginseng rouge,23 de soja, de réglisse ou des vitamines comme le niacinamide,24 dans l’idée d’éclaircir la peau et de lutter contre le phénomène de vieillissement cutané.
La K-beauty, en bref
La K-beauty (qui permet d’obtenir un teint « naturel », comme si l’on s’était roulé dans la rosée)25 est une mode qui nous vient de Corée et qui peut amener à superposer une dizaine de produits sur sa peau pour atteindre l’effet voulu. Une technique qui se veut scientifique et hautement technique. Une technique qui demande des efforts.
Rien à voir avec la beauté à la française, obtenue « sans effort », en utilisant ses cosmétiques « à la va comme j’te pousse » et en laissant parler sa créativité plutôt que sa rationalité…26 Une beauté multiple et non singulière qui n’enferme pas l’utilisatrice dans la seule optique du « teint pâle » ! Une beauté multiple qui ne cherche pas à faire consommer plus, mais mieux !
En gros, la K-beauté peut se traduire par la Kiff-Beauty (à mettre en lien avec des cosmétiques qui apporter une « félicité factice »), alors que la F-Beauté (ou beauté à la Française) peut se traduire par beauté franche, qui ne triche pas et apporte un confort durable !
Bibliographie
1 Ta Park VM, Olaisen RH, Vuong Q, Rosas LG, Cho MK. Using Korean Dramas as a Precision Mental Health Education Tool for Asian Americans: A Pilot Study. Int J Environ Res Public Health. 2019 Jun 18;16(12):2151
2 Son B. Foreign pop-culture and backlash: the case of non-fan K-pop Subreddits during the pandemic. J Cult Econ (Dordr). 2023 Apr 7:1-27. doi: 10.1007/s10824-023-09475-w
3 Lee JS, Ha J, Shin K, Kim H, Cho S. Different Cosmetic Habits Can Affect the Biophysical Profile of Facial Skin: A Study of Korean and Chinese Women. Ann Dermatol. 2019 Apr;31(2):175-185
5 Kim M, Kwon KH. Significant paradigm of beauty ecosystem after COVID-19 pandemic in Republic of Korea. J Cosmet Dermatol. 2022 Oct;21(10):4114-4121
6 Lee J, Kwon KH. Why is generation MZ passionate about good consumption of K-cosmetics amid the COVID-19 pandemic? J Cosmet Dermatol. 2022 Aug;21(8):3208-3218
7 Kim JE, Jung HD, Kang H. A survey of the awareness, knowledge and behavior of hair dye use in a korean population with gray hair. Ann Dermatol. 2012 Aug;24(3):274-9
8 Jo SJ, Shin H, Paik SH, Choi JW, Lee JH, Cho S, Kwon O. The pattern of hair dyeing in koreans with gray hair. Ann Dermatol. 2013 Nov;25(4):401-4
9 Kim S, Cho SY, Yoon S, Kim D, Park HW, Kang J, Huh SW. Relationship between the use of hair products and urine benzophenone-3: the Korean National Environmental Health Survey (KoNEHS) cycle 4. Ann Occup Environ Med. 2024 Aug 6;36:e20
10 Park KD, Park BC, Sung KH, Lee E, Lee T, Yoon D, Kim KB, Park GH, Park IY, Kim MH. The Relationship between Epidemiologic Factors and Usage Pattern of Hair Care Products in Korea. Ann Dermatol. 2019 Jun;31(3):307-314
11 Park GH, Nam C, Hong S, Park B, Kim H, Lee T, Kim K, Lee JH, Kim MH. Socioeconomic factors influencing cosmetic usage patterns. J Expo Sci Environ Epidemiol. 2018 May;28(3):242-250
12 https://fr.wikipedia.org/wiki/True_Beauty
13 Lee M, Han J, Kim E. An evaluation of the effects of makeup on perceived age based on skin color in Korean women. J Cosmet Dermatol. 2019 Aug;18(4):1044-1051
14 Lee M, Jung Y, Kim E. Study for skin gloss perception using computer modulation and frequency separation on surface reflection. Int J Cosmet Sci. 2023 Aug;45(4):500-511
15 https://www.universalis.fr/encyclopedie/colorimetrie/3-l-espace-cielab-1976-ou-l-a-b/
16 Lee M, Park SJ, Jeong C, Jang SI, Han J, Kim BJ, Kim E. Perception of the blue light effect on Korean women’s faces using the blue pearl pigment. Skin Res Technol. 2020 Jan;26(1):76-80
17 Cho S, Oh S, Kim NI, Ro YS, Kim JS, Park YM, Park CW, Lee WJ, Kim DK, Lee DW, Lee SJ. Knowledge and Behavior Regarding Cosmetics in Koreans Visiting Dermatology Clinics. Ann Dermatol. 2017 Apr;29(2):180-186
18 Jung K, Choi M, Hong S, Park B, Park I, Shin J, Lee T, Park GH, Kim M. Realistic and aggregated exposure assessment of Korean men and women to color make-up products. Food Chem Toxicol. 2018 Aug;118:382-389
19 Ko A, Kang HS, Park JH, Kwon JE, Moon GI, Hwang MS, Hwang IG. The Association Between Urinary Benzophenone Concentrations and Personal Care Product Use in Korean Adults. Arch Environ Contam Toxicol. 2016 May;70(4):640-6
20 Kim JH, Kim D, Moon SM, Yang EJ. Associations of lifestyle factors with phthalate metabolites, bisphenol A, parabens, and triclosan concentrations in breast milk of Korean mothers. Chemosphere. 2020 Jun;249:126149
21 Lim S. The associations between personal care products use and urinary concentrations of phthalates, parabens, and triclosan in various age groups: The Korean National Environmental Health Survey Cycle 3 2015-2017. Sci Total Environ. 2020 Nov 10;742:140640
22 Mok S, Jeong Y, Park M, Kim S, Lee I, Park J, Kim S, Choi K, Moon HB. Exposure to phthalates and bisphenol analogues among childbearing-aged women in Korea: Influencing factors and potential health risks. Chemosphere. 2021 Feb;264(Pt 1):128425. doi: 10.1016/j.chemosphere.2020.128425. Epub 2020 Sep 25. P
23 Juhász ML, Levin MK, Marmur ES. The use of natural ingredients in innovative Korean cosmeceuticals. J Cosmet Dermatol. 2018 Jun;17(3):305-312
24 Quay ER, Chang YC, Graber E. Evidence for Anti-Aging South Korean Cosmeceuticals. J Drugs Dermatol. 2017 Apr 1;16(4):358-363
25 https://www.yesstyle.com/fr/korean-beauty-cosmetics
26 https://www.vogue.fr/article/beaute-a-la-francaise-secrets-mieux-gardes-fasciner-le-monde-entier