> 08 mars 2017
Pour cette Journée de la Femme 2017, nous avons choisi de faire un court portrait de Joséphine Baker, une artiste au caractère bien trempé qui a marqué son temps.
Si on a l’habitude d’attribuer en grande partie la mode du teint bronzé à Coco Chanel (notons au passage que les mannequins figurant sur les publicités de la marque sont loin de présenter un teint hâlé et offrent même plutôt un teint pâle encore accentué par le fond de teint « qu’il faut » et un rouge à lèvres incandescent), pour notre part, nous optons plutôt pour le rôle prépondérant joué par la belle Joséphine dans la vogue de la peau hâlée. Celle-ci est révélée, en 1925, dans un spectacle La Revue nègre.
Différentes personnalités, dont le poète Jean Cocteau, raffolent à la fois du jazz et du teint cuivré... et apporteront, eux aussi, leur pierre à ce que l’on a pu appeler « les joies du bronzage » (joies bien éphémères si on les rapporte aux dégâts occasionnés par la suite). Le désir de foncer sa peau n’est pas du goût de tout le monde et là encore, un certain René Cerbelaud met en garde, les « écervelées brunes ou blondes » qui « ont voulu elles aussi avoir une peau d’ébène, de terre cuite ou de pain d’épices et nous offrir des décolletés à teinte tomate, heureux encore s’ils ne sont pas accompagnés d’érythèmes ou de desquamations désagréables à l’œil. » Le pharmacien « rabat-joie » met en garde contre « les rougeurs » et « les rides de la nuque indélébiles » que de multiples visites en institut de beauté ne pourront atténuer. De quoi en refroidir plus d’une... Mais revenons à notre sujet.
La belle Joséphine possède plus d’une corde à son arc. Chanteuse, danseuse, spécialiste des grimaces, résistante (le général de Gaulle qui lui décernera la médaille de la Résistance Française aurait pu dire d’elle, en réajustant ses lunettes, qu’elle était « un beau petit soldat »), femme d’affaires (pas toujours très bien inspirée), maman de ce qu’elle appellera « sa tribu multicolore », on peut dire que Joséphine a une tête à chapeaux, si l’on considère le nombre de casquettes qu’elle y déposera successivement et parfois même simultanément.
En ce qui nous concerne, nous nous intéresserons à son parcours cosmétique. Dans « Joséphine vue par elle-même », l’artiste fait un bilan, sous forme d’une litanie, d’une vie qui n’a pas toujours été rose. A l’âge de huit ans, j’ai travaillé/déjà pour calmer la faim des miens (fatalité), J’ai souffert : faim, froid (misère de la vie), j’ai une famille (le monde), on dit que j’étais laide (nature), j’ai dansé comme un singe (zoologie humaine), enfin j’étais moins laide (cosmétique), on m’a sifflé (les admirateurs), on m’a applaudi (la foule), j’ai continué à danser (j’aime le jazz), [...], je ne fume pas (j’aime les dents blanches), [...], J’adore les enfants (on prononce « maman »), j’aime les fleurs (couleurs, parfums) [...]. Joséphine comme toute artiste a eu recours à de nombreux produits cosmétiques (avec modestie c’est même à ces derniers qu’elle attribue sa beauté !) et elle s’est même lancée dans l’aventure industrielle en devenant l’icône de produits capillaires et de produits solaires.
Chez les coiffeurs, dans les années 1930, des affiches recommandent la brillantine Bakerfix. Sur l’emballage, il est précisé que le produit « fixe les cheveux sans les graisser ». On en déduit donc qu’il ne s’agit pas d’une brillantine (celle-ci étant constitué de corps gras et ayant pour but de rendre les cheveux souples et brillants), mais bien plutôt d’une bandoline (cosmétique fixatif des cheveux). Le produit est commercialisé dans un joli pot en verre, agrémenté d’une représentation de l’artiste, cheveux noirs plaqués à l’aide dudit produit. Une frise représentant l’artiste en tenue de music-hall (nue avec une ceinture de bananes stylisée) vient compléter le tableau. Du point de vue de sa composition, il s’agit d’un gel de gomme adragante généreusement parfumé (40 grammes de gomme adragante, 990 grammes d’eau distillée, 10 grammes de glycérine, 3 grammes de soluté de formol, 1,5 grammes d’ionone blanche pure, 1 gramme de zeste de bergamote, 0,20 gramme d’essence d’Ylang Ylang de Madagascar, 0,05 gramme d’essence absolue liquide de jasmin). Toutes ces précisions nous sont apportées par René Cerbelaud qui déshabille les produits du commerce de son temps avec une vraie jubilation.
La bakeroil, « une huile qui bronze sans coups de soleil » (création de Joséphine Baker - Paris) est également à l’effigie de Joséphine. Elle a de quoi séduire la consommatrice qui se projette aisément à la place de la star et espère sûrement atteindre ainsi un résultat similaire sans trop souffrir. « Le formulaire de parfumerie » de René Cerbelaud, ne nous livre pas, pour une fois, la composition de ce produit. A cette époque les autobronzants n’ont pas encore fait leur apparition sur le marché. On en déduira donc qu’il s’agit d’une huile permettant de bronzer « sans risque », de composition vraisemblablement analogue à celle des autres huiles présentes, à la même époque, sur le marché. On n’en est alors qu’aux balbutiements en ce qui concerne la formulation des produits de protection solaire et on ne dispose, pour l’heure, d’aucun moyen pour déterminer le niveau d’efficacité atteint.
Fixateur pour cheveux, huile bronzante... la beauté de Joséphine fait vendre. Joséphine monnaye son image. « Je gagne beaucoup (Je n’aime pas l’argent)/je suis économe (pour quand je ne serai plus). » On connaît la fin de l’histoire. Les propriétaires actuels du très beau château des Milandes, situé en Périgord noir, cultivent, avec bonheur et application, la mémoire de son ancienne propriétaire, grâce à une très belle exposition permanente. On y apprend que Joséphine était plus généreuse qu’économe et plus bohême que femme d’affaires. On y sent son parfum fétiche, Arpège de Lanvin, dans les différentes pièces et, tout spécialement, dans sa somptueuse salle de bain noir et or... aux couleurs du célèbre flacon. Tout est à sa place et on s’attend à voir surgir Joséphine au détour d’un escalier.