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Isabelle a les cheveux noirs, blonds sont les cheveux de Jo !

> 12 octobre 2024

Isabelle a les cheveux noirs, blonds sont les cheveux de Jo !

Tout commence aux chèques postaux.1 San Antonio, qui est à sec, vient y retirer de l’argent. Dans le même temps, un petit vieux, Ludovic Balmin, vient encaisser un chèque d’un million, accompagné d’un drôle d’ange-gardien, un certain Parieux. Visiblement, quelque chose ne tourne pas rond. Et quand San Antonio sort de la poste un quart d’heure plus tard et découvre le petit vieux décédé dans son automobile… on voit vraiment que quelque chose ne tourne vraiment, mais vraiment, pas rond ! Et comme c’est écrit « La Poste » sur le front du commissaire, le voilà qui se met en chasse, nez au vent. Et comme il doit partir en mission à Chicago, il n’a que quelques jours pour débroussailler cette piquante affaire. Et il va y arriver daredare !

Ludovic Balmin, le petit vieux aux cheveux gris

Cet antiquaire de 66 ans a fait une crise cardiaque après avoir retiré un million de francs au guichet de la poste ! A partir de là… il n’y a plus qu’à se mettre à enquêter car cette mort naturelle est quand même un peu louche.

Georges Denis, le gigolo aux cheveux blonds

Le compagnon de Ludovic Balmin, Georges à l’état civil, Jo pour les intimes, est un « petit pédé », à la chevelure blonde, à la voix douce et au corps « mince et flexible ». Il met de la « poudre ocre » sur ses joues et du rouge à lèvres. On lui donnerait 26 ans… alors qu’il en a 33 !

Ce gars à l’allure de fille - on s’y tromperait - est jugé par San Antonio comme un type « savonneux », qui « vous glisse des doigts » et est prêt à tout pour toucher un joli petit héritage.

Une fois Balmin décédé, Jo, après avoir pleuré un bon coup, reprend goût aux cosmétiques… « Jo, la gosse d’amour, vient ouvrir la croupe onduleuse. Elle s’est fardée, la chérie ! Elle n’a pas pu résister… »

Jean Parieux, le comparse aux cheveux de couleur indéterminée

Jean Parieux, un ami du couple formé par Ludovic et Jo, est l’individu qui a accompagné Ludo dans ses derniers instants de vie. Il n’en a plus pour très longtemps à vivre, lui non plus. Une casserole de lait qui éteint le feu et Jean passe de vie à trépas !

Isabelle Bougeon, la diablesse brune comme l’enfer

Elle est « jeune » (elle a 26 ans), « brune » et a « mauvais genre » ! C’est la copine de Parieux et la fille du médecin de famille de Balmin.

C’est elle le cerveau de la bande ; elle qui a tout combiné et qui a supprimé tous les protagonistes de cette affaire coup sur coup, afin de toucher le gros lot… toute seule !

Et le coup de génie consiste pour elle à prendre l’identité de Jo. Pour se faire, « elle se coupe les tifs, se les décolore, met les fringues de Jo » et se transforme en un personnage « évanescent ». Mais, lorsque le commissaire se met à suspecter Jo, voilà Isabelle qui se réveille. Alors que Jo est en train de se consumer dans le four de la maison de campagne de Bougeon, Isabelle se prépare à « changer de peau », afin de pouvoir quitter le territoire bien tranquillement.

Isabelle s’imagine pouvoir débuter une nouvelle vie aux Etats-Unis. Dommage qu’elle ait pris le même avion que San Antonio. Celui-ci ne s’y trompe pas. Sa voisine n’est autre que Jo (c’est-à-dire Isabelle pour ceux qui suivent encore !). Et le commissaire de philosopher : « Personne ne fait peau neuve, jamais ! Une peau ! c’est quelque chose qu’on met son existence entière à amortir… »

San Antonio, le commissaire aux brillantes idées et aux cheveux brillantinés

Une crise cardiaque dans de drôles de circonstances amène un sourire Colgate aux lèvres du commissaire, qui commence son enquête au bras de Marinette, sa charmante voisine. Pour lui plaire, San Antonio sort le grand jeu et son baiser de cinéma. « Celui subventionné par la maison Colgate : dents blanches, haleine fraîche ! »

Toujours pour plaire à ces dames, San Antonio plaque ses cheveux rebelles avec de la brillantine (« Un nuage de brillantine et voilà un mec d’attaque ! »)

Séducteur, gouailleur, buveur, ce commissaire qui ne fait pas dans la dentelle est un as dans son domaine !

Marinette, l’adepte du rouge à lèvre mal posé

La voisine de Félicie (la mère de San Antonio) est une jolie « môme », pas sophistiquée pour un sou. « Son rouge à lèvres, remis en hâte, ne suit pas très bien le contour de sa bouche. On dirait une affiche mal imprimée. »

La concierge de Parieux, l’adepte du fond de teint mal tartiné

Cette dame, qui semble sortir tout droit d’un roman de Balzac, avec son tour de cou en velours, cache sa misère cutanée sous « quarante centimètres de fond de teint ». Des « plâtras », qui lui font un masque protecteur que le commissaire ne manque pas de lorgner d’un œil critique.

Une autre concierge, l’adepte de la teinture capillaire mal dosée

Celle-là possède des « cheveux teints en bleu horizon, peut-être en souvenir de son mari tué à la guerre de 14 […] ».

Et un maquillage qui ne nécessite aucun cosmétique

Dans cette enquête, il y a des morts… pas mal de morts (et de 1, Balmin, et de 2 Parieux, et de 3 Jo, et de 4 le Dr Bougeon) et des temps morts. Lorsqu’il s’ennuie, San Antonio s’interroge : « Je roule en direction de Pantruche en me demandant ce que je pourrais bien maquiller pour tromper le temps. »

Et un parfum pas ordinaire

San Antonio se rend d’un immeuble à un autre, recueillant les confidences de toutes les concierges concernées. Ce sont elles qui l’affranchissent au sujet des habitudes de leurs locataires. Autant dire qu’elles mettent San Antonio « au parfum ».

Un parfum qui ravit les narines du fin limier qui dénoue l’affaire en moins de deux. Un peu de déception à la fin tant le temps a passé vite… « Mais le mystère dissipé, l’histoire perd tout son parfum. »

Et de drôles de cigarettes

Prises dans la maison de campagne du Dr Bougeon, ces cigarettes emmènent San Antonio très loin de la banlieue parisienne. Le commissaire se met « à flotter ». En effet, ce n’est pas de la nicotine qui est retrouvée par les techniciens du laboratoire, mais une quantité « énorme » de « marijuana » ! Il semble bien que ce soit Jo qui consomme ce genre de produit.

Rue des macchabées, en bref

Fortiche le coup de la substitution de Jo par Isabelle. Un roman où les cosmétiques sont rois et où la reine du crime est un as du ciseau, de la houppette, du bâton de rouge… On y a vu que du feu… et pourtant Frédéric Dard nous avait donné un indice. Isabelle a 26 ans. Jo 33… Lorsque San Antonio fait la connaissance de Jo, il lui donne 26 ans… c’est normal, puisque le Jo qu’il découvre est, en réalité, Isabelle !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Dard F., Rue des macchabées in San Antonio tome 2, Bouquins, Robert Laffont, 2022, 1258 pages

 

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