Nos regards
Infirmière à bord, le mystère du collyre bleu !

> 22 avril 2021

Infirmière à bord, le mystère du collyre bleu !

Lorsque Suzanne Pairault nous fait embarquer à bord du paquebot Saint-Malo, pour une croisière de 10 jours en direction du Brésil, il y a des bobos dans l’air,1 il y a du chloroforme sur les compresses et du roulis à prévoir. Juliette Benoît, une jolie infirmière, tout juste diplômée, va être amenée à démasquer un faux médecin (en réalité un voleur qui fuit la police), à assister un interne, pas encore diplômé, lors d’une opération de l’appendicite en urgence, à... se mêler de tout ce qui ne la regarde pas, mais intéresse tout de même ceux qu’elle a pris en affection.

Une jeune infirmière bien sous tous rapports

Juliette est une jolie blonde, pleine de charme et de gentillesse. Très naturelle, Juliette n’abuse pas de cosmétiques. Le strict nécessaire pour la toilette et c’est tout. Savon et dentifrice, point barre. « On eût dit que tous les objets étaient enchantés : le savon lui glissait des mains, l’eau dentifrice oscillait dangereusement dans son verre. » Juliette, un beau petit marin avec le pied marin et la main experte, même en cas de tempête !

Une jeune héritière mal en point

Laura Sommer, la fille du richissime exportateur de café Octave Sommer, est de la partie. Cette Brésilienne, très brune au teint pâle, a les « traits tirés », dès l’embarquement, et pour cause, son appendice est en piteux état ! Son père, un veuf d’une cinquantaine d’années, est aux petits soins pour elle. Il est lui-même pourchassé par une veuve envahissante, bien décidée à retrouver amour et prospérité lors de cette croisière.

Mme Frost une vieille veuve en quête d’amour

Mme Frost, « une dame entre deux âges, artistement maquillée, coiffée d’un béret vert d’où s’échappaient des boucles platinées », joue son va-tout lors de cette croisière. Pour séduire, il lui faut une large palette cosmétique, allant du fond de teint, à la teinture capillaire, en passant par le collyre qui fait les yeux de braise. A 50 ans passés, Mme Frost joue les jeunes écervelées adeptes des couleurs pastel. Sur la table de toilette, tout un « arsenal de produits de beauté » est requis pour maintenir les bribes d’une beauté qui s’enfuit. A côté des cosmétiques, un flacon de collyre bleu qui doit certainement lui permettre d’obtenir ce regard ardent qui captive tant ses proies.

Un interne en passe d’abandonner sa carrière de médecin

Luc Gilloin est un jeune homme au « visage ouvert », « très hâlé » et fort sympathique. Depuis la mort de son père, Luc est en charge de ses frères ; il doit donc gagner rapidement de l’argent et, pour ce faire, abandonner la médecine.

Un faux médecin en passe de fuir la justice

Le Dr Hamard, médecin de bord, est jeune, a les cheveux très noirs, le teint « crayeux », les joues blanches et flasques comme celles d’un vieillard. Pas plus médecin que vous et moi ce monsieur Hamard ! Cet escroc a choisi ce paravent pour fuir la France et la police. Lorsque le marin Jean-Marie se coupe la main et que le faux docteur laisse en place un garrot plus de 5 heures sans s’en soucier, Juliette commence à avoir des doutes sur la qualification de celui qui se prétend médecin. Lorsque Laura déclare une appendicite aiguë, même souci. Le faux médecin simule une crise de paludisme et, pour faire plus vrai, avale, d’un coup d’un seul, le collyre bleu de Mme Frost. Conséquence : une intoxication atropinique carabinée. Juliette, pleine de bon sens, s’empresse de le faire vomir et retrouve, ainsi, dans le lavabo, le célèbre collyre bleu. Un café très fort par là dessus et c’est fini.

Infirmière à bord, en bref

Comme on l’aura deviné, c’est le jeune interne sympathique qui va opérer Laura et la sauver. En récompense de cet acte, Octave Sommer va prendre sous son aile la famille du jeune futur médecin et lui permettre de poursuivre ses études, mais également de fonder un foyer avec l’intrépide Juliette. Reste le mystère du collyre bleu de Mme Frost. Juliette y voit un collyre à l’atropine. Nous y voyons plutôt le célèbre collyre bleu des laboratoires Innoxa, commercialisé depuis 1950.2 Ce collyre, qui n’est pas un cosmétique (puisqu’un cosmétique n’est pas destiné à être administré dans l’œil) est utilisé pour augmenter l’éclat des yeux, pour apaiser la muqueuse oculaire, hydrater la cornée et éliminer les impuretés. Pas d’atropine dans sa composition, mais, en revanche, une association d’eaux florales conservées par du borate de sodium et du chlorure de benzalkonium,3 un ammonium quaternaire connu pour sa toxicité oculaire,4 qu’il est d’ailleurs bien étrange de retrouver ici. Le mystère du collyre bleu reste entier, atropine5 or not atropine ? Suzanne Pairault n’en a fait qu’à sa tête et a composé un collyre à sa façon !

Bibliographie

1 Pairault S., Infirmière à bord, Bibliothèque verte, 1982, 183 pages

2 https://www.pharmaguiz.fr/produit/innoxa-gouttes-bleues-10ml-567acfa907f5d

3 https://www.1001pharmacies.com/innoxa-gouttes-bleues-lotion-hydratante-sterile-pour-les-yeux-10-ml-p4070

4 Vitoux MA, Kessal K, Melik Parsadaniantz S, Claret M, Guerin C, Baudouin C, Brignole-Baudouin F, Réaux-Le Goazigo A., Benzalkonium chloride-induced direct and indirect toxicity on corneal epithelial and trigeminal neuronal cells: proinflammatory and apoptotic responses in vitro., Toxicol Lett., 2020, 1, 319, 74-84

5 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/belladone-drole-de-nom-pour-une-plante-toxique-1245/

 

 

 

Retour aux regards